La campagne #JusticeForNoura a été lancé depuis l’annonce de la condamnation de Noura Hussein, jeune soudanaise de 19 ans dont le mari Abdulrahman Hammad, a trouvé la mort alors qu’il essayait de la violé.
Ils appellent le président Omar Al-Bashir à revoir la sentence de cette jeune femme qui n’a agi qu’en état de légitime défense. Une pétition en cours sur change.org permet de soutenir cette cause.
Au départ, un mariage forcé et prématuré d’une jeune fille qui rêvait d’être enseignante.
Le père de Noura Hussein a voulu l’obliger à épouser contractuellement son cousin issu d’une famille richissime. Afin d’échapper à ce mariage précoce, Noura s’est enfuie à Sennar State (Khartoum) pour vivre avec sa tante. Après y être restée 3 ans, elle a reçu un appel lui disant que le mariage était annulé et qu’elle pouvait rentrer chez elle. Désireuse de voir sa famille, elle est revenue pour constater qu’elle avait été dupée puisque les préparatifs de son mariage étaient en cours. Cette fois ci elle ne pouvait échapper à ce mariage pour lequel elle n’avait point été consulté ni consenti. Elle devait docilement se résigner à accepter ce destin fatal qui deviendra rapidement, tragique.
En avril 2017, la jeune femme a dû, après avoir terminé ses études secondaires, déménager chez son mari. Mais Noura Hussein refusait toujours d’avoir des rapports s*e*xuels avec son mari Abdulrahman Hammad. Le 2 mai 2017, ce dernier sollicita alors trois de ses cousins pour la retenir pendant qu’il la violait. Le lendemain, il a à nouveau essayé de la violer, mais elle a réussi à s’échapper dans la cuisine où elle a attrapé un couteau. Dans la bagarre qui s’ensuivit, M. Abdulrahman a succombé à des coups de couteau. Noura fut déclarée coupable d’« homicide volontaire » et a été condamnée à mort le 10 mai 2018. Ses avocats ont 15 jours pour faire appel.
Plaidoyer de la diaspora et organisation internationales amplifié par les réseaux sociaux.
Le soutien d’organisations internationales telles que l’Union africaine, les Nations Unies et l’Union européenne est nécessaire pour stopper cette injustice sociale. D’après Amnesty International :
« La peine de mort est le châtiment le plus cruel, inhumain et dégradant. L’appliquer à une victime ne fait que souligner l’échec des autorités soudanaises à reconnaître la violence qu’elle a endurée. […] Les autorités soudanaises doivent annuler cette condamnation manifestement injuste et s’assurer que Noura ait droit à un nouveau procès, équitable, qui prend en compte ces circonstances atténuantes»
« Noura est une victime, pas une criminelle, et devrait être traitée comme telle. Dans de nombreux pays, les victimes comme Noura recevraient des soins pour s’assurer qu’elles surmonteront le traumatisme de leurs expériences » a déclaré Yasmeen Hassan, Présidente Mondiale d’Equality Now, qui a initié avec Afrika Youth Movement, la rédaction d’une lettre officielle de clémence au président Omar al-Bashir.
« Où va le monde ? L’homme est-il un loup pour l’homme ? N’est ce point-là l’application de la très controversée loi du Talion ? Sinon comment comprendre que la famille de l’époux ait choisi la mort au lieu de l’indemnisation monétaire. La mort par pendaison de la jeune Noura va-t-elle ressusciter le défunt ? Ne serait-ce pas une mort inutile ? Où est l’essence et l’éthique du pardon ? » s’interroge, Ngnaoussi Cédric de Moremi Initiative for Women’s Leadership in Africa.
Le rôle déterminant des médias sociaux dans la campagne #JusticeForNoura
L’écrivaine soudano-américaine Sara Elhassan fait partie des premiers qui ont pris Twitter pour s’assurer que cette histoire largement occultée depuis mai 2017 gagne en visibilité et a appelé à la criminalisation du viol conjugal au Soudan. Comme beaucoup d’autres, elle a entendu parler de cette affaire par le biais d’un article partagé via WhatsApp. Les médias sociaux jouent un rôle important en faisant que l’histoire de Noura reçoive l’attention qu’elle mérite. Le hashtag #justicefornoura et la pétition sur Change.org ont déjà rallié plus de 70 000 voix de par le monde.
Ce pouvoir des médias sociaux au Soudan peut également être vu à travers le mouvement de désobéissance civile de 2016, lorsque les gens ont organisé des grèves pour protester contre les hausses de prix et les coupures de subventions de carburant. Bien que la liberté de l’Internet au Soudan soit décrite comme » fragile » par Freedom House et inaccessible à une grande partie de la population, dans le cas de Noura, les militantes du pays comme Walaa Salah sont en première ligne du mouvement.
En avril 2016, des étudiants de l’Université Rhodes en Afrique du Sud ont protesté en ligne et ont organisé une manifestation contre l’attitude de l’institution à l’égard du viol et de la violence s*e*xuelle en utilisant les hashtags #nakedprotest et #rureferencelist. Alors que #justicefornoura continue de gagner du terrain, ceux qui sont à l’origine de la campagne espèrent voir leurs efforts porter des fruits.
Les réseaux sociaux ont ce pouvoir de rallier les gens, de soutenir ceux qui sont sur le terrain et d’amplifier les voix. Le silence permet aux injustices de se (re)produire. S’agissant du cas de Noura, nous devons briser le silence sur la condition des droits de la femme et des filles au Soudan. Rappelons que ce pays est classé 165ème sur 188 pays selon l’Indice d’inégalité de genre de l’ONU. Une femme soudanaise sur trois est mariée avant l’âge de 18 ans, selon ONU Femmes. La loi soudanaise autorise le mariage d’une fille une fois qu’elle atteint 10 ans.
Noura, la voix des sans voix .
Ce n’est pas la première fois que les femmes du continent africain créent des campagnes sur les réseaux sociaux pour dénoncer les injustices. En novembre 2014, après qu’une vidéo d’une femme à un arrêt de bus à Nairobi, ait été déshabillée et agressée par un groupe d’hommes qui prétendaient qu’elle était habillée de façon indécente, des femmes au Kenya ont utilisé #mydressmychoice pour exprimer leur soutien à la victime. En 2013, la campagne #justiceforliz, sur une jeune fille de 16 ans qui avait été violée par un gang et laissée pour morte, a contribué à l’arrêt de trois hommes condamnés à 15 ans pour viol collectif et sept ans pour lésions corporelles graves.
ONU Femmes affirme qu’au Soudan, la violence est prévalente contre les femmes et les filles. Le pays n’a pas signé la Convention sur l’élimination de toutes formes de discrimination à l’égard des femmes et dispose de faibles politiques de protection des droits de la femme. Le viol conjugal et le mariage des enfants, par exemple, ne sont pas considérés comme des crimes dans la majorité des pays africains musulmans. Le cas de Nora permet ainsi d’attirer une fois de plus l’attention internationale sur l’état des droits de la femme sous le régime oppressant de Omar Al-Bashir. Car après tout, Noura n’est pas une criminelle mais tout simplement une victime d’une société machiste et patriarcale qui ne reconnait pas toujours pleinement les droits et libertés des filles et des femmes.
Par Christian Elongué : Journaliste Citoyen et Activiste Social
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