Cameroun: Paul Biya est-il un homme humble et détaché des biens matériels ?

Ses collaborateurs ont toujours présenté à l’opinion publique le visage d’un chef d’Etat d’une sobriété exemplaire et distant des « choses de la terre ». Mais, au fond, qu’en est-il exactement?[pagebreak]Le site web «richestlifestyle » vient de publier le classement des 10 chefs d’Etats africains les plus riches. Information majeure, Paul Biya, le président camerounais, occupe la 5ème place, trônant à la tête d’une fortune estimée à 100 milliards de nos francs. Le site s’inspire des chiffres publiés par le site foreignpolicy. com. Cette information, reprise par la presse locale a fait jaser. Et pourtant, ce n’est pas la première fois que la fortune du président de la République attire le regard des projecteurs.

Déjà, dès 1984, le journal français Le Canard Enchaîné va faire état de l’acquisition en 1983 par Paul Biya d’un immeuble à l’avenue Foch à Paris. Il venait à peine d’accéder au pouvoir. Une information qui fut à l’origine du désamour entre l’homme du 06 novembre et le pays de De Gaulle. Toujours en 1984, les putschistes du 6 avril avaient clairement énoncé : « Le gouvernement et ses agents propulsés à la tête des rouages de l’Etat, agissaient avec pour seule devise non de servir la nation, mais de se servir ». On se souvient aussi qu’au moment où son ancien collaborateur Titus Edzoa démissionnait en 1997, il avait indiqué que Paul Biya était l’homme le plus riche du Cameroun.

Le journal français L’Evénement du jeudi, dans sa livraison du 22 mai 1997 et dans un dossier intitulé « Afrique, hit-parade des fortunes cachées », chiffrait la fortune du chef de l’Etat camerounais à 45 milliards de Fcfa. N’oublions pas non plus qu’en 2009, un autre journal français en ligne, Rue 89, mentionnait que les vacances de notre chef de l’Etat étaient les plus onéreuses de tous les leaders du monde. Vu sous cet angle, le rapport à l’argent et aux biens matériels de notre président aiguise les curiosités. Ces chiffres avancés ne sont parfois que la face visible de l’iceberg.

Un président humble ?
Mais il faut bien noter qu’on est loin de l’image de l’homme humble, détaché des biens matériels que ses affidés, thuriféraires et hommes-liges ont souvent voulu véhiculer. Le portrait de Paul Biya dressé dans l’ouvrage « Le code Biya » de François Mattéi nous présente l’image d’un homme lisse, d’une discrétion légendaire, d’une sobriété à toute épreuve, d’une humilité en cuir d’éléphant. Pour preuve, on évoque toujours cette cuisine moderne que lui avait réclamée sa mère lorsqu’il devint président de la République et qu’il n’a pas pu lui offrir, parce qu’il n’avait pas de moyen.

Ce qui parait ridicule aux yeux d’une certaine opinion. Une modestie qui lui aurait été forgée à travers ses séjours dans sa prime jeunesse dans les séminaires d’Akono et d’Edéa. Il était même destiné à la prêtrise. Certains de ses proches collaborateurs avec lesquels nous avons eu à échanger mettent aussi en avant ces traits de caractère. Pour eux, ce sont les collaborateurs du chef qui sont prompts à s’enrichir illicitement, qui affichent un train de vie ostentatoire, jamais le chef lui-même. Comme le disait le philosophe, l’enfer c’est les autres. Il faut cependant comprendre que Paul Biya est un être assez complexe, difficilement déchiffrable, d’une subtilité à nul autre pareil, et qui, surtout, vit dans une bulle.

Dans « Le code Biya », il est écrit que sur toutes les photos de classe qui ont été prises, Paul Biya était toujours le seul élève dont le regard était ailleurs, dans le vide, comme si ce qui se passait ne le concernait pas. Humilité ? Le fossé entre les gouvernés et les gouvernants est tellement grand, une politique impulsée depuis le sommet de l’Etat. Pour ceux qui ont eu la possibilité de suivre le procès sur l’affaire de l’avion présidentiel (BBJ II), on comprend que si ses principaux collaborateurs avaient accès à lui, on n’en serait pas là. Titus Edzoa, lors de sa conférence de presse post-carcérale, avait déclaré en des termes voilés que cet homme est inaccessible.

Humilité? D’après le dictionnaire en ligne Wikipedia, le mot humilité (du mot latin humus, signifiant « terre ») est généralement considéré comme un trait de caractère d’un individu qui se voit de façon réaliste. L’humilité s’oppose à toutes les visions déformées qui peuvent être perçues de soi-même (orgueil, égocentrisme, narcissisme, dégoût de soi). Comme d’habitude, nous avons voulu aller au-delà de notre réflexion de journaliste, en nous rapprochant de nos traditionnels experts pour leur poser les questions suivantes : vu que selon ses collaborateurs, Paul Biya est un homme humble, pensent-ils que ce soit réellement le cas ?

Renvoie-t-il l’image d’un homme qui craint Dieu vu qu’il a été passé à la moulinette séminariste? Cette humilité transparait-elle dans ses rapports avec les gouvernés? Quand on observe les différents récits liés à sa fortune, partant même de Titus Edzoa qui avait dit de lui qu’il est l’homme le plus riche du Cameroun en passant par les différentes enquêtes de quelques journaux, peut-on dire que le président Biya est un homme détaché des « choses de la terre »?Au moment où son règne tire à sa fin, que retenir de cet ancien séminariste sur le plan comportemental?

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