Cameroun: Le pays des délinquants

Les personnes humaines avec lesquelles nous formons le peuple camerounais sont des gens tout à fait extraordinaires. Ils sont intelligents, c’est sûr.
Car, quel que soit le sujet qu’on puisse aborder avec eux, ils ne cherchent, ni à savoir davantage, ni à comprendre un peu plus. Politique, économie, philosophie ou même des sciences exactes, ils sont partout dans leur élément.
Tout de suite, ils vous donnent plutôt leur avis compétent et vous livrent les petites recettes qui les ont aidés à gagner à tous les coups. On dirait qu’ils sont des spécialistes de tout, sans avoir eu la moindre peine d’apprendre. Ne cherchez, ni à changer de sujet pour les prendre de court, ni, surtout, à les contredire. Ils sont si convaincus qu’ils ont raison que même le Saint Esprit aurait du mal à les amener à reconnaître qu’ils peuvent aussi se tromper. Nous aurions volontiers affirmé que nos compatriotes forment une race supérieure si, dans l’Histoire, cette formule ne renvoyait pas à la pire catastrophe de l’humanité. Néanmoins, nos compatriotes ne se prennent quand même pas pour de petits comprimés d’Aspirine. Malheureusement, entre ce qu’ils disent et ce qu’ils font, entre ce qu’ils prétendent être et ce qu’ils sont dans la réalité, entre les vertus qu’ils se vantent de pratiquer et la boue dans laquelle ils pataugent, le fossé est béant, immense, pratiquement infranchissable.
En un mot, la plupart des Camerounais sont les contraires d’eux-mêmes et, ma foi, ils en éprouvent beaucoup de fierté ; ils s’en portent plutôt- bien !… Alors, ne vous laissez pas abuser. Depuis des années, presque rien n’a changé. Tous ces ministres et directeurs généraux qui, en public, ne parviennent pas à dire deux mots, sans rappeler « tout le grand prix que le chef de l’Etat attache à la rigueur et à la moralisation », ne doivent pas vous mener en bateau ; ils ne croient pas à ce qu’ils disent ; ils mentent ; ils jouent simplement avec les mots. Leur « rigueur » et leur « moralisation » consistent, dans leur ministère, à faire le plein de leurs enfants, de leurs neveux et beaux-frères, à tous les étages.
Ainsi, les coups fumants que le « boss » déclenche d’en haut demeurent, à tous les niveaux où le contrôle peut s’exercer, strictement une affaire de famille. Il arrive parfois que le « boss » soit épinglé. Mais, arrêté au Nigéria en route pour des rivages lointains ou mis en prison, c’est généralement trop tard : la fortune publique a déjà construit une vingtaine de villas, acheté une flotte de voitures, sans compter les banques à l’Etranger où elle s’est accumulée en milliards… Bien entendu, à son niveau, le petit fonctionnaire fait des mains et des pieds pour creuser son petit trou. Quand il ne réunit pas de faux diplômes pour avoir un indice plus respectable, il se met à reconnaître tous les enfants bâtards de ses sœurs, de ses nièces ou de ses cousines, afin d’avoir des allocations familiales un peu plus consistantes. Juste pour faire comme tout le monde. Dehors, la fortune publique ou tout ce qui s’y apparente n’est guère traité avec plus d’égards. La même débrouillardise tricheuse bat son plein partout.
Ainsi, dans un quartier qui compte cinq cents familles, une dizaine de famille à peine paye le courant au compteur. Car, avec la complicité intéressée des agents mêmes de « ENEO », tout le monde est, comme on dit ici, directement alimenté par Song Lulu… Nous avons dû recourir au dictionnaire, pour pouvoir mieux qualifier ce « genre de petits crimes et délits organisés, considérés dans leur ensemble, quant à leur nature, à leur fréquence et à leurs auteurs ». Le mot que nous avons trouvé n’est autre que « délinquance ». A première vue, ce terme paraît excessif, à l’échelle de tout un pays. Malheureusement, c’est le seul mot qui convient. Oui, nous sommes effectivement un pays de délinquants, quand on considère la porosité morale et citoyenne qui règne chez nous. D’ailleurs, avec ce qu’il découvre aujourd’hui avec les fonctionnaires, M. Motazé n’est pas loin de penser la même chose.

Patrice Etoundi Mballa

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