Cameroun: Incurie budgétaire: Comment le système Biya plombe le budget de l'Etat :: Cameroon

Mauvaise utilisation des ressources, échec systématique de la réforme des marchés publics, et budget programme qui vire au mirage. Tous les indicateurs réclament désormais une nouvelle impulsion au sommet de l’Etat.Mauvaise utilisation des ressources, échec systématique de la réforme des marchés publics, et budget programme qui vire au mirage. Tous les indicateurs réclament désormais une nouvelle impulsion au sommet de l’Etat.

1)-Mauvaises utilisations des ressources
Assurément. On en est aujourd’hui à le budget des moyens l’Etat du Cameroun. Pour certains, il était plus réaliste par rapport au budget programme inauguré au cours de l’exercice qui s‘achève. Pis, il intervient au moment où l’Etat sort d’une longue période d’ajustement structurel. Il se trouve que depuis près de 10 ans maintenant, hormis l’armée, la police, la diplomatie, le système éducatif et dans une certaine mesure les cadres sortis de l’Ecole nationale d’administration et de magistrature, les recrutements dans la fonction publique étaient bloqués. Selon nos sources, ce blocage a fortement hypothéqué le renouvellement des effectifs.

Notamment dans les ministères techniques à l’instar de celui de l’économie du plan et de l’aménagement du territoire, des travaux publics, de l’Eau et de l’énergie, de l’industrie, des mines et du développement technologique. La vérité est que depuis plusieurs années maintenant, ces départements ministériels que l’on peut considérer comme étant au premier plan de la politique des grandes ambitions puis des grandes réalisations de Paul Biya, fonctionnent à plusieurs vitesses. Au point de gripper la machine globale qui structures l’ensemble des grands projets. Il y a été institué les chefs de projets qui sont nommés par simple décision du ministre et qui ont des avantages exorbitants. Illustration : un chef de projet à la cellule Bad (Banque africaine de développement) au ministère des travaux publics se retrouve avec un million et demi de primes par mois. Les mêmes primes sont multipliées par deux dans les projets énergétiques au niveau du ministère de l’eau et de l’énergie, précisément dans un projet comme celui du Port en eau profonde de Kribi. Ce qui fait que dans ces ministères techniques le malaise est grand en ce sens que les chefs de projets sont vus d’un mauvais œil par leur propre chef hiérarchique dépourvu d’avantages, dans notre administration où la course à l’enrichissement illicite est devenue la chose la mieux prisée.

A ce malaise émanant de la mauvaise utilisation des ressources humaines se greffe un autre qui est dû à l’inégalité dans la gestion des ressources financières. Non seulement les primes qu’affectionnent particulièrement les cadres étatiques sont très souvent à tête chercheuses, mais aussi les crédits sont délégués à la base de manière controversée. Dans les ministères techniques tels que le ministère de l’économie du plan et de l’aménagement du territoire, et le ministère des travaux publics par exemple, certains délégués départementaux en viennent à gérer des crédits qui sont supérieurs à ceux gérés par les délégués régionaux. Ainsi dans notre administration, il vaut mieux être délégué départemental des travaux publics à Sangmélima ou Monatélé que d’être délégué régionale de la même administration à Bertoua ou Bamenda. Une situation déjà très préoccupante sur le plan organique, et qui retrouve en plus une autre à travers le profil des responsables dans la plupart de ces départements ministériels qui sont chargés de réaliser la plupart des grands projets étatiques.

Devenir ingénieur nécessite une formation parfois longue, mais surtout complexe. Mais au Cameroun, il faut aller au ministère des Travaux publics ou encore au ministère de l’Eau et de l’énergie pour ne citer que ces deux là qui sont au devant des grandes réalisations, pour se rendre compte qu’on y trouve des inspecteurs d’impôts ou de régies financières, des journalistes, des anthropologues, des professeurs de philosophies qui sont à des postes stratégiques de conception et d’évaluation pendant que des ingénieurs se tournent très souvent les pouces. Cela créé évidemment des frustrations que des cadres maisons avalent difficilement. Surtout que parfois entre ceux-ci, il existe des inadéquations en ce sens qu’on retrouve des techniciens qui sont des chefs hiérarchiques des ingénieurs, et des ingénieurs qui sont des patrons des ingénieurs généraux. Un peu comme si un caporal était le chef hiérarchique d’un lieutenant…

