Douala : Révolte au RDPC, les conseillers rejettent un décret de Paul Biya !

Roger MBASSA NDINE

C’est un véritable coup de tonnerre politique qui secoue la ville de Douala. Réunis en session ordinaire du Conseil de Communauté, les grands conseillers de la Communauté Urbaine de Douala (CUD), pourtant issus à 90% du parti au pouvoir, le RDPC, ont rejeté un décret signé de la main du président Paul Biya. Une fronde inédite qui en dit long sur les fissures au sein du parti et les enjeux de pouvoir à venir.

Le décret 2023/421, pomme de discorde

Au cœur de la polémique, le décret n°2023/421 du 19 septembre 2023. Ce texte, signé par le président Paul Biya, vise à harmoniser sur le plan national la rémunération et les avantages alloués aux responsables des Collectivités Territoriales Décentralisées (CTD). Un projet de délibération pour sa mise en application a été soumis par le maire de Douala, Dr Roger Mbassa Ndine, à l’organe délibérant. C’était sans compter sur la fronde des conseillers.

L’argument de l’autonomie financière

Pour justifier leur rejet, les grands conseillers de la CUD invoquent l’autonomie financière des CTD, garantie par le Code Général des Collectivités Territoriales Décentralisées. Selon eux, le décret présidentiel viendrait empiéter sur cette autonomie, remettant en cause les équilibres de pouvoir entre l’État central et les collectivités locales. Un argument juridique qui cache mal des considérations éminemment politiques.

La grogne du personnel, thermomètre du malaise

Car en marge de ces débats houleux, c’est tout le personnel de la CUD qui est entré en ébullition. Durant les trois jours précédant le vote, les agents ont arboré des brassards noirs et se sont rassemblés à l’esplanade de l’hôtel de ville. Une grogne sociale qui témoigne du malaise ambiant et de la crainte de voir les équilibres internes bouleversés par ce nouveau décret. Les conseillers, soucieux de préserver la « paix sociale », ont donc choisi de rejeter le texte.

Le spectre des échéances électorales

Mais au-delà de ces arguments de façade, c’est bien la perspective des prochaines échéances électorales qui se profile à l’horizon. En rejetant ce décret, les conseillers municipaux du Wouri envoient un message clair à Yaoundé : ils refusent toute ingérence de l’État central et du secrétaire général du RDPC dans la gestion de leur fief électoral. Une volonté d’émancipation qui augure de vives tensions à venir au sein de la majorité présidentielle.

L’autorité de Paul Biya remise en cause ?

Plus troublant encore, certaines indiscrétions font état de doutes sur l’authenticité même du décret. Certains conseillers iraient jusqu’à remettre en cause la signature du président Paul Biya, pourtant apposée noir sur blanc sur le document. Un signe inquiétant de la défiance grandissante envers le chef de l’État, y compris dans son propre camp. Comme si plus personne ne croyait en sa parole, ni en son autorité.

Ce psychodrame politique est révélateur des profondes fissures qui lézardent le parti au pouvoir. Déjà, l’élection du maire de Douala avait donné lieu à de houleuses tractations internes, de nombreux candidats du RDPC refusant de se plier aux consignes venues de Yaoundé. Il avait fallu deux jours de négociations pour arracher un consensus précaire. Un précédent qui en dit long sur l’état de déliquescence de la discipline de parti.

À l’évidence, le RDPC n’est plus le bloc monolithique qu’il prétend être. Les ambitions personnelles, les rivalités de clans et les velléités d’autonomie locale menacent chaque jour un peu plus son unité de façade. Et le rejet du décret présidentiel par les conseillers de Douala sonne comme un véritable coup de semonce.

C’est un avertissement sans frais pour le pouvoir central : les barons locaux n’entendent plus se laisser dicter leur conduite depuis Yaoundé. Ils sont déterminés à peser de tout leur poids dans les grands arbitrages à venir, quitte à entrer en confrontation directe avec la hiérarchie du parti.

Une chose est sûre : cette fronde des conseillers de la CUD fera date. Elle restera comme le symbole d’un RDPC en plein délitement, rongé par ses contradictions internes et incapable de faire respecter la parole présidentielle dans ses propres rangs.

Alors que les prochaines échéances électorales se profilent déjà à l’horizon, cette crise en dit long sur les turbulences à venir. Le RDPC parviendra-t-il à resserrer les rangs et à réaffirmer son autorité ? Ou assistons-nous aux prémices d’une implosion programmée ?

Réponse dans les urnes. Mais une chose est sûre : à Douala comme ailleurs, le vent de la révolte souffle sur le parti au pouvoir. Et rien ne dit qu’il retombera de sitôt.

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Par Christian Bengono pour 237online.com

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