Cameroun – Boko Haram: Une journée aux côtés des forces de défense

Une descente sur les différents terrains de combats ont permis de palper l’impact des attaques de Boko Haram et la puissance de feu de l’armée camerounaise.Lundi 16 février, il est un peu plus de 13h à Mokolo, chef-lieu du département du Mayo-Tsanaga, dans la région de l’Extrême-Nord. Il fait chaud. Mais cette canicule n’enlève rien à la détermination des journalistes d’aller observer, sous très forte escorte, la posture des forces de défenses camerounaises dans les différents sites de combats répertoriés. Le cortège s’engage aussitôt à l’intérieur des villages, sur des pistes caillouteuses, entourées des montagnes qui captivent l’attention des nouveaux arrivants. Le voyage suscite certes la peur d’une éventuelle attaque de l’ennemi, mais l’aventure reste excitante. Par ailleurs, l’assurance de l’imposant dispositif de sécurité est un réconfort moral. Un pick-up chargé d’éléments de la gendarmerie nationale joue les éclaireurs. Des fantassins participent également au quadrillage de la zone. Tout comme des éléments du Groupement polyvalent de la gendarmerie nationale qui assurent les arrières. Rien à craindre !
Le premier poste d’observation est Lding-Lding, un village frontalier au Nigéria, situé à plus de 50 km de Mokolo. Cette contrée a été attaquée par les adeptes de Boko Haram le 21 septembre 2014. Des stigmates sont encore bien visibles sur une église incendiée. Les villageois gardent encore le souvenir de ladite attaque. Ils la racontent avec beaucoup d’émotions. Ils ont pris des dispositions pour éviter de nouvelles agressions. Un dispositif de veille a été monté. Les hommes de la zone se sont armés d’arc, de flèches, de lances et de couteaux. Certains ont des sifflets autour du cou. Ce sont eux qui montent la garde et par ailleurs sont chargés de donner l’alerte. Là-bas, l’implication de la population dans la restauration de l’ordre sécuritaire est bien visible. Elle est bien engagée à se venger des attaques essuyées, signale le porte-parole du comité de vigilance, Matiyas Lalao.
Ses hommes collaborent avec les forces de défenses postées dans cette zone. Juste à côté de ce village voisin du Nigéria sous contrôle de la milice d’Aboubakar Shekau, les soldats camerounais tiennent un poste avancé de défense. Les hommes rencontrés sur les lieux ont le moral haut. Ils ne baissent pas la garde. Le regard méchant, ne se laissent pas distraire. Chacun tient son poste d’observation. Ici, on veille, puisqu’ «on ne sait ni le jour, ni l’heure», ironise un soldat. On n’a même pas peur de mourir là-bas, « c’est le devoir d’un militaire de mourir les armes à la main pour défendre son pays, lâche un soldat, tout souriant. Il a d’ailleurs enroulé un bandeau aux couleurs du pays autour de son arme. L’armement est dissuasif : on trouve des mortiers, des Mitraillettes 12-7. Des blindes sont également postés dans des coins stratégiques, près à intervenir. La présence d’une dizaine de femme à ce dispositif de sécurité émerveille encore plus les visiteurs. L’image d’une femme en tenue militaire, avec un casque lourd sur la tête et un Ak47 en main, suscite parfois de l’admiration et de la sympathie. Elles ne sont pas là pour blaguer. Elles appartiennent pour la plupart à la section des fusiliers commandos. Et elles refusent qu’on les appelle «des femmes», nous sommes des soldats, revendiquent-elles avec autorité. Le commandant du détachement de l’opération alpha sur la zone ouest, Paul Vouroum confirme la bravoure de ces soldats femmes. Elles participent aux combats. Par ailleurs, ce sont adaptées à cet environnement de guerre. On remarque bien une cuisine de fortune improvisée à l’aide du bois, entre les pierres de la montagne que les FAC exploitent comme moyen naturel de protection, de poste de guet et d’observation. Ils viennent de manger du riz avec la sardine. Peut-être le seul repas de la journée. Un reposoir fait en paille permet de s’allonger 5 min, «on ne dort pas à la guerre», nous fait-on savoir. Pas aussi le temps de se laver, encore moins de changer de tenue. Rien à faire !
La descende sur Mabass, un autre village attaqué le 17 janvier 2015, permet de constater qu’il est désormais sous contrôle militaire. On retrouve des soldats de l’armée de terre et ceux de l’armée de l’air. Une composition interarmées. On veille aussi de ce côté-là. Perchés sous des hauteurs des monts Mandara, nos soldats assurent l’intégrité du territoire et veillent à la protection des hommes et des biens. Ils contrôlent le moindre geste de l’ennemi à distance. Surveillent et punissent. Certains assurent le guet à travers de jumelles. Un tireur de précision est coincé entre deux pierres. On fait savoir qu’il est installé là depuis plusieurs heures. Certains de ses camarades sont postés tout à côté, ce sont eux qui sont chargés de pilonner les lignes ennemies en cas d’attaques. Magadali, fief de Boko Haram est juste en face, la moindre inattention pourrait être fatale. Les soldats profitent quand même de quelques minutes pour se lancer mutuellement quelques intrigues. Ils entonnent aussi des chants patriotiques qu’ils accompagnent de quelques pas de dance. Preuve que l’ambiance est bonne entre camarades au front. De manière générale, la discipline est de rigueur. Il y a de la joie, dans ces montagnes que l’ennemi veut transformer en califat.

Nicolas Vounsia, au front dans l’Extrême Nord

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