2)- Echec de la réforme des marchés publics
On en vient donc à la réforme des marchés publics et au budget programme.
On a encore le souvenir. Dans le cadre de la poursuite des grandes réalisations,
Paul Biya a introduit la réforme des marchés publics et le budget programme. Toutes ces nouvelles options visaient entre autres pour objectif de lutter contre la corruption dans les marchés publics, et le respect à temps du calendrier de passation desdits marchés. Ceci pour une meilleure lisibilité dans l’affectation des ressources budgétaires. Malheureusement, à quelques jours de la fin de l’exercice 2013, on constate avec regret que les choses se sont empirés et vont plus que mal. Au niveau des marchés publics précisément, les anges attendus ne semblent pas encore arrivés. En fait les anciens « truands » du ministère des travaux publics et du ministère du développement urbain et de l’habitat se sont retrouvés tous au ministère des marchés publics, et ont transformé ce département en ministère des travaux publics parallèle. Avec des décomptes qui transitent pour être signés par des ingénieurs. Plus alarmant encore, le personnel du ministère des travaux publics est lui-même hétéroclite. On y retrouve des cadres des affaires sociales, des télécommunications, de l’informatique, qui sont des ingénieurs de contrôles. Pendant que des professeurs de philosophie occupent des postes déterminants dans les régions. Certains observateurs avertis vont jusqu’avancer que 40% du personnel de ce ministère ne connaissent presque rien des marchés publics. Alors que le Cameroun attend les chantiers. Ces deux dernières années ont été rudes pour le ministre des marchés publics qui s’est retrouvé dans des batailles féroces avec ses collègues du gouvernement qui n’acceptaient pas d’être réduits à passer des marchés de moins de 50 millions de Fcfa. De plus, on a retrouvé des surcharges de travail au niveau des délégations régionales qui passent des marchés de plus de 50 millions alors que les délégations départementales ne cèdent que des marchés pour des salles de classes et des forages. Conséquence, le problème qui se pose aujourd’hui est celui de savoir ce que vont devenir les crédits du budget d’investissement 2013. Quand on sait que, selon divers experts, le taux moyen d’exécution est de 30%. Malgré l’ordonnance du chef de l’Etat qui proroge les engagements au 30 décembre 2013, la catastrophe est inévitable ; Le payement des entreprises est devenu irrégulier. Comment comprendre que le fonds routier, structure pérenne de financement de l’entretien routier, mise en place avec l’appui des bailleurs de fonds ait aujourd’hui les caisses vides, au point où les prestataires se mettent à grogner ?

La vérité est que le budget programme aurait dû apporter une cohérence dans les interventions multisectorielles. Ce qui veut dire que le budget des ministères des travaux publics, du développement urbain et de l’habitat, devait nécessairement être conçu pour ce qui est des contrôles de prestations, sur la base des programmes des différents ministères qui construisent leurs bâtiments administratifs. Cela n’a hélas pas été le cas. Les ressources allouées pour les contrôles n’ont pas été suffisantes. Les ingénieurs de contrôles se sont retrouvés à faire du racket. Lors des séminaires sur le budget programme, il avait pourtant été dit que celui-ci ne connaissait pas de forclusion. On découvre de manière ostentatoire que ce n’était qu’un leurre. Hier les fonds Ppte ne tombaient pas dans le clos.

Au final, au moment où la cote d’alerte est atteinte, au lieu de vouloir convaincre absolument de la nécessité de la poursuite de la notion du budget programme, comme s’échine à le faire l’actuel ministre des Finances, Paul Biya devrait absolument reprendre tout en main. En multipliant des rencontres hebdomadaires avec ses ministres, surtout ceux en charge des questions techniques. Et leur donner des instructions régaliennes et évaluer les résultats à court et à long terme. Au lieu de se contenter d’évoquer des feuilles de routes qui n’ont jamais été suivies. Ce n’est qu’à ce prix qu’on peut espérer que le Cameroun pourrait changer et espérer devenir émergent, bien avant…2035.

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