Cameroun: Analyse du discours de fin d'année 2013 du Président Paul Biya :: Cameroon

Les Camerounais ont découvert à la télévision ce 31 décembre 2013 à 20 heures, un Président vieilli ayant fait le lifting frontal qui est cette intervention chirurgicale destinée à corriger les effets du vieillissement sur le front notamment les rides du front et celles qui sont situées entre les sourcils. Cette opération chirurgicale a forcé les Camerounais à suivre le discours sans émotion d’un Président de la République déconnecté de sa parole.
Au grand regret, on peut dire que Paul Biya n’a fait aucune annonce-choc comme attendu si ce n’est celle d’informer les Camerounais à travers un « avertissement amical » que même en 2035, leur pays n’atteindra pas l’émergence et qu’il « n’arrivera pas à faire ce que d’autres pays sont en train de faire » pour se développer. Paul Biya a dit avec conviction : « Je ne crois pas » pourtant, « nous sommes à la croisée des chemins » où tous les « espoirs de prospérité » sont permis. Le Cameroun a tout « et alors que nous manque-t-il ? » Pour répondre à cette question rhétorique, le Président dit que son régime n’a pas réussi à assurer la primauté de l’intérêt général et la coordination des actions nationales. En d’autres termes, les forces vives du Cameroun n’ont pas été mises à contribution. Tout en précisant qu’il s’agit des « dérives à ne pas tolérer », Paul Biya parle implicitement de la question du tribalisme et des autres inégalités sociales qui minent le Cameroun en disant que son administration était « perméable aux intérêts particuliers ». Plus grave, il dit qu’au lieu de fixer des objectifs ambitieux à la dimension des potentialités du Cameroun, son régime emprunte « le chemin de la facilité en repoussant à plus tard les réformes », ce qui est de nature à faire prendre au Cameroun jusqu’à « 10 ans de retard ». A qui la faute ? Comme toujours, la faute revient à la crise économique et aux menaces à la paix. Comme fait nouveau, Paul Biya admet que le contexte politique est « tendu » dans son pays. Pour quelles raisons ?

Biya a confessé que son régime était marqué par l’existence à foison des actions de l’Etat « incohérentes et illisibles ». En lieu et place d’un discours-bilan comme l’ont fait l’essentiel des Chefs d’Etat en pareille circonstance à travers le monde, Paul Biya nous a servi un discours-projet prédominé par le temps futur. En clair, son bilan se trouve dans de bonnes intentions. Ainsi, comme s’il était à sa première année de présidence, il nous dit de façon insouciante qu’il faut renforcer la discipline budgétaire, combattre l’insuffisance des investissements privés, améliorer le climat des affaires et l’efficacité de la politique économique. En ce qui concerne les « problèmes qui tiennent les Camerounais à cœur », il dit qu’il s’agit de ce que nos populations sont encore « en droit d’attendre [après 32 ans de règne] ». En ce qui concerne les « grands progrès » de l’année 2013, Paul Biya est fier d’exhiber l’unique secteur de la santé avec principalement l’ouverture prochaine de trois hôpitaux de références. Pour le reste, il parle de façon évasive de grands projets dans le transport, l’approvisionnement en eau, la construction des routes et autoroutes à venir. Comme fait étonnant à ce chapitre, il prend en son compte les équipements des miniers pour compléter son bilan inexistant dans le présent en dehors du seul progrès institutionnel (élection, sénat) avec lequel il a ouvert le discours juste après ses salutations d’usage. En lieu et place de mise sur pied d’une équipe gouvernementale pour mettre urgemment fin aux supplices des Camerounais, Paul Biya n’a rien trouvé de mieux que de signer un décret pour consolider Elecam, sa seule fierté de l’année au regard de son message de félicitation. On apprend aussi toujours sur le plan institutionnel qu’il lui faut encore du temps dans un futur incertain pour mettre sur pied le Conseil constitutionnel qui viendrait mettre fin à 18 ans de « déficit institutionnel». Ah ! Paul Biya: Il lui faut toujours du temps !

Cet exercice semble tellement compliqué que Paul Biya demande aux Camerounais de « mobiliser toutes nos énergies aux services de cette cause ». La situation s’est tellement dégradée en 32 ans que le Président invoque lui-même « la nécessité d’un plan d’urgence » qui permettra de bâtir le « Grand destin national ». A la recherche d’un « Nouveau sursaut patriotique » et de ce qui peut nous faire « vibrer », Paul Biya n’a rien trouvé dans l’actualité immédiate et a été obligé de ressusciter les Lions indomptables version « années nostalgiques » de 1982 et 1990.

Pour le reste, le Président a dépensé 1/3 de son temps à faire un cours magistral sur la sécurité et à présenter son bilan qui se résume en la libération des otages français et en la participation à la guerre en Centrafrique. Question : le Président sait-il seulement le nombre d’otages Camerounais détenus à l’étranger ? Combien a-t-il pu libérer ? En quoi la libération des français est-elle une question de sécurité nationale au Cameroun ? Combien d’otages camerounais ont-ils déjà été reçus par le Président du Cameroun ? Un Français n’est-il pas aux yeux de Paul Biya plus important au Cameroun qu’un Camerounais ? Paul Biya ne continue-t-il pas là de poser des actions incohérentes et inadéquates pour l’accomplissement de notre « grand destin national » dont il parle ? A ce rythme, pense-t-il être l’homme qui apportera la primauté de l’intérêt général et la coordination des actions des forces vives dont nous avons besoin pour nous développer ? Certainement pas. En gros, on peut dire que Paul Biya n’a pas mis fin cette année aux goulots d’étranglement du Cameroun.

Correspondance: Dr Louis-Marie KAKDEU, PhD & MPA

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