Abdourahman Hamadou Baba : « Séraphin Fouda a sali l’image du président de la République »

Abdouraman Ahmadou

Président d’Etoile filante de Garoua, récemment porté à la tête de la Commission ad-hoc de la Ligue de football professionnel du Cameroun (Lfpc) chargée de la préparation et du suivi des championnats de Ligue 1 et de Ligue 2, il apporte des éclairages sur la démarche contestataire entreprise par certains clubs amateurs suite à la dernière sentence du Tribunal arbitral du Sport dans l’affaire AS Meiganga et consorts contre la décision N°Cca/2019/0004.

L’ancien directeur de cabinet de Iya Mohammed pointe un doigt accusateur sur la Fédération internationale de football association (Fifa) qui à le croire, tente de faire prospérer un exécutif déchu à la tête de la Fédération camerounaise de football (Fécafoot) au mépris de ses propres
textes en vigueur et au nom d’un néocolonialisme déguisé. L’expert en marketing, sans porter de gants, soutient mordicus que si la crise qui secoue le football perdure, c’est en grande partie à cause du rôle trouble que jouent certains hauts fonctionnaires tapis à la Primature et prêts à tout pour travestir les Lois de la République et ternir l’image du chef de l’Etat. A table !

Comment se porte Étoile filante de Garoua ? Comment l’équipe gère cette période d’inactivité liée à la pandémie de Coronavirus?

L’Etoile Filante de Garoua se porte bien mais est contrainte de fonctionner au rythme actuel de notre football qui n’existe pratiquement plus. Les joueurs ont passé presque un an sans jouer et quand on programme le championnat, on nous fait savoir que notre club va évoluer dans une poule de quatre clubs avec en tout et pour tout trois matches à l’aller et trois matches au retour. Dans un tel contexte de bricolage, impossible de mettre en œuvre un projet sérieux. Nous nous sommes donc résignés depuis longtemps à attendre le jour où notre football sera dirigé par des hommes sérieux et compétents.

Le Cameroun, pays hôte du Championnat d’Afrique des Nations qui est rentré en gare dimanche dernier, a été incapable de sauver au moins la face avec une quatrième place au podium. Etait-ce prévisible ?

Heureusement que les performances de notre sélection nationale A’ n’ont pas reflété le vrai niveau de notre football au plan local qui n’est pas loin de zéro. Sinon nous ne devrions même pas passer le premier tour. C’est pour cela qu’il faut féliciter nos joueurs qui se sont surpassés pour atteindre le stade des demi-finales.Depuis la phase préparatoire nous savions que les lacunes étaient nombreuses. Mais la victoire au premier match face au Zimbabwe a fait croire que ces lacunes pouvaient être corrigées. Malheureusement, la large défaite contre le Maroc nous a ramené à la réalité.

Pensez-vous que si le championnat se jouait effectivement, le Cameroun aurait pu faire mieux dans ce tournoi?

J’en suis convaincu. Si la Lfpc avait pu faire jouer une dizaine de matches du championnat de Ligue 1, la donne serait certainement différente. Le sélectionneur aurait pu détecter d’autres joueurs pour justement pallier aux lacunes constatées et nos joueurs seraient beaucoup plus en jambes que ce que nous avons vu.

A qui la faute ? A qui est imputable cette déconfiture de notre sélection nationale ?

A la Fecafoot bien sûr. Notamment à messieurs Seidou Mbombo Njoya et Aboubakar Alim Konaté qui se sont appuyés sur certains dirigeants de clubs pour entraver le fonctionnement de Lfpc et bloquer les championnats.

Certains peuvent aussi imputer cette contre-performance à la Ligue de football professionnel du Cameroun qui n’a pas pu organiser et superviser le championnat cette saison…

C’est une lecture erronée. La Lfpc avait même réussi à lancer le Championnat de Ligue 1 qui a été bloqué par la Fécafoot qui avait refusé de désigner les arbitres. M. Seidou Mbombo Njoya avait même menacé de sanctions Coton Sport de Garoua et Panthère Sportive du Nde qui avaient pris part au match d’ouverture. C’est la preuve s’il en était encore besoin, que la faute est entièrement imputable à la fédération qui brille par son incompétence et son excès de zèle. Le drame, c’est que c’est notre football et ces pauvres enfants qui ne demandent qu’à vivre leur passion, qui en paient le lourd tribut.

