Cameroun – Politique: Comment Cavaye bloque le nouveau gouvernement

Peu à peu, retombe la fièvre du remaniement. Les élections législatives et municipales de septembre 2013, dont beaucoup espéraient qu’elles déboucheraient rapidement sur une nouvelle redistribution des cartes, paraissent désormais lointaines. Les membres du gouvernement reprennent de l’assurance quand ceux qui avaient vendu trop tôt leur peau se montrent d’une grande discrétion Tout est revenu plus ou moins à la normale pour les ministres de Paul Biya. Ils ont reçu, pour certains, les vœux du Nouvel an en grande pompe. Soulagés et le cœur léger. D’autres se produisent dans 11e show des conférences annuelles de leur département ministériel. Bref, les nuages noirs se dissipent pour faire place à un ciel bleu.
Est-ce le moment qu’attend le Chef de l’Etat, passé maître dans l’effet de surprise, pour frapper? Tout est possible chez Paul Biya dont le calendrier politique est davantage dicté par son imprévisibilité que par une ligne bien définie. Autrement, comment expliquer qu’un pays qui ambitionne d’être émergent en 2035 se permette de sombrer dans un attentisme suicidaire durant quatre mois, c’est-à-dire d’octobre 2013 à cette fin de mois de janvier 2014? Cela se comprendrait s’il y avait une crise politique majeure ou des tractations politiques serrées pour dégager une majorité politique confortable pour gouverner.

Or il n’en est rien, un seul homme a toutes les cartes en main. Son unique adversaire étant son égo.
En attendant que sonne l’heure de son ego, les supputations vont donc déjà train. Certains, dans les médias, avancent même l’idée d’une possible retouche de la Constitution et l’instauration d’un poste de vice-Président lors de la prochaine session du Parlement en mars. Dans le flou politique ambiant, aucun pronostic n’est visiblement de trop.

Il se dégage toutefois, chez de nombreux analystes une constance: Cavaye Yeguié serait au cœur du chamboulement politique qu’entend orchestrer le Président après la session de mars. Ils sont convaincus que depuis de longs mois, le président de l’Assemblée nationale ne fait plus partie de son dispositif politique et que sa reconduction à la tête de la Chambre basse du Parlement, a tenu beaucoup au fait que le Chef de l’Etat, adepte du contre-pied, tenait absolument à démontrer une fois de plus qu’il restait l’unique homme-orchestre du jeu politique après que toute la nation eut éjecté Cavaye du perchoir. La satisfaction de son égo ne complique pas moins son agenda politique.

«En renvoyant le départ de Cavaye Yeguié, il a repoussé de facto la composition d’un nouveau gouvernement et plongé le pays dans l’immobilisme. Le Président lui-même a clairement signifié dans son adresse à la nation, le 31 décembre 2013, qu’il était insatisfait de l’actuelle équipe gouverne¬mentale. Il ne peut pas faire connue si avant les élections, il n’avait pas entre les mains le tableau de bord de performance de son gouvernement et élaboré en conséquence divers scenarios», explique un député Rdpc. Et de poursuivre: «La reconduction de la totalité des membres de l’ancien bureau de l’Assemblée nationale a douché la réélection de Cavaye. Quelque chose clochait, comme si tout cela n’était que pour une courte durée, comme si le vrai bureau de cette législature était encore dans les tiroirs du Président. On attend mars avec anxiété».

Les récentes frictions nées d’une bataille de préséance entre les deux chambres du Parlement au cours de la dernière session ne sont pas pour arranger les choses. L’incident en rajoute au dossier de Cavaye. «Il y a une commission qui a été créée à la Présidence pour plancher sur la question. Toujours est-il que l’affaire tient aussi à la forte personnalité de l’actuel président de l’Assemblée nationale qui n’a pas encore intégré ou alors digéré qu’il n’est plus que le numéro 3 du pays. Il y avait comme une gêne constatée lors du dernier déplacement du Chef de l’Etat à Douala. Après 22 ans dans la position de n°2, il est facile de s’adapter à une position rétrogradée. Logiquement, il valait mieux avoir à un nouveau, à quelqu’un qui découvre la fonction», reconnaît un membre de cette équipe.

Autant dire que tout cela n’est pas pour rassurer le président de l’Assemblée nationale, affaibli et affecté par l’épisode de sa candidature manquée au Sénat en 2013.

Le départ de Cavaye, s’il est acte en mars comme certains analystes le laissent entendre, entraînerait à coup sûr la reconfiguration du paysage politique attendue depuis les législatives et municipales du 30 septembre 2013. En fonction de l’origine géographique du Successeur du PAN au perchoir, devrait se dessiner le visage du futur Chef du gouvernement. Les politiciens du Grand Nord ne désespèrent pas qu’à l’issue du jeu des strapontins, la Primature retombe dans leur escarcelle. Ils sont convaincus qu’un ressortissant des régions septentrionales ne devrait pas remplacer Cavaye Yeguié Djibril, si non Paul Biya n’aurait pas attendu aussi long¬temps pour la formation du futur gouvernement. Ils misent donc sur un bouleversement de l’architecture politique nationale où la place du Grand Nord peut se retrouver partout, sauf à la tête de la Chambre basse du parlement.

«Cavaye partira la tête haute. II sera toujours reconnaissant au Chef de l’Etat qui l’aura soutenu jusqu’au dernier moment et ne l’a pas lâché quand ses pires ennemis l’avaient enterré, au moment où il était devenu, malgré sa fonction, un pestiféré», reconnaît un de ses familiers. Reste à connaître son point de chute en cas de départ du perchoir. Ce serait sa seconde mort, que de l’abandonner comme un simple député à l’hémicycle.

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