Les 100 millions de francs CFA offerts par le Premier ministre Dion Ngute à 25 chefs traditionnels de l’Extrême-Nord font polémique. Accusés de détournement par leurs pairs, deux chefs traditionnels sont dans la tourmente. Ambitions présidentielles et clientélisme politique sont au cœur de cette affaire aux allures de poudrière.
Le 13 décembre dernier, le Premier ministre camerounais Dion Ngute se rendait à l’inauguration d’un lycée technique à Maroua, chef-lieu de la Région de l’Extrême-Nord. Si le déplacement du PM peut paraître anodin, il dissimule en réalité des enjeux politiques de taille. Depuis plusieurs mois, celui dont le nom est régulièrement cité parmi les dauphins potentiels de Paul Biya entend bien préparer le terrain pour 2025.
Des ambitions présidentielles assumées
Sa stratégie ? Se constituer un solide réseau de soutiens, en ciblant plus particulièrement les chefs traditionnels et la jeunesse. Lors de cette visite très commentée à l’Extrême-Nord, Dion Ngute était accompagné de certains membres de son équipe rapprochée. Et ces derniers n’étaient pas venus les mains vides : ils transportaient dans leurs valises une coquette enveloppe de 100 millions de F CFA.
Ce pactole devait être distribué à 25 chefs traditionnels soigneusement sélectionnés par les émissaires du PM. Objectif : s’assurer des soutiens de poids dans cette région stratégique en vue de 2025. Sauf que cette opération de charme destinée à fluidifier les relations entre le chef du gouvernement et les autorités traditionnelles locales a mal tourné. Très mal tourné même.
100 millions de F CFA introuvables : deux chefs traditionnels montrés du doigt
En effet, près d’un mois après le passage remarqué de Dion Ngute à l’extrême-Nord, la colère gronde chez de nombreux chefs traditionnels. Sur les 25 devant bénéficier de la généreuse enveloppe du PM, une grande majorité n’a toujours rien reçu. Pire : impossible d’obtenir la moindre explication de la part des émissaires de Ngute.
Deux chefs traditionnels sont tout particulièrement pointés du doigt dans cette affaire. Ce sont eux qui avaient établi la liste des bénéficiaires des 100 millions de F CFA offerts par le chef du gouvernement. Visiblement, les fonds se sont évaporés avant d’arriver à bon port…
Clientélisme politique
Certains soupçonnent ces autorités traditionnelles d’avoir tout bonnement détourné l’argent, en guise de commission occultée. D’autres y voient une vengeance personnelle contre des chefs rivaux, écartés de la liste.
Quoi qu’il en soit, ce couac révèle les méthodes parfois douteuses utilisées par certains responsables politiques camerounais. En cherchant à tout prix à s’attirer les bonnes grâces de chefs traditionnels influents en vue de 2025, Dion Ngute a choisi la facilité : distribuer des enveloppes financières au mépris de toute éthique.
Cette stratégie du clientélisme, consistant à « acheter » des soutiens par l’argent ou le népotisme, est hélas monnaie courante sous les tropiques. Mais elle atteint sous Biya des sommets jamais vus, avec des responsables prêts à tout pour prendre la place du monarque vieillissant. Quitte à allumer des incendies dans des régions déjà soumises à de fortes tensions comme l’Extrême-Nord.
