Cameroun: Paul Biya et Guérandi Mbara, l’histoire d’un lion blessé et d’un rescapé téméraire





Près de 3 décennies après le putsch, les deux hommes se regardent toujours en chiens de faïence.
Après l’infructueuse chasse à l’homme visant à rattraper le « wanted Guérandi » et ses complices, Paul Biya ne s’est jamais remis du coup d’Etat qui a failli emporter son jeune pouvoir de l’époque.[pagebreak] Dès lors, l’homme-lion à jamais vacciné multiplie les strategies de protection. La vague d’arrestation qui a suivi le putsch aura emporté à tord ou à raison de nombreuses vies. Six jours après la tentative du coup d’Etat, le bilan official est rendu public faisant état de 70 morts, 52 blessés, 265 gendarmes disparus et 1053 arrestations. Le 1er mai 1984 est lancée la première vague d’exécution des condamnés à mort à l’issue d’un procès ouvert 3 jours plus tôt. Pendant ce temps, Gmg se trouve bel et bien au Cameroun. Il ne quitte le pays que deux mois plus tard passant entre les mailles des « soldats » de Paul Biya.
Le spectre de Gmg n’a jamais cessé de hanter le locataire du palais d’Etoudi. La moindre information se rapprochant à son ennemi numéro 1, supposée vraie ou fausse, entraine très souvent des bouleversements dans la structure du gouvernement. C’est d’ailleurs une astuce utilisée par de nombreux membres du gouvernement pour faire tomber un collège ou mieux l’envoyer derrière les barreaux. Paul Biya étant allergique aux envieux de la présidence de la République qu’il a progressivement transformée en Royaume. Le « monarque » camerounais, au pouvoir depuis bientôt 30 ans craint toujours le retour de son bourreau. Le régime actuel affiche toujours une peur bleue au moindre mouvement de l’ancien putschiste et garde ses services de renseignements en alerte maximale. Malheureusement, les effets de la trouille aveugle frappe sans pitié des citoyens camerounais. La simple appartenance à la même tribu que Gmg s’avère être l’indice premier des services de renseignements de Paul Biya. En octobre 2007, une folle rumeur de coup d’Etat inquiète le régime en place. Une vingtaine de civils et militaires d’origine Tupuri est arrêtée. Gmg a encore nourri la frayeur de son éternel ennemi.
L’infructueuse tentative de prise de pouvoir n’a jamais ralenti les ardeurs de l’ex-capitaine. GMM n’a jamais cessé de se battre non pas seulement contre Paul Biya mais aussi et surtout pour « redonner sa pleine signification à l’unité nationale et rétablir la détente et la concorde entre les citoyens » tels que contenu dans le discours prononcé le 6 avril 1984 par de jeunes officiers et sous-officiers, réunis au sein du « Mouvement j’ose ». En réalité, la menace qui pèse sur le pouvoir d’Etoudi ne s’est jamais dissipée. Trois mois seulement après le putsch, GMG met à nue le pouvoir de Paul Biya à travers un ouvrage intitulé « Cameroun : une armée sans défense » suivi d’un black out total. Le retour du Dr Guérandi sur la scène publique dévoile le nouveau visage d’un même combat.

GMG n’est pas aussi revanchard qu’on le présente car ce serait avec aisance qu’il aurait pu s’en prendre aux individus reconnus comme étant les bourreaux des condamnés du 6 avril 84 ou pourquoi pas leur progéniture si vulnérables au Cameroun et plus encore à l’étranger. Il est également loin d’être ce tribaliste qu’on lui prête à tord. L’enfant de la balle connaît l’entièreté du Cameroun grâce aux multiples affectations de son militaire de père. Ses amis se recrutent au sein de toutes les ethnies qu’il ne cache point maîtriser quelques langues. Son combat, il le situe dans une action politique qu’il compte bien mener à terme, mais sans doute pas avec le régime jugé dictatorial du Cameroun mais à travers une « refondation du Cameroun » qu’il ne cesse de clamer. Afin que le pays retrouve sa prospérité démocratique, économique et sociale, il faut « une réconciliation nationale « . Même si la soif de voir un Cameroun libre est pressante, l’inflexible Dr Guérandi refuse de naviguer à vue. Invité sur la radio « Allo Africa « , GMG raconte qu’ » En 2004, lors du sommet de la francophonie à Ouagadougou, M. Amadou Ali, actuel vice-Premier ministre en charge de la Justice (Ndlr: nous sommes en 2009). Depuis décembre 2011, Amadou Ali est ministre délégué à la présidence chargé des Relations avec les assemblées), a insisté pour me convier à une rencontre. Je vous avoue que j’ai fait violence sur moi-même pour aller écouter le ministre de la Justice dans un hôtel de la capitale burkinabè. Il m’a reçu en compagnie de M. Sadi René, Secrétaire général adjoint de la présidence et actuel secrétaire général du Rdpc (Ndlr: nous sommes en 2009. Depuis décembre 2011, René Sadi est ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation). Quelle n’a pas été ma surprise d’entendre le discours tenu par ces envoyés de Paul Biya. Amadou Ali a passé le temps à me démontrer comment il était au courant de mes faits et gestes. Je ne reviendrais pas sur ses mots. Devant lui, sur la table, était posé un téléphone portable Gsm, qui devait retransmettre notre conversation au feu général Benae Mpecke, resté dans sa chambre et que j’avais souhaité ne pas rencontrer. Il n’est plus des nôtres, il faut le laisser en paix. Je me suis demandé ce que voulaient ces illustres compatriotes en face de moi. »

En clair ce que recherche GMG, c’est une transition systémique. Depuis son départ forcé du Cameroun en 1984, l’ex-capitaine a élargi son champ de vision et de compétence grâce aux multiples et fructueux contacts avec des personnalités à travers le monde et des militants africains. Admirés par ses pairs à la hauteur de sa maîtrise des rouages politiques qu’il distille avec prudence mais sûreté, la consistance de l’homme le positionne en redoutable adversaire de Paul Biya. Pendant que son adversaire murmure toujours sa colère, l’autre fauve qui fait frémir la tanière affûte toujours ses armes. Les coups de feu ont cédé leur sifflement aux coups de plumes. Il est désormais clair que la loi du talion n’est pas au rendez-vous pour le dernier rescapé du coup d’Etat du 6 avril 1984.

Agnes Taïlé (Paru dans Le Septentrion Infos N° 012 DU MARDI 7 FEVRIER 2012 – [url=http://www.leseptentrion.net/paul-biya-et-guerandi-mbara-lhistoire-dun-lion-blesse-et-un-rescape-temeraire/]Dossier « Guérandi Goulongo Mbara : l’autre combat »[/url])

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