Cameroun: Moins de 2% de camerounais jouissent d’une assurance maladie

L’assurance maladie est perçue comme un service réservé à une élite. Les mutuelles de santé peinent à s’épanouir face à un cadre juridique peu favorable.
Le risque maladie est ignoré dans le portefeuille de presque tous les ménages au Cameroun. C’est ce qui explique que moins de 2 % de la population bénéficie d’une assurance maladie. Le paiement des soins se fait de façon directe dans les centres de santé. Selon des chiffres officiels, les ménages achètent les soins à plus de 600 milliards de FCFA chaque année, dans les différentes formations hospitalières. Malgré les nombreux programmes initiés par le ministère de la Santé publique pour améliorer la situation, aucun résultat n’est palpable sur le terrain. Et les obstacles à une assurance maladie pour tous se font plus aigus.
Dans les villes et villages, le premier constat qui se dégage est que nombre de ménages ne perçoivent pas la pertinence de payer pour la protection contre le risque maladie. « Cela est dû en parti au fait qu’elles voient naitre autour d’elles, des centres de santé publics ou privés à caractère caritatif », justifie un médecin généraliste de l’hôpital de la Caisse nationale de prévoyance sociale (Cnps). Parlant de la Cnps, il estime que la structure a également une part de responsabilité. « Elle tarde à accorder une protection santé à ses affiliés. Pour le moment, son action ne couvre que les cas de vieillesse, de retraite, d’allocations familiales, d’accidents et maladies professionnels. Alors que l’assurance maladie est toute aussi importante bien qu’elle soit un peu complexe à gérer », regrette-t-il.
L’autre obstacle à la protection sociale de santé, concerne les acteurs du secteur informel. Plusieurs patrons de mutuelles d’assurance énoncent la difficulté qu’il y a de prévoir leurs revenus. Ce qui laisse des doutes sur leur capacité à honorer au paiement des primes d’adhésion et aux cotisations annuelles sur la base de leur revenu. Il en est de même pour les familles qui vivent dans une extrême précarité. Leur faible pouvoir d’achat laisse libre cour à des croyances et méthodes peu recommandables. « Les croyances et normes sociales influencent la perception des gains potentiels de l’adhésion à un mécanisme d’assurance maladie. Certains individus pauvres, estiment que les pertes encourues en cas de maladie sont plus faibles que le coût de l’adhésion, puisqu’ils peuvent aisément recourir au tradipraticien, ou à l’automédication auprès des vendeurs ambulants de médicaments dont le coût est jugé plus abordable. Pour ces derniers, l’assurance maladie est actuellement perçue comme un service réservé à une élite », note le Centre pour le développement des bonnes pratiques en santé Cdbps-H, qui a commis une étude sur la question il y a quelques années.
Outre cela, le Cdbps-H, observe une désaffection des populations à l’égard des mutuelles communautaires de santé. Malgré que les primes mensuelles individuelles sont fixées entre 100 et 600 FCFA. « La méfiance s’enracine à cause de l’incapacité des mutuelles communautaires à atteindre les objectifs clamés. Les populations perçoivent également une opacité dans les mécanismes de gestion de cette assurance. Elles doutent notamment de la compétence et de l’intégrité des gestionnaires de ces services, Quand on sait que nombre de personnes ont été victimes des actes de corruption et violation des droits .Et que les auteurs sont restés impunis. Alimentant ainsi, un sentiment de situation de non droit. Le cas de l’ONG FAMM qui avait lancé un ambitieux projet d’assurance maladie, qui s’est révélé être une arnaque, est encore frais dans les mémoires », rappelle l’étude du Cdbps-H.
Du côté des mutuelles de santé communautaires, elles peinent à s’investir dans la protection sociale de santé. Plusieurs risques paralysent la volonté des promoteurs. Entre outre, le risque de sélection adverse qui consiste à voir adhérer plusieurs personnes présentant un risque élevé de maladie. Tandis que les personnes en bonne santé ont tendance à s’abstenir de s’affilier. « Cette situation peut compromettre la viabilité financière de la mutuelle, car elle entraîne un niveau de dépenses trop élevé par bénéficiaire », déplore un promoteur de mutuelle de santé. « Ensuite, le risque de sur-prescription. Il s’observe lorsque les prestataires de soins provoquent une augmentation brutale des coûts de santé en prescrivant des soins inutiles sans opposition de la part du patient. Ceci du seul fait qu’il ne soit pas assuré. Enfin, le risque de catastrophe qui concerne les mutuelles qui couvrent les gros risques, sans plafonnement des prises en charge. Il intervient essentiellement lorsqu’une mutuelle débute ses activités: Si une dépense de santé exceptionnellement élevée survient à ce moment, la mutuelle sera très rapidement en situation de crise financière », poursuit-il. Situations qui empêchent que les mutuelles de santé, augmentent le taux d’assurance maladie laisse croire le promoteur.
Cependant, plusieurs spécialistes du domaine imputent essentiellement la responsabilité à l’absence d’un cadre juridique et institutionnel. Un cadre susceptible de sécuriser et rassurer les communautés cibles, en évacuant toutes suspicions et doutes au sein des populations. Car expliquent les experts, « la protection sociale de santé à tous est une nécessité permettant la pleine réalisation du potentiel économique d’un pays. Ceci parce que seules les personnes en bonne santé, instruites et bien nourries peuvent être pleinement productives ».

Christian Djimadeu (Stg)

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *