Crise centrafricaine: Encore 178 camerounais de retour au bercail :: Cameroon

C’est la troisième vague du pont aérien prescrit par le chef de l’Etat Paul Biya.
«Merci Paul Biya. Que Dieu te bénisse !». Ainsi s’écrie une dame à la descente de l’avion. Aéroport international de Douala. Lundi 16 décembre 2013, il est 13h31 min. L’avion Tj-Qcb de Camair-Co atterrit sur le tarmac. Il a en son bord 178 Camerounais, ressortissants de la République centrafricaine. La joie est à son comble, chez les enfants comme chez les adultes. Après avoir la descente de l’échelle de l’avion, une maman se baisse, fait un baiser sur le sol puis se relève. Chez d’autres, un large sourire suffit pour exprimer la satisfaction. Il y a de quoi. Ils sortent de loin. De très loin, même. Plusieurs n’avaient pas imaginé échapper à la crise armée qui ne cesse de faire des morts au pays de Michel Djotodia.

Douze ans seulement, mais des images atroces en mémoire. Charifa Yousra aura de la peine à oublier ce qu’elle a vécu dans ce pays où elle a pourtant vu le jour. «Tout se passait pourtant bien», se souvient-elle. Aujourd’hui, force est aux «anti-balaka (des milices armées qui réclament le départ de Djotodia). Ils attrapent les musulmans, les jettent dans un trou et les enterrent vivant.» Tous les Camerounais (ressortissants de la Centrafrique) que nous avons interrogés sont musulmans. Ils accusent les anti-balaka d’être responsables de leurs souffrances. Nabila Oumar, 18 ans, affirme que «leurs cibles ce sont les musulmans. Que tu sois Tchadien, Camerounais, Centrafricain, le simple fait que tu sois musulman cause ta perte. Ils n’ont pas de pitié. Ils tuent les enfants, les bébés, les adultes, tout le monde. Ils ne fusillent pas, parce que ce serait mieux, ils découpent l’être humain comme à l’abattoir.»

Cauchemars
En tout cas, Abdoulaye Mouhamadou ne rêve plus de la Centrafrique, sauf pour faire des cauchemars. Il y a pourtant vécu pendant un an et six mois avec sa compagne et la petite sœur de celle-ci au quartier Miskine. «Je faisais la ligne Douala-Bangui, j’avais ouvert un commerce. Ça se passait bien jusqu’au coup d’Etat du 24 mars 2013, puis l’arrivée de la Seleka. Il y a l’insécurité. Tu es chez toi, il t’est impossible de sortir. Manger est tout un problème, tous les magasins sont fermés. C’est terrible la vie là-bas», déclare-t-il. Il a «vu des massacres causés par des anti-balaka. Ils commençaient vers quatre heures du matin. Je me rappelle encore du jour où ils ont envahi les quartiers des musulmans vers 4h du matin. Ils ont massacré des gens. C’était indescriptible. Heureusement personne de nous trois n’a été touché, surtout parce que nous ne sortions pas du quartier. Si on veut manger, on demande de l’aide à un voisin. Je demande à tous ceux qui sont restés de quitter le plus tôt possible ce pays car la situation n’est pas prête de changer, pas de si tôt. Chaque jour il y a des morts. L’Etat centrafricain fait des efforts mais il est dépassé par la situation.» Abdoulaye raconte qu’en «venant aujourd’hui (lundi 16 décembre 2013, Ndlr), à 200mètres de l’aéroport, des anti-balaka, armés de machettes menaçaient de nous tuer. Comme nous étions accompagnés par les hommes de la Fomac (Force multinationale des Etats d’Afrique centrale, Ndlr), ils n’ont rien pu faire.» C’est clair, «je ne peux plus retourner en Centrafrique.»

Comme les autres, il ne peut que dire «sincèrement merci au gouvernement camerounais qui nous a sortis de cet enfer. C’est rare de trouver un pays comme le nôtre. Que Dieu bénisse le Cameroun et son chef de l’Etat.» Ce troisième vol sera-t-il le dernier ? Pas sûr. Le gouverneur de la région du Littoral Joseph Beti Assomo a indiqué qu’«il est possible qu’il y ait encore d’autres vols. Ils sont nombreux toujours nombreux en Centrafrique.» Ajouté aux autres vols, on est à 694 camerounais rapatriés. Une opération commandée par le chef de l’Etat.

Valgadine TONGA (Stagiaire)

Focal: Nabila Oumar raconte…

Je suis quittée du Cameroun pour la Centrafrique en 2011. Je vivais là-bas avec mes parents. On laissait nos portails ouverts, jusqu’à 17h-18h. On nous avait dit qu’il ne faut pas ouvrir la porte à n’importe qui parce que les anti-balaka peuvent surgir à tout moment. Leurs cibles ce sont les musulmans. Que tu sois tchadien, camerounais, centrafricain, le simple fait que tu sois musulman cause ta perte. Ils n’ont pas de pitié. Ils tuent les enfants, les bébés, les adultes, tout le monde. Nous étions au quartier appelé kilomètre 5 ou 5 kilos. Il est habité à majorité par les musulmans. Il y a les Seleka qui défendent les musulmans. Du matin au soir, les hommes armés de machettes, de couteaux veillent. Personne ne dort la nuit à cause des menaces des anti-balaka. Je faisais le Collège préparatoire international (Cpi). On avait payé six mois plus l’inscription, mais j’ai tout arrêté depuis le début des combats. Nous avons tout abandonné pour refaire une nouvelle vie ici. Maintenant, je suis obligée de reprendre la classe de Première au Cameroun, alors que j’ai eu mon Baccalauréat en Centrafrique en 2012. De tout ce qui s’est passé, ce qui m’a fait très mal, c’est qu’il y avait un grand commerçant camerounais, gentil, apprécié de tous. Son fils et lui allaient accompagner hier (dimanche 14 décembre 2013) ses quatre femmes à l’ambassade. Ils étaient sur une moto conduite par un Centrafricain. A quelques mètres de l’ambassade, dans une zone chrétienne, les anti-balaka les ont interpelés. Ils ont libéré le chauffeur. Ont tué le père et le fils. Ils ont coupé l’appareil génital du monsieur, l’on accroché comme une brochette sur un bâton l’on traîné sur les rues. On l’a tué simplement parce qu’il était musulman. Merci à Paul Biya de nous avoir sorti de ce pays sanguinaire. Je pense seulement aux parents qui sont encore en Centrafrique. Ils ont estimé que les enfants doivent s’avancer. Nous prions pour que Dieu les protège.

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