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Cameroun : 104 ans de prison pour Emmanuel Lebou, cerveau des salaires fantômes !

Paul Biya et Emmanuel Lebou

Une sentence sans précédent vient de frapper l’ancien directeur de la solde au ministère des Finances. Emmanuel Lebou a été condamné à 104 ans d’emprisonnement par le Tribunal criminel spécial (TCS) de Yaoundé, une décision qui fait trembler les couloirs de l’administration camerounaise. Cette affaire pourrait n’être que la partie émergée d’un iceberg de corruption systémique.

Le plus grand détournement de l’histoire du Cameroun dévoilé

Les chiffres donnent le vertige : 2 601 comptes salariaux fictifs créés de toutes pièces, un détournement mensuel de 1,8 milliard de FCFA, et ce pendant une décennie entière. Le préjudice total pour l’État camerounais s’élèverait à plus de 216 milliards de FCFA, soit l’équivalent du budget annuel de plusieurs ministères réunis.

Une fraude d’une ampleur inédite qui explique la sévérité exceptionnelle de la sentence. « Nous assistons à la plus lourde condamnation jamais prononcée dans une affaire de détournement de fonds publics au Cameroun », confirme un expert judiciaire sous couvert d’anonymat. L’arrestation remonte au 2 mai 2018, lorsque Emmanuel Lebou et cinq autres personnes ont été interpellés par la police judiciaire de Yaoundé.

Justice expéditive ou procès équitable ? La défense crie à l’obstruction

Dans une correspondance adressée au président Paul Biya en juillet 2024, Emmanuel Lebou dénonce ce qu’il considère comme une obstruction délibérée à ses droits de défense. Au cœur de sa contestation : l’impossibilité d’obtenir la certification d’un document crucial, un rapport d’audit datant de 2013 qui prouverait, selon lui, que les dysfonctionnements existaient bien avant sa prise de fonction à la Direction des Dépenses de Personnel et des Pensions (DDPP) en 2015.

« J’ai multiplié les démarches depuis 2020 auprès du ministère des Finances, de la Direction des Affaires Juridiques et même de la présidente du TCS, sans jamais obtenir ce document certifié comme l’exige l’article 313 du code de procédure pénale », explique-t-il dans sa lettre. Un silence administratif troublant qui soulève des questions sur la transparence de la procédure.

Plus étonnant encore, selon Lebou : « Le tribunal s’oppose catégoriquement à toute allusion concernant le contenu de ce rapport, alors que certains de mes coaccusés en parlent librement dans leurs réponses. » Une incohérence qui interroge sur l’équité du procès dans cette affaire.

Un système de corruption plus vaste que prévu ?

Ce que révèle en filigrane cette affaire, c’est l’existence possible d’un système de fraude institutionnalisé au sein du ministère des Finances. Dans sa lettre, Emmanuel Lebou fait référence à « ce fléau qui sévit depuis trop longtemps au Ministère des Finances » et à « des dysfonctionnements formellement identifiés des années avant [sa] prise de fonction ».

Ces allégations, si elles étaient confirmées, pourraient impliquer d’autres hauts responsables de l’administration financière camerounaise. Elles posent également la question de la sélectivité des poursuites dans le cadre de l’opération Épervier, cette campagne anticorruption lancée par les autorités camerounaises.

En attendant un éventuel appel, Emmanuel Lebou reste derrière les barreaux, condamné à plus d’un siècle de prison. Une peine symbolique qui fait de lui le détenu à la plus longue condamnation de l’histoire judiciaire camerounaise.

Par Alain-Claude Ndom pour 237online.com

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