Cameroun – Alternance: Une équation à mille inconnues

Le president Paul BIYA, Kamto et Cabral

Au fur et à mesure que le présent septennat du président de la République fait son chemin, il y a tellement de ruptures et de rebondissements qu’on est obligé de se demander si les lendemains ne vont pas droit dans les bras de l’impasse.

Moins de deux ans après le début de ce « septennat des grandes opportunités », le numéro un camerounais a connu peu ou prou l’essentiel de ses difficultés depuis son accession à la magistrature suprême en 1982. Pour une fois de manière encore plus pressante qu’en 2004, une rumeur tenace a annoncé sa mort, créant au sein de l’opinion une vague de réactions qui ont trahi les intentions des uns et des autres dans leur volonté de rester légalistes, fidèles à l’esprit de la Constitution de 1996. Et là, il faut se l’avouer aussi, le président du Sénat, le président par intérim, constitutionnellement parlant, est lui aussi pris dans le tourbillon de la limitation physique due à son âge, comme du reste l’ont indiqué des vidéo postées par ses détracteurs sur la toile. La rumeur de ce fait, l’a déjà envoyé dans l’au-delà trois à quatre fois déjà. Il est vrai que Marcel Niat Njifendi, originaire de la région de l’Ouest, ami de Paul Biya de longue date, jouit auprès de ce dernier toute la confiance pour implémenter la volonté de son ami au cas où quelque fâcheuse situation lui arriverait.

Maintenant qu’une certaine vidéo tourne en boucle sur la toile dans le but inavoué de montrer son incapacité physique à tenir les rênes de ses responsabilités constitutionnelles au cas où, on se demande s’il ne s’agit pas là d’une porte ouverte pour fragiliser ou complexifier à souhait un quelconque intérim au sommet de l’Etat. Bien sûr, on ne perd pas de vue qu’en cas d’incapacité du président du Sénat, son premier vice-président prendrait la charge. La question essentielle est dès lors de savoir si ce dernier peut sans objections, remplir son office selon la volonté ou les
attentes de celui qui l’a nommé.

Intentions présidentielles

La deuxième équation qui plonge le pays de Paul Biya dans les tourments inextricables relativement à l’alternance se trouve dans les batailles feutrées autour du chef de l’Etat. En premier lieu, Paul Biya contrairement à certains de ses pairs en Afrique, n’a pas œuvré au cours de son long séjour à la magistrature suprême, pour mettre en selle un dauphin désigné, constitutionnellement ou politiquement, faisant à tout le moins l’unanimité autour de son éventuelle prise pacifique du pouvoir. Au Gabon, le défunt Omar Bongo, avait décidé de céder son trône à son fils Ali Bongo Ondimba. A sa mort, ce dernier était ministre de la Défense et vice-président du Parti démocratique gabonais (Pdg). Il en va de même, du cas équatoguinéen, où le fils du président Théodorine Obiang est vice-président du parti démocratique de Guinée Equatoriale et vice-président de la République.

Que penser dès lors de cette rumeur qui enfle dans les officines attribuant à Paul Biya la volonté de mettre son fils sur son trône après lui ? S’il avait voulu que les choses en soient ainsi, en sage de l’Afrique francophone, il avait toutes les latitudes d’œuvrer dans ce sens sans que rien ne vienne obstruer sa volonté. Cette situation a tellement marqué les esprits même à l’international au point où, certaines officines désemparées de lire l’exactitude des intentions présidentielles sur la question, ont prétendu tout simplement que Paul Biya préparait son épouse à lui succéder. « Madame la Présidente », barrait de ce fait la « une » de l’hebdomadaire panafricain Jeune Afrique, dans une de ses parutions de l’année dernière.

Gouvernement de pacification du pays ?

Une modification constitutionnelle au Cameroun, bruisse de plus en plus, où on attribue au Président de la République l’intention de toucher la loi fondamentale dans le seul intérêt de donner à sa succession ne dimension légale. Disposant d’une majorité totale au Parlement, si tel est le dessein de Paul Biya, sa volonté passerait comme lettre à la poste. L’opinion est dès lors dans l’attente de savoir si cette initiative sera implémentée au cours de la session de ce mois de juin ou de novembre.

Les rumeurs parlent de manière récurrente de la création du poste de Vice-président de la République qui qui serait désormais le successeur constitutionnel du chef de l’Etat en lieu et place du président du Sénat. A ce niveau, ce poste reviendrait à quelqu’un en mesure de ramener la paix dans le Noso et de conforter l’unité du pays. La rumeur circule des noms que le journaliste s’empêche de rapporter. Ce n’est qu’une hypothèse, une option parmi tant d’autres dont il appartient au chef de l’Etat de décider.

Une autre équation, qui revient des officines est la création d’un gouvernement d’union nationale comprenant les forces vives majeures de la Nation. La difficulté viendrait de la possibilité de convaincre toutes les forces politiques de s’y mettre. Il y a de ce point de vue la difficulté de faire entrer le Mrc de manière consensuelle et les leaders stratégiques du conflit dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Il serait de ce fait question d’un gouvernement de pacification du pays. Le piquant de l’équation vendrait de la difficulté d’y associer les acteurs représentatifs au risque de choisir par désespoir de cause des acteurs de seconde zone pour jouer le jeu. Et à ce niveau, on peut se demander, pour quels résultats en définitive.

La Dernière équation soulevée ici est le Mrc. Son leader a déjà dit toute sa fermeté de s’opposer à quelque élection au Cameroun sans une modification préalable du système électoral et de la résolution de la crise anglophone. De ce fait, ce parti énonce de manière ouverte son opposition à une « succession de gré à gré » au sommet de l’Etat, fait de modification constitutionnelle ou d’autres manœuvres en vue de succéder à Paul Biya en dehors de la voie électorale. Telle est de toute évidence, une équation lourde surtout quand on sait que la communauté internationale s’est prononcée dans ce sens. Mais là-dessus encore, le Cameroun de Paul Biya a l’habitude de manifester son opposition à tous les diktats qui lui sont signifiés sur la place publique. Tous les vœux qu’on peut souhaiter au pouvoir camerounais sont de démêler les écheveaux pour trouver la solution idoine qui conduirait le pays sur la voie démocratique, pacifiquement et à bon port.

Léopold DASSI NDJIDJOU

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