Le Cameroun en panne: Paul Biya pris en otage par les marabouts ou simple inertie





Il est de tradition politique qu’après les élections de proximité (législatives et municipales), les présidents des républiques de tous les pays qui se réclament démocratiques remanient leur gouvernement pour s’arrimer à la nouvelle configuration politique.[pagebreak] Même lorsque le parti au pouvoir a fait une razzia, le remaniement qui sanctionne ces élections de proximité a lieu pour distribuer les bon et mauvais point au sein du parti au pouvoir ou proche du pouvoir. Le Cameroun, un pays tout particulier n’a cessé d’étonner les observateurs et experts des questions politiques et démocratiques dans le monde.

Au Cameroun, ces sont les dérives qui sont érigées en règle. Ce qu’on croyait être l’apanage des collaborateurs du président de la République, se révèle être bel et bien une pratique qui est impulsée par ce dernier. Voici un an que les Camerounais attendent comme une manne le remaniement du gouvernement de la République. Ceci à la faveur des élections couplées des législatives et des municipales du 30 septembre 2013 qui a donné au Cameroun une nouvelle configuration politique. Même si la large victoire du Rdpc, parti au pouvoir est incontestable, il n’en demeure pas moins vrai que l’opposition a grappillé de sérieuses circonscriptions et par ricochet d’importants sièges aussi bien à l’Assemblée nationale que dans les conseils municipaux.

Ce qui aurait du contraindre le Président de la République d’en tirer toutes les conséquences pour répondre aux aspirations du peuple qui a sanctionné les différents candidats et même les équipes de campagne qui les ont accompagnés. D’ailleurs, la grande leçon de ses consultations est la sortie du Rdpc plus déchiré qu’il ne l’avait jamais été. Une alerte qui exigeait que le président national dudit parti et Président de la République tira tous les enseignements pour signifier aux militants de celui-ci d’une part et au peuple camerounais d’autre part, qu’il a compris le message qui lui a été envoyé.

Dommage les Camerounais ont attendu en vain. Ces traditionnels mois où il a coutume de remanier (octobre, décembre, juillet) sont passés. Jusqu’à ce que l’on atteigne la borne de la première année après ce double scrutin. Pourtant depuis ce temps, les voyants sont au rouge au point où ils auraient normalement donné des signaux forts au chef de l’Etat, pour des indications du septennat qu’il a entamé en 2011. Mais brillant par une inertie qu’il a toujours condamnée à ses collaborateurs ou pris en otage par des réseaux qui sont des excroissances de son régime qui travaillent, mieux se battent pour sa succession, il n’a pas daigné donner ce coup de neuf tant attendu.

D’aucuns y voient une neutralisation des forces surnaturelles de toutes les organisations sectaires desquelles ses collaborateurs prétendent tirer leur nomination et même leur maintien dans les strapontins gouvernementaux. Pourtant, lui-même, dans son traditionnel discours à la nation du 31 décembre 2013, avait indiqué toute sa déception du deuxième gouvernement de Philémon Yang. Au grand regret, Paul Biya avait reconnu que ce n’est pas avec ces ministres que le Cameroun va atteindre l’émergence en 2035. «Il semble en effet que nos efforts, aussi louables soient-ils, ne suffiront pas, à leur rythme actuel, pour que le Cameroun devienne un pays émergent en 2035». Et pour cause, il a soulevé plusieurs interrogations qui portaient en elles-mêmes les réponses de l’échec du gouvernement actuel.

Le Cameroun a tout «et alors que nous manque-t-il ?» Et de poursuivre : «Mais d’où vient-il donc que l’action de l’Etat, dans certains secteurs de notre économie, paraisse parfois manquer de cohérence et de lisibilité ? Pourquoi, dans bien des cas, les délais de prise de décision constituent-ils encore des goulots d’étranglement dans la mise en oeuvre des projets ? Comment expliquer qu’aucune région de notre territoire ne puisse afficher un taux d’exécution du budget d’investissement public supérieur à 50 % ? Enfin, il est permis de s’interroger sur l’utilité de certaines commissions de suivi de projets, qui ne débouchent sur aucune décision». Avant de reconnaitre qu’il est urgent d’une reprise de conscience.

Urgence de donner du sang neuf
Evidemment pour les nouvelles personnes à qui il ferait confiance. «Sans doute faudra-t-il impérativement s’attaquer aux causes de nos insuffisances en supprimant les points de blocage, les zones de dispersion et les doublons». Puisqu’il affirmait lui-même que «Nous avons des hommes, des femmes et des jeunes talentueux, ingénieux, bien formés et entreprenants, capables de relever ces défis». Pourquoi donc maintenir pendant plus de quatre ans certaines personnes dans les sphères de décision et à des postes de gestion des deniers publics où ils ont brillé par des malversations financières si on en croit les révélations de la presse et les procédures actuellement en instance au Tribunal criminel spécial où il y en a même eu qui ont été mis sous mandat de dépôt alors qu’ils étaient en fonction avant de recouvrer la liberté.

Dévoilant les failles d’un système qui a mal en ses hommes et qui affiche des signes d’essoufflement. Il va d’ailleurs reconnaitre que «ce qui ne nous empêche pas d’être de fervents patriotes lorsque l’honneur national est en jeu – nous sommes un peuple d’individualistes, plus préoccupés de réussite personnelle que d’intérêt général. Notre Administration reste perméable à l’intérêt particulier. Ce dernier est le plus souvent incompatible avec l’intérêt de la communauté nationale. Dans un Etat moderne, cette dérive ne doit pas être tolérée ».

Le président Paul Biya avait alors confessé que son régime était marqué par le foisonnement d’actions de l’Etat «incohérentes et illisibles». En soutenant que «je crois que nous avons des progrès à faire sur deux points importants : la primauté de l’intérêt général et la coordination de nos efforts». Et sur ce volet de conclure : «La plupart de nos grands projets mettent en jeu, à un stade ou à un autre de leur mise en oeuvre, les compétences de divers services. Je ne suis pas sûr que l’indispensable coordination entre ceux-ci ait toujours lieu. Il nous faudra sans aucun doute améliorer les choses de ce point de vue».

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