Cameroun – Hygiène et salubrité publiques: Etam-Bafia, toilettes à ciel ouvert !

Le plus grand bidonville de l’arrondissement de Yaoundé 4ème souffre d’une insuffisance criarde et d’un mauvais état de toilettes. Les populations qui vivent dans ce « Texas » ont trouvé d’autres moyens pour se soulager. Aujourd’hui, elles sont à cheval entre le paludisme présent et le cholera imminent. Assis sur sa véranda en cette après – midi de dimanche, monsieur Mveng ne cesse de pleurer son petit – fils décédé voici quelque temps dans une fosse sceptique qu’il a d’ailleurs lui-même creusée dans sa cour, et qui servait de toilettes à toute sa famille et à certains de ses locataires. A quelques mètres de sa concession, des rigoles s’entrecoupent de part et d’autre venant des habitations voisines, et s’orientant vers la rivière Akeu’eu (un petit cours d’eau qui traverse le lieu – dit Coron et borde la clôture du nouveau campus de l’Institut Siantou Supérieur). Au dessus de ces rigoles, quelques planches alignées perpendiculairement donnent l’impression qu’il s’agit d’une simple traversée. Que non ! Il s’agit bien des toilettes à ciel ouvert. Si pour l’Organisation mondiale de la santé s’offrir des toilettes est une question de dignité, à Etam-Bafia les conditions géographiques dans lesquelles vivent les populations ne leurs permettent pas de s’offrir ce luxe. « Je ne peux pas creuser une fosse pour faire des toilettes conformes parce que nous sommes à proximité d’une rivière. Une fois creusées, elles se remplissent aussitôt d’eau et d’argile » explique habitant de la zone. Et de préciser : « voila pourquoi je préfère creuser une rigole qui longe jusqu’au cours d’eau ; ensuite je superpose quelques planches sur la rigole, et à la limite je couvre avec quelques vieilles tôles ; on peut alors tranquillement faire ses besoins…Lorsqu’il y a inondation, l’eau circule dans cette rigole et nettoie le dépotoir pour déverser dans la rivière », explique-t-il.
A défaut de creuser uniquement une rigole, certains riverains ont trouvé d’autres méthodes plus efficaces. En l’occurrence poser deux planches surmontées sur quatre poteaux comme une maison sur pilotis. Il faut juste se maintenir en équilibre au risque de tomber dans son propre WC. Une fois cela fait, on peut se soulager tranquillement. Apres une bonne pluie, le fond est lessivé, peut importe la destination, même si c’est chez le voisin. Ici, c’est chacun pour soi Dieu pour tous.

La santé
Entre des WC (Water Closed), il y a des puits d’eau. Certains points d’eau sont en aval pour des maisons dont les toilettes sont en amont (imaginer le scenario d’érosion d’eau). En saison pluvieuse, c’est la catastrophe totale. Les déchets déposés dans ces toilettes de fortune sont emportés par l’inondation qui envahit les maisons du coin. Tout est confondu : ordures ménagères et excréments sont drainés par de l’eau. Voilà un cliché de la misère intarissable et du calvaire de certaines couches défavorisées de la ville aux sept collines.
A Etam – Bafia, la honte a foutu le camp. Autochtones comme allogènes, hommes comme femmes, petits comme grands, parents comme enfants, tous se confondent quand il faut se bousculer le matin à l’effet de satisfaire un besoin urgent. Toutefois, les habitants se disent conscients des risques liés à de telles conditions de vie. Ici, le cholera rode à ciel ouvert. Il en est de même pour le paludisme. Pour l’illustrer, un jeune homme présente sa fille (âgée de huit mois) bien souffrante et amaigrie. L’innocente est née dans le fief des moustiques.
Face à tout ceci, les habitants n’ont pas beaucoup de choix. Aussi, ils implorent l’aide des pouvoirs publics pour sortir de cette souffrance quotidienne. « Nous voulons des toilettes conformes et adaptées à notre milieu de vie, parce que nous soufrons énormément en saison sèche, avec les mauvaises odeurs. Pendant les pluies, c’est l’eau sale qui entre dans les maisons. Les enfants sont toujours malades». Les explications sont d’une grand – mère coulant quelques larmes de désespoir.

Comité de solidarité
Pour réduire les risques de maladies, les populations ont formé un comité de solidarité avec pour objectif de curer les caniveaux du quartier. Tâche ardue. De fait, la dignité et Etam-Bafia ne font pas bon ménage. Pourtant aller aux toilettes, quoi de plus naturel, quoi de plus émotionnel. D’après l’Organisation mondiale de la santé (Oms), en 2012, près de 2,5 milliards de personnes vivaient sans toilettes sur la planète ; et 1,1 milliard d’entre – elles faisaient leurs besoins dans la nature, d’où la propagation exagérée des maladies hydriques constatées ces derniers temps et d’autres épidémies liées aux non – respect des conditions d’hygiène.
En outre, entre 2011 et 2012 le grand nord Cameroun (constitué des régions de l’Adamaoua, du Nord et de l’Extrême-nord) était victime d’une grave épidémie de cholera. Et le constat général qui s’en est dégagé relevait que les populations étaient soumises à un manque criard des toilettes, si bien que les matières fécales étaient déposées partout dans la nature. Pour ne pas arriver au niveau de « génocide épidémiologique », il est temps de sauver Etam-Bafia de son fardeau physiologique, sanitaire, psychologique et émotionnel.

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