Cameroun: La notion de budget programme, explications de l'expert financier BABISSAKANA

Au lendemain de l??adoption de la loi de finances 2013 au Cameroun, une avalanche d??articles de presse sur la notion de budget programme s??est produite. Pour cause, c??est l??innovation de l??année et il faut en donner davantage au lecteur en terme d??explications. Nous, au Club De La Pensée, avons choisi de donner la parole à un expert de la finance, Monsieur BABISSAKANA. Au terme de son exposé, avec des mots qu??il a voulus compréhensibles pour tous, nous pouvons partager avec vous, lecteurs que nous savons fidèles, les subtilités de la question. Des précisions juridiques sont

nécessaires. Le budget classique, tel que defini dans l??ordonnance n° 62/OF/4 du 07 fevrier 1962 portant régime financier de la République Fédérale du Cameroun, modifiée par la loi n° 2002/001 du 19 avril 2002, comportait trois classifications :
La classification administrative : les institutions sont identifiées de façon exhaustive. Par conséquent, les questions de l??attribution des ressources et de l??engagement de la responsabilité sont résolues.La classification fonctionnelle : les institutions sont créées pour des fonctions et des objectifs précis, des taches précises à délivrer aux populations. Dans cette logique, le citoyen voit ses attentes précises comblées. On peut dès lors avoir des fonctions principales, des sous-fonctions, des sous-sous-fonctions. La classification économique : tout ce qui concerne les dépenses du personnel, les biens et services. C??est une classification basée sur les impôts.Une 4ème classifiation du budget pourrait découler de l??option de l?? Etat d??adopter une budgétisation axée sur la performance dont une modalité est la budgétisation par programmes, option alors consacrée par la loi n° 2007/006 du 26 decembre 2007 portant régime financier de l??Etat, devant entrer en vigueur dans son integralité le 1er janvier 2013 et abrogeant à cette date l??ordonnance de 1962 sus citée. La notion de budget programme sera donc expérimentée par la loi de finances 2013. La loi de 2007 sus mentionnée assigne une nouvelle mission à la loi de finances, celle de présenter « ?? l??ensemble des programmes concourant à la réalisation des objectifs de développement économique, social et culturel du pays. » (article 2, alinéa 2). Le programme y est défini comme l?? « ensemble d??actions à mettre en ??uvre au sein d??une administration pour la réalisation d??un objectif déterminé dans le cadre d??une fonction. » (article 8). Un programme est donc défini par rapport à un objectif unique.Axer à présent la budgétisation sur la performance signifie qu??il faut s??assurer que le service accompli a résolu le problème qui se posait. Des indicateurs permettront de vérifier les input, les output et les résultats. Des indicateurs de performance permettront d??apprécier la valeur créée pour le citoyen, guideront et orienteront l??ensemble du processus budgétaire, conditionneront le choix des programmes, des ressources. Le programme pourra s??étaler sur 3 ans, avec des étapes annuelles « finançables » et vérifiables pour s??arrimer à la caractéristique annuelle du budget. La mise en ??uvre de ce management axé sur les résultats nécessite 4 principales modalités de réforme :
Réforme organisationnelle : le nombre de ministères centraux doit être réduit, celui des agences d??exécution augmenté. Au lieu de 37 ministères comme c??est le cas actuellement, nous devrions nous rapprocher des modèles americain et japonais avec respectivement 14 et 11 ministères.Réforme guidée par la recherche de la motivation et de la productivité du personnel de l??Etat, passant par une définition de postes, d??un profil de carrière et la réalite des rémunérations.Réforme portant sur la supervision et la responsabilisation des dirigeants.Réforme dictée par la budgétisation axée sur la quête de la performance. L??objectif doit être d??accroître l??effectivité et l??efficience des dépenses publiques, de telle sorte que : Effectivité (accomplissement de la mission)Dépenses publiques Efficience [contenu de la dépense, coût de la dépense, délais appropriés, qualité ou degré d??exigence fixé par la population (est-elle satisfaite de l??école ou de l??hôpital construit ?)].Le budget programme est donc juste une modalité de cette budgétisation axée sur la performance.Mais pour que ça marche au Cameroun, de l??avis de Monsieur BABISSAKANA, plusieurs conditions doivent être réunies :
Assurer la bonne gouvernance : le système francais a été recopié dans la loi de 2007 alors que le Cameroun n??a pas atteint le niveau de gouvernance de la France et que 30 % du budget chaque année seraient utilisés à des fins personnelles. Enrayer les défaillances structurelles notoires du système. La machine structurelle camerounaise est si grippée que selon un rapport du FMI, on aurait atteint en 2012 les 700 milliards de fcfa d??arriérés de paiement des différents prestataires de l??Etat, alors qu??en France, le pays dont on copie tout, une loi fixe le délai de paiement à 60 jours.Former de véritables managers de programmes. Etre manager de programme exige une transformation personnelle et un investissement de soi. C??est un processus de certification basé sur des standards internationaux et passant par une certification en management de projets. Et une fois les managers formés, il faudra s??assurer d??une entente entre eux afin d??optimiser la cohérence.Autant d??imperfections que comporte la loi de 2007. Neanmoins, pour Madame Pauline BIYONG, le budget programme est une innovation dont nous devons nous approprier les imperfections. Ce doit être pour le citoyen le début du contrôle de l??action gouvernementale. Il devrait par exemple, à la fin de l??exercice budgétaire, exiger que le rapport de l??exécution du budget soit rendu public. Et c??est certainement aux Camerounais, et non aux partenaires étrangers ou aux bailleurs de fonds, qu??il appartient de dénoncer les imperfections du système.
© Résumé des échanges du Club De La Pensée du jeudi 17 janvier 2013 sur le thème « la notion de budget programme, explications de l??expert financier BABISSAKANA ».

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