Depuis plus d’une semaine, de violents affrontements armés enflamment la région du Tibesti et installent une indicible inquiétude calcinant une zone allant de la lisière de la frontière Tchado-Nigérienne à la quasi-totalité de la région du Tibesti.[pagebreak] On y voit des militaires de l’armée tchadienne traquer et tuer sans vergogne des tchadiens qui n’ont commis pour seul crime que d’aller se débrouiller à extraire de l’or au Niger. A chaque jour qui passe, le nombre de morts et de blessés croit de façon exponentielle. La situation a pris des proportions tellement graves qu’Idriss Deby ne sait plus sur quel pied danser, car il faut le dire, c’est lui-même qui a créé cette situation. Mais déjà des professionnels de la manipulation et de l’amalgame s’activent déjà à intoxiquer l’opinion en faisant croire qu’il s’agirait d’un conflit intercommunautaire. Alors qu’il n’en est rien.
Au moment où nous mettons cette information en ligne on décompte déjà plusieurs dizaines de morts tant du côté des militaires tchadiens que des orpailleurs en provenance du Niger. Quant aux pertes matérielles, elles se chiffreraient en plusieurs dizaines de véhicules calcinés et d’importantes quantités d’or pur arrachées et emportées.
Il est important de placer la tragédie qui se joue à l’heure qu’il est au nord du Tchad dans son véritable contexte. Il ne s’agit aucunement d’une communauté tchadienne qui serait aux prises avec une autre, mais plus exactement de l’armée clanique du despote Deby qui a décidé de massacrer les orpailleurs tchadiens qui se débrouillaient depuis plus d’une année à trouver leur pitance en extrayant de l’or dans les mines au nord du Niger après qu’ils aient été chassés manu militari en avril dernier de Kourou Bouguidinga – dans le Tibesti.
Il faut aussi préciser que parmi ces débrouillards, on compte des milliers de tchadiens venant de toutes les régions du Tchad, des centaines de déflatés de l’administration qui n’arrivaient plus à joindre les deux bouts, et aussi, un grand nombre d’anciens membres de la rébellion qui – malgré les promesses du tyran – n’ont rien obtenu pour une paisible reconversion.
C’est d’abord au Tchad, dans la région du Nord que tous ces laissés pour compte – il faut le rappeler de nationalité tchadienne – avaient commencé à extraire de l’or il y a un an. Mais très vite, ils ont été déguerpis dans un premier temps en septembre 2013 à Miski et ensuite en avril dernier dans l’extrême nord du pays à Kourou Bouguidinga – dans le Tibesti – par la soldatesque du régime. Ils n’eurent plus d’autre choix que d’émigrer au Nord du Niger où ils se sont mis à gagner tranquillement leur vie dans les gigantesques mines de ce pays voisin. Mais même sur cette terre étrangère, Idriss Deby, soupçonnant ces orpailleurs d’organiser une nouvelle rébellion, a envoyé des dizaines de militaires – et des agents de l’ANS – déguisés en orpailleurs dans le seul but d’infiltrer le milieu de ces orpailleurs, et bien évidemment comprendre s’ils avaient des projets afin d’arrêter certains d’entre eux qui figuraient déjà sur liste détenue par ces sbires de Deby. C’est dans cette même logique que le maitre de N’Djamena entreprit depuis juin dernier de persuader son homologue du Niger de chasser ces orpailleurs tchadiens. Ce n’est que la semaine dernière que le chef de l’État nigérien accéda à cette demande et se mit à traquer les pauvres orpailleurs qui s’enfuirent le 07 août 2014 dans toutes les directions dans le désert pour s’en retourner vers le Tchad, leur pays. Il n’en fallut pas plus pour que le dictateur, passe à la vitesse supérieur de son plan. Il signa une incroyable ordonnance aux autorités civiles et militaires de la région du BET de saisir tout véhicule Pick up 4X4 appartenant à des civils.
C’est une fulgurante chasse à ce qu’il qualifie de « déflatés ou rebelles » et autres civils que le chef de l’État en personne a lancée à travers la région du Tibesti.
Que pouvait-il objectivement reprocher à des tchadiens qui revenaient dans leur propre pays, après avoir été chassés comme des chiens – et sur l’instigation de leur propre président -?
