Cameroun: En attendant de ne plus attendre, célébrons F.R. Moumié

Le 16 novembre 1960 le magazine Allemand « Der Spiegel » publia un article avec pour titre : « Attentat – Rattengift für Moumié ». Ce qui pourrait être traduit par « Attentat – De la mort aux rats pour Moumié ». Dans l’article en question, le lecteur apprend que Moumié était un chef rebelle, ennemi des Français.[pagebreak] On ne saurait se mettre d’accord sur l’appellation « rebelle », car le rebelle de Paul est le héros de Thomas. Par contre, Félix Roland Moumié devait vraiment être un ennemi de la France, vu les acrobaties opérées par ses services secrets pour l’assassiner, comme le relate l’auteur de l’article.

Aujourd’hui, 03 novembre 2014, soit exactement 54 ans après la mort de Félix-Roland Moumié, pour commémorer sa mort, j’ai mis le 33-tours « KAMERUN » dans mon vieux lecteur. J’ai cogité sur des chansons comme « Man Pass Man » ou « Docta Moumié ».

En écoutant ces paroles chantant les louanges de ces Hommes qui ont donné leur vie pour un Cameroun meilleur pour finir par être traités de rebelles et même, plus récemment, comparés à des terroristes, plusieurs questions m’ont traversé l’esprit. Avec vous j’aimerais en partager une que j’ai trouvée particulièrement troublante : Pourquoi y a-t-il comme un mur de silence autour des coopérations Africano-Africaines qui ont marqué les années dites d’indépendances ? En ce qui me concerne, grande fût ma surprise quand j’appris que Moumié fût hébergé et protégé par Lumumba.
En effet, pendant l’exil de Moumié à Kinshasa (appelée à l’époque Léopoldville), celui-ci recevait son courrier à travers les services de Lumumba. Forte était ma surprise lorsque j’eusse à voir une enveloppe dans les archives nationales britanniques portant l’adresse :

« Monsieur Félix Roland MOUMIE
Président de l’U.P.C.
s/c Cabinet Premier Ministre
– Léopoldville  – »
Dans les mêmes archives, j’ai pu apprendre que pendant qu’Ernest Ouandié s’efforçait à obtenir des passeports ghanéens pour ceux fuyant les persécutions de la puissance coloniale, Moumié de son côté essayait de trouver des passeports congolais pour eux. Cela fait donc un bail que nous autres Africains sommes rusés dans l’art des faux passeports. A la seule différence que Moumié et Ouandié en faisaient pour libérer l’Afrique. Pouvons-nous dire pareil de notre génération ?

Nous pouvons bien imaginer que dans leur tâche, Ouandié ou Moumié pouvaient compter sur le soutien de leurs hôtes. J’imagine bien Moumié allant dans le bureau de Lumumba demander de l’aide afin d’obtenir des passeports Congolais pour les combattants Camerounais. Raoul Peck et tous les autres réalisateurs qui ont tourné des films sur Lumumba auraient rendu un encore plus grand service à l’Afrique en incluant une pareille scène dans leurs œuvres. Selon moi, ce n’est guère un fait anodin que de constater que la seule période pendant laquelle les peuples d’Afrique ont frôlé l’émancipation fût marquée par des coopérations Africano-Africaines comme celle entre Moumié et Lumumba.

Des vraies coopérations Africano-Africaines sont nécessaires afin de saisir la fenêtre d’opportunité qui s’est ouverte à nous à travers les bouleversements géopolitiques des dernières années. En effet, j’aime à comparer l’époque que nous vivons avec celle des années qui ont suivi la deuxième guerre mondiale. Dû aux changements géopolitiques qui vinrent après la guerre, de nombreux pays (Cambodge, Liban, Syrie…) ont pu se libérer du joug impérialiste dès la fin de celle-ci. Dans le cas de la Syrie, par exemple, la France tenta même de reprendre le dessus après la guerre, mais dût abandonner face à l’opposition des USA et de l’Union Soviétique. Ainsi, la fin de la deuxième guerre mondiale amena une fenêtre d’opportunité qui profita bel et bien à certains peuples, mais pas aux  peuples Africains. Pourquoi ? La réponse est simple. Quand les mouvements d’émancipation prirent leur élan dans la plupart des territoires d’Afrique Sub-saharienne, le président US-Américain Harry S. Truman avait déjà lancé sa politique de l’endiguement, marquant ainsi le début de la guerre froide. Dès lors, il suffisait de se donner pour ennemi le communisme pour avoir les USA comme allié. Le cas de Lumumba illustre parfaitement cette situation. La fenêtre d’opportunité ouverte après la guerre s’est donc refermée avec le début de la guerre froide avant que les peuples Africains ne purent en profiter.

J’aime donc à comparer ces années d’après-guerre à la situation que nous vivons actuellement. Il est évident que depuis quelques années, nous vivons des mouvements géopolitiques d’envergure… Observées de près, des conditions assez similaires à celles d’après-guerre. En fait, ce n’est pas par tout hasard qu’actuellement on parle beaucoup de pays émergents et qu’il y en ait vraiment qui émergent. Depuis quelques années, les mouvements géopolitiques ont ouvert une fenêtre d’opportunité et je me demande bien si cette fois-ci sera la bonne… Oui, quand je vois la France (Areva) s’associer à la Chine (Guangdong Nuclear Power Holding) pour exploiter l’uranium au Niger, je me demande si cette fois-ci, encore, 60 après le dernier virage raté, l’Africain sera à l’heure. En tout cas si nous, Africains, ratons ce tournant, on devra encore attendre notre tour. Une attente qui risque fort d’être bien plus longue que celle de Monsieur Cirage.
En attendant de ne plus attendre, célébrons au moins la mémoire de leurs rebelles, oui, la mémoire de nos héros.

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