Séverin Cécile ABEGA, avant les BIMANES

Les bimanes

Cette année encore, « Les Bimanes » fait partie des œuvres au programme de l’enseignement secondaire au Cameroun. Une nouvelle génération de jeunes camerounais prendra, comme nous avant, du plaisir à lire cet auteur.

Aujourd’hui découvrons les influences de cet homme parti trop tôt en 2008.
Qui peut parler de Séverin Cécile Abega mieux que lui-même ?
Dans un article paru dans l’édition de la revue littéraire « patrimoine » de mai 2006 l’auteur a transmis ce qui est son histoire.

SON GRAND-PÈRE, SON MODÈLE

« En réalité, c’est à mon grand-père que j’aurais aimé ressembler. Vous ne rencontrerez jamais un orateur plus achevé que le père de mon père, artiste du proverbe assené au moment le plus mal indiqué pour la partie adverse, transformant en évidences les raisonnements les plus alambiqués et ridiculisant d’un simple mot ses adversaires les plus talentueux dans les joutes oratoires. Quand il se levait pour prendre la parole, on savait que la minute de vérité était proche. Je l’ai vu se sortir, comme en se jouant, des logomachies les mieux imaginées. Je porte son nom, mais je n’aurai jamais son éloquence. « 

FERDINAND OYONO, LE DÉCLIC

« C’est en cinquième que ma cousine m’a dit un jour qu’elle avait lu un roman écrit par un camerounais. Je n’en croyais pas mes oreilles! Les camerounais pouvaient écrire des romans? Et sur quoi? Qu’y avait-il à raconter? Pouvait-il aussi arriver des aventures au Cameroun? Nul mieux que moi ne comprend Don Quichotte quand il met son armure et enfourche Rossinante pour aller chercher des aventures. Une des choses que la lecture m’avait enseignée, c’est que l’histoire qui engendre un roman se passe toujours ailleurs, et j’ai gardé cela à l’esprit longtemps. Le premier roman camerounais, et donc africain que j’ai lu, c’est Le vieux nègre et la médaille de Ferdianand Oyono. Le livre s’ouvre sur cette scène où l’on voit le héros, après avoir été réveillé par ce rayon de soleil qui tombait exactement dans sa narine gauche, commence sa journée en allant s’accroupir derrière un buisson tandis qu’un porc attend qu’il ait fini pour prendre son petit déjeuner sur le petit dépôt, et que sa femme lui dit d’aller un peu plus loin à cause de l’odeur. C’est peut-être ce jour là que je me suis rendu compte que je pouvais écrire, puisqu’on pouvait mettre dans un livre des scènes qui ressemblaient à celles de mon village, et qu’il n’y avait pas de pays à roman et des univers hors écriture. J’avoue que ce fut vraiment un choc, une révélation. »

« LA PAPAYE », SA PREMIÈRE ŒUVRE

« Mais en ce qui concerne l’écriture elle-même, je me rends compte que j’ai toujours écrit, si l’acte de prendre la plume n’est pas réellement le véritable moment de l’écriture. Racontant et brocardant à longueur de journée, je n’ai eu aucun mal le jour où j’ai vraiment décidé de prendre la plume. Ce fut pour écrire « La papaye ». J’avais suivi à la radio l’annonce de l’ouverture du concours de la meilleure nouvelle de langue française. C’était, je crois, la cinquième édition. Je décidai de compétir. Comme j’étais en train d’aller rendre visite à ma cousine, je lui demandais quelques feuilles de papier. J’ai pris l’après-midi pour écrire à la main les quatorze pages qui composèrent le manuscrit de cette nouvelle.

Un vieil ami, Mbida, alors secrétaire au Pnud, m’aida à dactylographier le texte, qu’il me ramena plein de fautes en me disant qu’il avait tellement ri qu’il n’avait pas réussi à se concentrer sur son ouvrage. Je pris quand même le risque d’envoyer cette ébauche, qui remporta le troisième prix du concours. Depuis cette époque, je n’ai plus arrêté. »

Lékié Express

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