Voilà comment la soldatesque clanique de Deby est tombée à bras raccourcis sur des tchadiens d’origines diverses à qui l’on s’est mis à arracher véhicules, bagages et cargaisons d’or. Voilà comment les « autorités miliaires et civiles » ont usé de la force pour saisir des véhicules par la force à des concitoyens qui venaient travailler durement sous le soleil du désert pendant des mois pour pouvoir subvenir aux besoins de leurs familles respectives.
La violence a commencé par l’enlèvement de deux jeunes orpailleurs qui ont été tués à la frontière nigérienne par la garde rapprochée du tyran, après qu’on lui ait arraché leur véhicule et leurs biens. Par la suite, d’autres orpailleurs, en débandade vers le Tchad, sont tombés sur de multiples « check points » dressés par les soudards tchadiens. Sans ménagements, on leur arrachait véhicules et or, avec en prime des violences inacceptables. En réaction, les orpailleurs n’ont pas accepté de se faire dépouiller sans résistance et sans réaction. C’est ainsi qu’on en est arrivé à une escalade dans laquelle on dénombre une multitude de morts et de destructions à Ouguy, Marra et d’autres localités dans le Tibesti.
Dans la logique d’éteindre cet incendie qui s’affirme de plus en plus ravageur, d’importants renforts militaires convergents depuis le 10 août et le 11 août 2014 vers la zone de conflit. Ainsi, le général Houno Abakar et compagnie se sont déportés dare-dare dans cette zone où certains esprits tordus tiennent, contre toute attente, à présenter ce qui s’y passe comme un conflit entre les communautés Zaghawa et Gorane.
En fait, c’est l’Armée tchadienne qui s’en prend aux orpailleurs tchadiens dans le cadre d’une vaste opération de rapine et de meurtres gratuits. Ces derniers, en réaction se sont organisés et se sont en conséquence engagés dans une sorte de furieuse vendetta. Pire, dans l’accompagnement de sa décision criminelle de traquer ses propres concitoyens, le tyran avait instruit aux services de l’État de s’attaquer aux orpailleurs du Tchad sans ménagement, et de leur arracher leurs biens et leur or.
Il s’agit donc, dans les faits, d’une cascade d’agressions barbares, ignobles et disproportionnées des forces armées tchadiennes sur de paisibles citoyens qui étaient en train de regagner leur pays. Cette situation confuse est, au bout du compte, grave.
Voilà les faits tels que relatés depuis plusieurs jours, et qui ne sauraient être démentis – ni souffrir de la moindre distorsion, par aucun de ceux qui, en ce moment même, donnent une curieuse forme et un format bizarre à un conflit – un de plus – qui traduit de manière éloquent et triste l’état de putréfaction d’un régime à bout de souffle.
Ainsi, avons-nous appris de source bien introduite, qu’à cause de ces incidents dans le Tibesti, plusieurs éléments de l’Armée ont déserté, emportant dans leurs bagages, voitures ramés et armes de gros calibres en direction de la frontière soudanaise.
Jusqu’où ira ce conflit qui a déjà laissé tant de morts sur le carreau à cause d’une décision inconséquente d’un tyran ivre de sang? On verra bien, mais les premières grandes constations donnent le vertige. Parce que Deby tient absolument à maintenir ses concitoyens dans la précarité, il n’a voulu offrir aucune chance de reconversion à des milliers de déflatés de l’armée ou de l’administration. Et le seul fait de les indexer spécifiquement dans sa cynique ordonnance pousse-au-crime met en exergue sa volonté de les maintenir dans la précarité alors que lui et sa famille se servent avec gloutonnerie dans les revenus du pétrole.
Cette situation incompréhensible vis-à-vis des orpailleurs et des anciens militaires de sa propre armée est d’autant plus incompréhensible, que l’on tombe carrément des nues à l’autre constat que le dictateur ne tient non plus à accorder la moindre possibilité de reconversion aux anciens rebelles à qui il n’a rien offert contre leur ralliement ou leur abandon du combat. Reconvertis à l’orpaillage, les voilà qui sont poussés dans leurs derniers retranchements. Si ce n’est pas de l’incitation à la rébellion, ça y ressemble.
Idriss Deby a allumé le feu dans le Tibesti, mais ce feu commence à lui faire peur. Ne voilà-t-il pas qu’il a été contraint d’annuler le voyage qu’il devait effectuer ce jour pour la France à l’occasion de la commémoration du débarquement allié ? Il a été contraint de se rendre hier en début d’après midi en personne à Faya, accompagné d’une forte délégation, flanqué des autorités traditionnelles les plus influentes.
Source: D.D, Ndjamena-matin