Cameroun : 50 manifestants du MRC de KAMTO oubliés en prison

Une grève dans un marché

Ces militants du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (Mrc) ont été inculpés au tribunal militaire depuis neuf mois pour tentative de révolution, de rébellion. L’instruction devant aboutir au jugement des prévenus n’a toujours pas été ouverte 11 mois après leur arrestation.

50 militants du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (Mrc), placés en détention préventive à la prison centrale de Kondengui depuis octobre et novembre 2020 pour tentative de révolution, de rébellion et d’attroupement aggravé par le tribunal militaire de Yaoundé, attendent toujours d’être convoqués devant un juge d’instruction pour l’ouverture d’une information judiciaire. Onze (11) mois après leur arrestation lors de la marche pacifique organisée le 20 septembre 2020, ces militants sont toujours en détention sur la base des procès-verbaux d’enquêtes préliminaires de la gendarmerie et des commissariats de police. L’information judiciaire est la deuxième étape de la procédure après l’enquête préliminaire. Elle est conduite par un juge d’instruction. Si la police a procédé à la garde à vue pendant les délais non réglementaires à savoir 44 jours au lieu de 72h sans redevabilité envers leur hiérarchie et sans risque de sanction civile, l’information judiciaire quant à elle n’a donné lieu à aucune audition en dehors de celle qui est le rituel d’inculpation.

Alain Fogue, le trésorier national du Mrc et Olivier Bibou Nissack, porte-parole de Maurice Kamto sont parmi les militants du Mrc inculpés par le tribunal militaire de Yaoundé. 27 parmi ces militants du parti étaient le 27 juillet 2021 devant la Cour d’Appel du Centre pour une audience en habeas corpus. Le délibéré sur leur demande de mise en liberté immédiate a été renvoyé au 10 août 2021. La Cour d’appel du Centre a été saisie après que le tribunal de grande instance du Mfoundi ait rejeté leur demande de mise en liberté immédiate. Les avocats dénoncent un procès politique ouvert contre les manifestants pacifiques qui ont exprimé leur opinion pourtant garantie par la Constitution camerounaise. L’objectif de la manifestation était d’exiger le départ au pouvoir du président de la République Paul Biya, de dénoncer l’organisation des élections régionales du 6 décembre 2020 et d’exiger la fin de la guerre dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Une protestation réprimée par le gouvernement, sous le prétexte qu’une marche dont l’objectif est d’exiger le départ d’un chef d’Etat démocratiquement élu n’a rien de pacifique

Récusation du juge

Dans le souci d’exprimer leur colère vis-à-vis des lenteurs judiciaires, les manifestants détenus à la prison ont adressé le 6 juillet 2021, une lettre de demande de récusation. Dans la lettre destinée à la présidente de la Cour d’Appel du Centre, les militants du Mrc précisent comme objet : « Demande de récusation de Monsieur Bias Joël Aimé, juge d’instruction au tribunal militaire de Yaoundé pour manifestation d’hostilité faisant apparaitre son impartialité ».

Alain Fogue et ses camarades de parti accusent le juge d’instruction de ne pas respecter les délais raisonnables pour l’ouverture d’une information judiciaire. Me Hyppolite Meli, le président du Collectif des avocats chargés d’assurer la défense des militants interpellés dénonce une procédure judiciaire aux allures d’un règlement de compte. « Les personnes civiles sont jugées dans un tribunal militaire alors qu’elles ont juste exprimé leur opinion selon la loi. Cela n’est pas normal que dans un pays démocratique les gens soient embastillés de cette façon », affirme l’avocat. Selon l’homme de droit, la longue détention provisoire des militants du Mrc viole l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui stipule : « Nul ne peut être inquiété pour ses opinions. Toute personne a droit à la liberté d’expression; ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix ».
Un responsable du tribunal militaire de Yaoundé rencontré ce 2 août 2021 affirme que la procédure judiciaire concernant les militants du Mrc se poursuit normalement. « Ce n’est pas en parlant dans les médias que les choses vont évoluer, la justice a besoin d’un temps nécessaire pour bien faire son travail », explique notre source.

En janvier 2019 lors d’une marche pacifique du Mrc dont l’objectif était de dénoncer le hold-up électoral » lors de la présidentielle d’octobre 2018, plusieurs cadres du Mrc parmi lesquels Maurice Kamto, le président de parti ont été arrêtés et inculpés par le tribunal militaire. Ces personnes ont été relaxées neuf mois après. C’était suite à une décision prise par le chef de l’Etat dans le cadre du Grand dialogue national tenu en septembre 2019 à Yaoundé. Cyrille Rolande Bechon, la présidente exécutive de l’Ong Nouveaux droits de l’homme estime que maintenir en prison les personnes qui ont manifesté leur droit reconnu par la Constitution est une attitude qui porte atteinte au respect des engagements internationaux signés par notre pays. Me Hyppolite Meli affirme que les mesures ont été engagées par les avocats des prévenus afin de saisir les juridictions internationales sur les multiples cas de violation des droits dont leurs clients sont victimes.

Prince Nguimbous (Jade)

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