Sahara occidental: un échec onusien

Depuis le milieu des années 1970, le Maroc et le Front populaire de libération de Saguia El Hamra et du Rio de Oro, dit Front Polisario, se disputent le Sahara occidental. En 1991, après près de deux décennies de conflit armé et l’annexion par le Maroc des trois quarts du territoire du Sahara occidental, un accord de cessez-le-feu est signé par les deux belligérants. L’adoption, la même année, par le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies (ONU) de la résolution 690 permet le déploiement des Casques bleus de la Mission des Nations unies pour un référendum au Sahara occidental (MINURSO).
La MINURSO se voit charger de veiller au respect du cessez-le-feu par les deux parties et, surtout, comme l’indique son nom, de préparer et organiser un référendum d’autodétermination, dont la tenue est fixée pour l’année de suivante. Mais bien vite, les désaccords entre les autorités marocaines et le Front Polisario, au sujet notamment des critères d’identification et de composition du corps électoral se révèlent des obstacles rédhibitoires à la tenue du scrutin référendaire. En mai 1996, après plusieurs vaines tentatives de médiation, le secrétaire général de l’ONU annonce l’arrêt du processus d’identification des votants mené par la MINURSO et, conséquence immédiate, celle-ci voit ses effectifs réduits. Après avoir compté plus de 1 000 membres au sein de son effectif, la mission onusienne ne se compose plus, au 31 octobre, que de 243 personnes, dont le Commandant de la force et le personnel médical (chiffres communiqués par la MINURSO).

En 2013, après vingt-deux ans de présence sur le terrain, la mission onusienne n’a toujours pas atteint l’objectif qui lui fut initialement fixé, à savoir l’organisation d’un référendum d’autodétermination. De l’aveu même de l’actuel secrétaire général de l’ONU, Ban Ki Moon, les Casques bleus se contentent de veiller au respect du cessez-le-feu (Rapport 2013 du secrétaire général au Conseil de sécurité, S/2013/220).

Depuis l’accession au trône du roi Mohammed VI (1999), le Maroc rejette l’idée de l’organisation d’un référendum d’autodétermination. En visite à Lâayoune – la capitale administrative et économique du Sahara occidental sous contrôle marocain -, le souverain alaouite déclare, le 6 mars 2002 : « Le Maroc ne renoncera pas à un seul pouce de son Sahara, inaliénable et indivisible ». (Dépêche Maghreb Agence Presse (MAP), 6 mars 2002) Désormais, les autorités marocaines proposent l’octroi d’un statut de région autonome pour le Sahara occidental. S’il devait accepter la tenue d’un scrutin référendaire, le Maroc ne l’envisagerait qu’au sujet de ce statut d’autonomie, à savoir son rejet ou son acceptation. De son côté, le Front Polisario demeure viscéralement attaché au principe d’autodétermination.

Conscient de ces positions divergentes, le Conseil de sécurité enjoint – enfin ! –, le 30 avril 2007, les deux parties à négocier « de bonne foi, sans condition préalable » (résolution 1754). Ainsi pendant cinq années, des rencontres sont organisées entre les deux parties sous l’égide des Nations unies. Toutefois, là encore, les positions opposées et inconciliables des deux parties rendent ces réunions infructueuses, voire stériles. Ban Ki Moon concède qu’« aucune des parties n’a accepté la proposition de l’autre en tant que seule base de négociation et aucune n’a pris à ce jour des mesures qui indiquerait qu’elle est disposée à avancer sur la voie d’un compromis acceptable. » (Rapport 2011 du SG au Conseil de sécurité, S/2011/149). Il dénonce l’attitude des autorités marocaines pour qui les « pourparlers […] sont destinés à négocier les détails de [leur] proposition d’autonomie. » (Rapport 2012 du SG au Conseil de sécurité, S/2012/197). Ban Ki Moon pointe également du doigt l’atmosphère dans laquelle se déroule les réunions et souligne que « le processus de négociation reste caractérisé par un manque total de confiance, et chaque partie se méfie profondément de l’autre ». (Rapport 2011 du SG au Conseil de sécurité S/2011/149). Aveu d’échec, Christopher Ross, l’envoyé spécial du secrétaire général au Sahara occidental, décide, le 29 novembre 2012, de mettre un terme aux réunions bilatérales.

Au vrai, depuis l’entrée en vigueur du cessez-le-feu et le déploiement des Casques bleus, la situation n’a guère évolué sur le terrain. Dans la partie contrôlée par le Maroc, les Sahraouis qui osent exprimer leurs revendications indépendantistes sont systématiques victimes de la répression de l’appareil sécuritaire marocain. Les Sahraouis installés, depuis des décennies, dans des camps de réfugiés près de Tindouf (sud-ouest algérien) continuent de vivre dans des conditions humanitaires précaires. Chaque mois, le Programme alimentaire mondial (PAM) distribue 90 000 rations alimentaires aux réfugiés sahraouis les plus vulnérables. À l’instar des sahraouis vivants dans la partie du territoire sous contrôle marocains, les réfugiés des camps de Tindouf doivent épouser, sous peine de représailles, les idées du Front Polisario.

Bien qu’il soit le théâtre d’un des conflits les plus longs depuis la Seconde guerre mondial, le Sahara occidental ne fait que par trop rarement la une des médias internationaux Un, deux articles par-ci, quelques dépêches bien trop brèves par-là, on n’évoque le Sahara occidental que de loin en loin, à l’occasion d’une manifestation de sahraouis violemment réprimée par les autorités marocaines. Avec un cessez-le-feu relativement bien respecté par les deux belligérants, l’absence de combats et de victimes sur le champ de bataille, ce conflit ne peut pas plaire aux metteurs en scène de la politique internationale. Né dans la seconde moitié du XXe siècle du processus de décolonisation (l’Espagne quitte le Sahara occidental en 1975), au plus fort de la période de la guerre, ayant survécu à la chute du bloc de l’Est, ce conflit laisse perplexe, déstabilise les analystes et les observateurs. Ils n’arrivent pas à comprendre et d’aucuns y voient que le fruit de rivalités entre deux puissances régionales : le Maroc et l’Algérie.

En attendant, depuis bientôt quarante ans, des milliers de familles vivent séparées, les jeunes dans les camps de réfugiés sont pour une grande majorité inactifs, sans espoirs et ne rêvent plus, depuis fort longtemps, de lendemains meilleurs.

Correspondance: Youssef Jebri

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