Cameroun – Evariste Tsala Onana: Le Consupe continuera à assumer ses responsabilités

Le chef de la division des affaires juridiques et de l’exploitation des informations au Consupe
La procédure de vérification d’urgence a-t-elle un fondement juridique ? [pagebreak]Oui, absolument. Mais avant de vous révéler ce fondement juridique, permettez-moi de vous décrire le contexte de cette procédure, lequel constitue son fondement stratégique. En effet, ce nouveau mode opératoire s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre du Programme N°1 de l’institution, intitulé : « Renforcement de la prévention des atteintes à la fortune publique ». Ce programme a été conçu, en 2013, en exécution des très hautes instructions du président de la République, prescrivant l’intensification de la lutte contre la corruption et le détournement des deniers publics. Il constitue également une réponse aux recommandations formulées par les participants aux Etats généraux sur la protection de la fortune publique, organisés par le Consupe, en 2012.
C’est le lieu de relever que la conception des modes opératoires, moins coûteux, mais plus efficaces et faciles à déployer, est apparue comme un impératif, au regard, d’une part, du coût élevé des contrôles classiques, lequel coût ne permet pas à l’Institution de contrôler un nombre maximum d’entités, et, d’autre part, de la diminution notable de l’effet dissuasif desdits contrôles, au fil des années. C’est dire que la procédure de vérification d’urgence, constitue une mesure efficace de prévention des atteintes à la fortune publique.
Revenons maintenant sur le fondement juridique de cette procédure pour vous dire que, selon les dispositions de l’article 35 du Décret n°2013/287 du 04 septembre 2013 portant organisation des services du Contrôle supérieur de l’Etat, en effet la Division des affaires juridiques et de l’exploitation des informations est chargée « …de la centralisation, de l’exploitation et du recoupement des informations et des dénonciations relatives aux actes portant atteinte à la fortune publique et, le cas échéant, des investigations en matière de détection d’actes frauduleux… ».

Comment les activités de vérification d’urgence vont-elles se dérouler ?
Au plan pratique, le déroulement des activités ainsi mentionnées peut prendre plusieurs formes. Dans certaines situations, il peut s’agir simplement d’une demande d’informations, invitant le responsable indexé, ou l’entité concernée par une dénonciation, à fournir des explications, ou à donner sa version, sur les faits rapportés.
Dans d’autres, la vérification d’urgence peut consister à solliciter la transmission de documents ou pièces pouvant permettre de mieux apprécier le cas en étude. Elle peut parfois exiger la conduite des investigations sur place, dans les localités concernées ou auprès des entités publiques en cause, dans le but d’établir la véracité ou d’apprécier le niveau d’exactitude d’une information ou d’une dénonciation reçue.
Pour cette dernière forme, la procédure de vérification d’urgence signifie que, par la technique du recoupement, nous sommes appelés à vérifier si l’information reçue est fondée ou non, à travers des investigations légères, qui, du reste sont prévues dans les dispositions réglementaires rappelées ci-dessus. C’est cet ensemble de démarches qui a été appelé « Procédure de vérification d’urgence ».
Il importe de préciser que le cadre d’exercice des activités du Consupe est bien défini par l’article 2 de son texte organique, qui lui confère le statut d’institution supérieure de Contrôle des finances publiques du Cameroun. A ce titre, elle exerce principalement ses attributions auprès des services publics, des établissements publics, des collectivités territoriales décentralisées et leurs établissements, des entreprises publiques et parapubliques, y compris les liquidations administratives et judiciaires, les organismes, établissements et associations confessionnels ou laïcs bénéficiant des concours financiers, avals ou garanties de l’Etat ou des autres personnes morales publiques, sur les plans administratif, financier et stratégique.
En somme, la procédure de vérification d’urgence repose, sans conteste, sur une base juridique, car elle est conforme à la lettre et à l’esprit du nouveau texte organique des services du Contrôle supérieur de l’Etat. Cette expression, retenue par le ministre délégué à la présidence chargé du Contrôle supérieur de l’Etat, dans une optique de la facilitation de sa compréhension, par le public, renvoie simplement à l’exercice normal de l’une des attributions des services du Contrôle supérieur de l’Etat, telles qu’elles sont consignées dans son texte organique, à savoir : l’exploitation et le recoupement des informations et des dénonciations concernant la gestion de la fortune publique.

Ne peut-on pas considérer que le lancement de cette procédure traduit une volonté du Minconsupe d’élargir son domaine de compétence de sa propre initiative ?
Non. La mise en œuvre de la procédure de vérification d’urgence ne modifie en rien, ni n’ajoute rien, aux attributions statutairement dévolues aux services du Contrôle supérieur de l’Etat. Elle s’inscrit dans la logique de l’implémentation des meilleures modalités de protection de la fortune publique, dans un contexte de rareté de ressources, et dans lequel l’Etat fait face à des interpellations financières urgentes et importantes.
La procédure de vérification d’urgence constitue un nouveau mode d’intervention de l’institution, qui matérialise l’intensification de la lutte contre les détournements des deniers publics, dans la mesure où elle permet d’atteindre un plus grand nombre d’entités soumises au contrôle administratif. Cela est d’autant plus important lorsqu’on sait que, du fait du coût élevé des contrôles classiques, plusieurs entités publiques et para publiques passent des années, voire des décennies, sans être contrôlées, ce qui laisse libre cours à toutes sortes de malversations que l’on continue, malheureusement, à observer dans notre environnement administratif.
Par ailleurs, cette procédure respecte les attributions de l’institution qui est habilitée, de façon permanente, à exiger des responsables des entités soumises à son contrôle, la production et la transmission d’un compte d’emploi de l’utilisation des ressources financières et matérielles relevant d’une opération donnée, d’un rapport ad hoc et circonstancié de certains actes de gestion et des éléments d’information pertinents et suffisants susceptibles de clarifier certaines situations signalées dans les informations dénonciations reçues. On peut ainsi relever que toutes ces diligences font bien partie des mesures de recoupement évoquées plus haut.
Il est important de relever, à ce sujet, que, sur la base des dispositions de l’article 3 du Décret n°97/048 du 5 mars 1997 relatif aux missions mobiles de vérification, les responsables des services et organismes soumis à la vérification du Consupe ont, de façon permanente, l’obligation d’adresser à cette institution, ampliation des actes, rapports d’enquête et autres documents se rapportant à la gestion de ces entités.
Enfin, il convient de noter qu’à l’issue des recoupements effectués, le Contrôle supérieur de l’Etat est appelé à se conformer scrupuleusement aux dispositions de l’article 4 du Décret n°97/048 du 05 mars 1997. Les éléments recueillis donnent lieu, en effet, soit à une demande d’autorisation d’une mission spéciale de vérification, adressée au président de la République, soit au classement desdits éléments dans les dossiers permanents de ces entités publiques, en vue de l’élaboration du programme annuel de vérification, qui sera toujours soumis à l’approbation du président de la République, Autorité suprême des services du Contrôle supérieur de l’Etat.

