Cameroun: Trois questions à Dr.Tague «Le Cameroun n’est pas un problème pour la France»





L’enseignant d’histoire africaine à l’université de Yaoundé I estime qu’il n’y a pas des raisons de s’alarmer si le président français n’a pas fait escale au Cameroun.[pagebreak]Qu’est-ce qui de votre point de vue explique la défiance des deux derniers présidents français vis-à-vis de Yaoundé ?
Les relations entre un pays et un autre ne se jugent pas seulement au niveau des présidents qui voyagent. On peut ne pas voyager mais il y a des services spécialisés qui s’occupent des relations internationales. Ça ne doit pas faire l’objet d’une préoccupation. La preuve, quand le président de la République du Cameroun va en France n’est-il pas correctement reçu ? Il n’y a aucune raison d’être inquiet. Qu’on le veuille ou pas, la France demeure un partenaire essentiel du Cameroun. Les entreprises françaises continuent de prospérer dans notre pays même si Nicolas Sarkozy et François Hollande n’y ont jamais mis les pieds. D’ailleurs il faut le dire, si la France ne vient pas au Cameroun, eh bien c’est parce que le Cameroun n’est pas un problème pour la France. Le Cameroun est un partenaire sérieux sur lequel la France sait pouvoir compter. S’il y avait un problème au Cameroun, je ne serais pas surpris de voir un ballet diplomatique à Yaoundé.

Lorsqu’on voit par exemple que la Côte d’Ivoire a fait l’objet d’une visite d’Etat à caractère économique, n’y a-t-il pas des raisons de croire à l’affaiblissement de l’intérêt stratégique du Cameroun aux yeux de la France ?
Il n’est pas question de mettre en concurrence les économies camerounaise et ivoirienne en se basant uniquement sur la visite d’Hollande. J’aimerais lire cette question autrement. Qu’est-ce que les Ivoiriens eux-mêmes espèrent de la visite d’Hollande ? Je suis mal placé pour répondre à leur place. C’est au gouvernement et au peuple ivoirien de savoir pourquoi ils accueillent Hollande. Et il y a une opinion qui pense qu’Hollande est aussi allé en Côte d’Ivoire pour plaider la cause de Gbagbo. Mais laissez-moi vous dire qu’entre Etat, les relations entre individus n’ont pas leur place. François Hollande est allé en Côte d’Ivoire pour sauvegarder les intérêts français. Je vous rappelle que la France a près de 800 entreprises en Côte d’Ivoire. Il est normal qu’Hollande vienne renforcer et sauvegarder la place et les intérêts de son pays. La compétition dans le monde des affaires aujourd’hui en Afrique est rude. Et la France n’est plus le seul acteur à agir sur les marchés d’Afrique francophone. Si Hollande veut se déplacer pour aller négocier des marchés surplace avec des hommes d’affaires, c’est son droit le plus absolu. C’est normal. De notre point de vue, le copinage éventuel avec Gbagbo etc. ne compte pas.

On pourrait toutefois lire l’étape du Tchad qui porte essentiellement sur les enjeux sécuritaire comme la consolidation de l’hégémonie d’Idriss Déby dans la sous-région Afrique centrale…
Je ne crois pas qu’il suffit d’une visite de François Hollande à N’Djamena pour faire du Tchad une puissance en Afrique centrale. Je veux dire que le Tchad ne peut pas obliger les autres Etats de la sous-région à adopter des politiques qui sont contre leurs intérêts nationaux. On a tous vu que les autorités tchadiennes ont essayé de s’impliquer dans la politique intérieure de la R.C.A. et quelles en ont été les conséquences. Et si on en est arrivé à la volte-face d’Idriss Deby sur le dossier centrafricain c’est justement parce que certains de ses homologues en Afrique centrale tel que Paul Biya sont restés fermes sur une position de principe. On ne négocie pas avec des personnes qui arrivent au pouvoir après un coup d’Etat. Maintenant on sait aussi que si Hollande a inscrit l’étape du Tchad dans son programme, c’est parce qu’il compte construire une bande sécuritaire autour du Sahel.

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