Cameroun: Des universitaires débattent sur Boko Haram

Rarement l’amphi 700 du lycée classique de Maroua n’avait fait un plein d’œuf à l’occasion d’une rencontre intellectuelle. Le mercredi, 4 février 2015, cette salle emblématique était noire de monde. Une mobilisation d’étudiants et autres curieux qui traduisait clairement le besoin d’informations sur le phénomène Boko Haram et la lutte menée par le Cameroun depuis plusieurs mois.
Même les autorités administratives!et acteurs de la société civile sont venus massivement s’abreuver à la source d’intellectuels qui avaient en commun, le fait d’avoir mené des recherches sur les questions de sécurité.
Parmi eux se trouvaient Florent Ribouem à Moungam, secrétaire général des services du gouverneur, Pr Edward Oben Ako, recteur de l’Université de Maroua et Eva Etongué Mayer, secrétaire permanent de la commission nationale des droits de l’homme et des libertés.
La conférence de Maroua qui avait pour fil d’Ariane «Insécurité, patriotisme et défense populaire», est organisée en partenariat avec la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés et le Groupe de recherche sur les dynamiques sociales et politiques. Selon les organisateurs, l’objectif de la rencontre était de sensibiliser au patriotisme et à l’engagement, la jeunesse estudiantine pour qu’elle adhère davantage aux actions mises en œuvre par les forces de défense pour gagner la guerre. Pendant trois heures, les professeurs Joseph Vincent Ntuda Ebodé de l’université de Yaoundé II, Saïbou Issa de l’université de Maroua, Alawadi Zelao, enseignant chercheur au Minresi et à l’Esstic et le Dr Gwoda Adder Abel de l’université de Maroua, ont tenu en haleine le public avide d’informations.
Le Pr. Saïbou Issa, premier orateur à monter au pupitre, a planté le décor en développant sa communication sur le thème «Enjeux pluriels». Le directeur de l’Ecole normale supérieure (Ens) de Maroua, a indiqué d’emblée que le phénomène Boko Haram est avant tout, un problème intérieur du Nigeria, mais qui a aujourd’hui pris une dimension sous régionale et continentale. «Il a une dimension sous régionale, car Boko Haram est en train d’étendre ses tentacules dans d’autres pays outre le Nigeria, le Cameroun et le Niger. Il a une dimension continentale, car les voies d’approvisionnement d’armes démontrent bien que la secte islamiste va au-delà du continent», dira-t-il. La guerre que livre le mouvement terroriste dont le leader est Abubakar Shekau, présente plusieurs enjeux.
Selon le spécialiste des questions de sécurité transfrontalières, il y a tout d’abord l’enjeu religieux.
«Boko Haram est une secte islamiste dont l’ambition est d’imposer l’islamisation de comportement et de l’administration en moralisant la société aux principes de sa religion. Boko Haram représente un enjeu stratégique pour le Cameroun et la sous-région, car il enclenche la criminalité transfrontalière. And last but not the least, l’enjeu géoéconomique». Le Pr Saïbou Issa a conclu son exposé par un questionnement sur la guerre contre Boko Haram. Il se demande alors «comment le Nigeria, le pays le plus peuplé d’Afrique ayant l’armée la plus nombreuse dont le budget général est égal au budget du Cameroun, n’arrive pas à endiguer la secte islamiste ?
Pourquoi le Tchad et la communauté internationale ont-ils attendu longtemps avant de se prononcer pour une intervention ? Où est passée la France?»
L’historien a souligné que le Cameroun déploie d’énormes moyens humains et logistiques dans cette guerre pour la préservation de son intégrité territoriale.
L’intervention du Pr Joseph Vincent Ntuda Ebodé dont le thème est «patriotisme, défense populaire et défis de sauvegarde de l’intégrité territoriale» a élucidé le rôle que chaque camerounais doit jouer pendant cette période d’insécurité. «On choisit ses amis, mais on ne choisit pas ses ennemis. Dans la défense populaire, il y a des initiatives personnelles et collectives encadrées par les autorités administratives. Les professionnels de la guerre (soldats) doivent être soutenus par toute la population, car en temps de guerre, la défense populaire fait de l’armée un service national», a détaillé le politologue. Le géostratège, coordonnateur du centre de recherches et d’études politiques et géostratégiques de l’Université de Yaoundé II, a invité toutes les populations à faire chorus derrière l’armée.
«Valeurs patriotiques comme facteur de défense et de protection d’une nation en guerre». C’est le thème développé par le Pr Alawadi Zelao. Dans sa communication, il a éclairé la lanterne du public en indiquant que «le patriotisme est une notion qui renvoie à un ensemble des comportements et d’attitudes.
Lesquels sont très importants en cette période d’insécurité» dira-t-il. Selon l’enseignant-chercheur «Aujourd’hui, il est plus que jamais temps de faire chorus derrière la menace qui a fait de nombreuses victimes et porté un coup fatal à l’économie du pays. Ici, ce qu’il faut attendre avantage c’est d’agir comme patriote.
Chaque fois que c’est nécessaire et possible, il faut porter les renseignements auprès des autorités qui peuvent les transmettre auprès des forces de défense et de sécurité. Nous devrions aussi faire montre d’une certaine transcendance de nos particularismes ethniques, religieux et régionaux».
Pour le coordonnateur du Groupe de recherche sur les dynamiques sociales et politiques (Gredysop) «en temps de guerre, il faut un patriotisme de crise qui doit marquer la rupture avec le patriotisme habituel pour prendre une configuration particulière», conclut le sociologue.
Des analyses qui ont convaincu le rappel de ses étudiants. Lesquels à les entendre, ont trouvé satisfaction dans les différents exposés des conférenciers. La communication du Dr Gwoda Adder Abel les interpellera d’ailleurs directement. Le dernier intervenant de la conférence de Maroua s’est étendu sur le thème «université, jeunesse estudiantine et expressions du patriotisme». Le vice-doyen de la Faculté des Lettres et Sciences humaines (Flsh) de l’université de Maroua a souligné que toute la jeunesse doit faire montre du patriotisme sans faille. Il regrette et condamne avec la dernière énergie le comportement peu orthodoxe de certains étudiants camerounais de la diaspora. Selon le philosophe-politiste, ces étudiants se laissent animer par l’esprit du vandalisme. Toute chose qui est contraire aux valeurs patriotiques dont doivent faire montre les jeunes, surtout en ce temps où le pays traverse des moments difficiles d’insécurité.

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