L’incitation aux dénonciations contre les gestionnaires publics ne risque-t-elle pas de perturber la sérénité de ces gestionnaires en ouvrant la voie à des initiatives fantaisistes, voire calomnieuses ?
Cette question peut être analysée sous deux angles, en se situant, d’une part, du côté de l’impact susceptible d’être produit par les dénonciations, et en se plaçant, d’autre part, au niveau du traitement qui pourrait en être fait. Sous le premier aspect, on peut convenir de ce que le bon gestionnaire imprégné de la culture de la transparence et de la reddition des comptes ne pourrait pas s’émouvoir des dénonciations, qui, dans ce cas, constitueraient de simples délations ne pouvant pas porter à conséquence.
Au demeurant, la survenance de dysfonctionnements ou la commission des malversations ne sauraient résulter d’une perte de sérénité découlant de la révélation éventuelle de la vente sur tel ou tel point de gestion de la structure concernée. A contrario, il est prévisible, voire souhaitable, que les gestionnaires indélicats ou tentés de le devenir, soient gagnés par la psychose de la dénonciation des irrégularités commises ou projetés, et soient dissuadés de la propension à s’écarter des pratiques de bonne gestion. En définitive, il s’agit de marquer, en permanence, dans les esprits des cibles du contrôle externe dont le Consupe à la charge, la présence du gendarme de l’Etat, en charge de la protection de la fortune publique.
Sous le second aspect, le recoupement prescrit par les textes constitue implicitement mais nécessairement une invite à la circonspection, à l’objectivité et à la rigueur, bref au professionnalisme dans le traitement des informations.

Quel est, à ce jour, l’impact ressenti depuis l’annonce de cette procédure de vérification d’urgence, au niveau de vos relations avec les usagers notamment ?
Je pense que vous êtes, par votre statut d’observateur de la scène publique, mieux placé, pour répondre à cette question. Toutefois, si je me fonde sur les informations qui parviennent à mon niveau, ainsi qu’à celui de la structure technique en charge de l’exploitation des informations, et même à celui de mes collaborateurs, je peux dire que l’annonce de cette procédure a eu, sans conteste, un impact réel et positif. Bien entendu, les effets semblent devoir être mesurés dans le temps. On peut dire que les usagers ont été réceptifs, notamment à travers les commentaires favorables enregistrés par les uns et les autres en dehors du service, ces commentaires expriment le souhait d’une efficacité accrue dans la lutte contre les atteintes à la fortune publique.
Ensuite, l’on a enregistré des manifestations d’intérêt au niveau de nos services, à travers de nombreuses demandes de renseignements quant aux modalités de dénonciations et aux mesures de protection en faveur des sources et, sans être exhaustif du fait de l’augmentation significative des lettres de dénonciation reçues, et de la promptitude des réactions à la suite des demandes de compléments d’informations.
Il convient de préciser que cette participation citoyenne est considérée comme un indicateur significatif dans le cadre des bonnes pratiques développées au sein des Institutions supérieures de contrôle des finances publiques, de par le monde. Il importe, dès lors, qu’ayant reçu, depuis novembre 2014, le mandat et les responsabilités du secrétariat général de l’Afrosai (Organisation continentale des institutions supérieures de contrôle des finances publiques), le Consupe mette en relief l’existence de cette pratique dans la démarche nationale, de façon à conforter une image positive de notre pays, le Cameroun, dans ce domaine.
Relevons, enfin, qu’en dehors de l’impact sur les citoyens, l’annonce de cette procédure a été appréciée par des entités publiques d’envergure, dont certaines ont par ailleurs offert leur collaboration, pour la mise en œuvre de celle-ci, dans leurs domaines de compétence respectifs.
En conclusion, il y a lieu de dire que le Programme de renforcement de la prévention des atteintes à la fortune publique, comporte un ensemble de mesures, à mettre en œuvre, par toutes les composantes de la Communauté nationale. En effet, en matière de détournements des deniers publics, chacun de nous est : soit victime, soit bénéficiaire, soit auteur, soit témoin, soit complice. C’est dire que la lutte contre ce fléau interpelle tout le monde. Le Consupe continuera, sous la direction du chef de l’institution, à assumer ses responsabilités dans ce domaine, sous l’autorité du président de la République et conformément aux très hautes directives reçues de lui, dans le cadre des attributions et missions permanentes qui lui sont dévolues par son nouveau texte organique du 04 septembre 2013.

Propos recueillis par Georges Alain Boyomo

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