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Tribalisme au Cameroun : L’alarmante haine anti-Bamiléké exige une réaction nationale

Tenue Bamileke

Une vague préoccupante de messages haineux contre la communauté Bamiléké déferle sur l’espace public camerounais sans rencontrer d’opposition significative des autorités. Cette montée d’intolérance, dénoncée par plusieurs voix dont celle de Christian Ntimbane Bomo, candidat déclaré à l’élection présidentielle, met en péril la cohésion nationale et ravive les blessures d’un passé colonial que le pays peine à transcender.

L’inquiétante normalisation du discours anti-Bamiléké

Le tribalisme au Cameroun n’est pas un phénomène nouveau, mais son expression décomplexée contre les Bamilékés atteint aujourd’hui des proportions alarmantes. Sur les réseaux sociaux et dans certains médias, les propos stigmatisants se multiplient sans qu’aucune action dissuasive ne soit entreprise par les pouvoirs publics. Ces expressions de haine tribale ont augmenté de 45% ces deux dernières années sur les plateformes numériques.

« L’attitude curieusement passive frisant la complicité des autorités gouvernementales » face à cette situation crée un sentiment d’impunité qui normalise ces discours haineux. Les utilisateurs de termes péjoratifs comme « bamilecon » – hérité de la période coloniale – ne font plus l’objet de sanctions, malgré les lois existantes contre l’incitation à la haine tribale.

Des racines profondes ancrées dans l’histoire coloniale

Cette stigmatisation systématique trouve ses origines dans l’histoire trouble du Cameroun colonial. Les Bamilékés, farouchement engagés dans la lutte pour l’indépendance sous la bannière de l’UPC, ont subi une répression sanglante qui a marqué la mémoire collective. Des milliers de jeunes Bamilékés « ont été jetés vivants dans la rivière Metche, fusillés, brûlés à l’acide« , rappelle Ntimbane Bomo.

La récente sortie d’Elimbi Lobé qualifiant Ernest Ouandié de « bandit ayant organisé des razzias dans le Moungo au profit de sa communauté » illustre parfaitement cette réécriture toxique de l’histoire. Une analyse historique détaillée démontre pourtant le rôle crucial d’Ouandié dans la lutte nationaliste camerounaise, bien au-delà de toute considération tribale.

Vers une thérapie sociale nationale pour guérir les blessures ethniques

Face à cette situation explosive, une prise de conscience collective s’impose. Si certains membres de la communauté Bamiléké tiennent également des propos blessants contre d’autres ethnies (les « kpwa« ), la solution ne réside pas dans un simple renvoi dos à dos des responsabilités, mais dans « une thérapie sociale » reconnaissant l’existence d’une « culture de stigmatisation permanente » envers les Bamilékés.

Des initiatives concrètes se développent, comme la « Société Civile des Réconciliateurs » qui appelle à l’enseignement de la véritable histoire du Cameroun dans les écoles pour déconstruire ces préjugés hérités. Car comme le souligne justement un enseignant d’histoire interrogé: « Les enfants camerounais continuent à grandir avec ces clichés coloniaux de méfiance à l’égard de leurs compatriotes Bamiléké. »

Le chemin vers une nation véritablement unie passe nécessairement par cette confrontation honnête avec notre histoire et par une condamnation sans équivoque de toute forme de discours haineux, quelle que soit l’ethnie visée. Comme le rappelle Christian Ntimbane Bomo, « c’est une question de volonté politique » qui déterminera si le Cameroun saura enfin surmonter ces divisions héritées du passé.

Par Joël Ngassa pour 237online.com

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