Une correspondance du Secrétaire général du premier ministre qui circule sur la toile fait état de ce que le Chef de l’Etat aurait demandé que le ministre mette tout à la disposition de la Fecafoot pour qu’elle organise les championnats professionnels. Avez-vous pris connaissance de ce courrier et qu’est-ce que cela vous inspire?

J’ai de sérieux doutes sur la réalité des instructions du Chef de l’Etat tel que cela est présenté. D’abord parce que le document que j’ai consulté le 27 novembre 2020 en compagnie du président de la Lfpc dans le cabinet du même Sgpm (Séraphin Magloire Fouda Ndlr), contenait des instructions contraires. Ce qui était d’ailleurs logique dans la mesure où le Tas venait de rendre une ordonnance sur requête de mesure provisionnelle, qui est toujours en vigueur, et qui confère à la Lfpc la compétence d’organiser les compétitions de football professionnel au Cameroun. J’ai donc été surpris de découvrir comme vous la correspondance du Sgpm du 11 janvier 2021 qui a travesti les instructions initiales du Chef de l’Etat. Par cet acte, le Sgpm a sali l’image du président de la République en faisant croire qu’il a donné des instructions qui vont à l’encontre d’une décision
de justice. En tant que citoyen camerounais, j’espère que toute la lumière sera faite sur cette affaire.

Comment avez-vous accueilli la sentence du Tribunal arbitral du Sport relativement à l’affaire As Meiganga contre Fecafoot?

Avec beaucoup de satisfaction dans la mesure où l’ensemble du processus électoral frauduleusement organisé par le comité de normalisation de Me Happi a été annulé.

Dans le point 235 de l’exposé des motifs, le Tas évoque la possibilité de laisser les organes en place assurer l’intérim pour organiser de nouvelles élections. Cette observation a énormément prêté à confusion dans la mesure où certaines personnes l’ont considéré comme faisant partie intégrante de la décision. Qu’en dites-vous?

Cette proposition concernant l’intérim à la tête de la Fécafoot formulée par la formation arbitrale au point 235 de la sentence n’est pas une décision et n’a jamais été évoquée dans la procédure. Elle ne peut donc être opposée aux parties. Seul est exécutoire le dispositif de la sentence.
C’est pour cette raison que l’Assemblée générale de la Fécafoot s’est réunie en session extraordinaire le 2 février 2021 pour désigner un comité exécutif provisoire dirigé par le sénateur Albert Mbida.

Pourtant, aussi bien Fatma Samoura et Gianni Infantino, respectivement Sg et président de la Fifa semblent également penser que le Tas a demandé que Seidou Njoya et Cie restent en poste.

Cela est en effet très étrange venant des plus hauts dirigeants de la Fifa. C’est de la manipulation. Ils ont tenté de faire dire au Tas ce qu’il n’a pas dit. En agissant ainsi, ils méprennent les dispositions statutaires de la Fifa, notamment l’article 19 qui interdit à la Fifa de reconnaître des organes non élus d’une fédération membre. C’est également une ingérence indue de la Fifa dans les affaires de la Fécafoot. Il est clair qu’au Cameroun, la Fifa poursuit un but qui n’a rien à voir avec le football.

Certains présidents de clubs amateurs se sont rendus il y’a une semaine au siège de la Fédération camerounaise de football au motif de déloger Seidou Mbombo Njoya. Étiez-vous solidaire à cette démarche ?

Bien sûr. Il était question de discuter avec M. Seidou Mbombo Njoya et de lui rappeler les dispositions statutaires de la Fécafoot et de la Fifa. Il usurpe actuellement la fonction de président de la Fécafoot et il appartient aux membres de la Fécafoot de tenter pacifiquement de le ramener à la raison. Malheureusement, il a commis la faute de faire appel à la police alors que c’était lui qui leur avait donné rendez-vous. Le moment venu, il devrait s’expliquer devant les organes juridictionnels de la Fécafoot.

Pourquoi n’étiez-vous pas dans les rangs ? Aviez-vous déjà la certitude que l’initiative ferait long feu?

Mon absence se justifiait par la simple raison que c’est la représentation régionale du Centre de l’Acfac qui a initié cette démarche. Seuls étaient concernés les clubs membres de l’Acfac de la région du Centre.

Vous avez pris l’habitude de terminer vos posts sur les réseaux sociaux par l’ashtag »Le Cameroun leurVietnam ». Que devons-nous comprendre par-là?

C’est une façon de dire à la Fifa que la colonisation de notre football ne sera jamais accomplie malgré les complicités internes dont ils bénéficient. Ils vont s’enliser au Cameroun comme les Etats-Unis d’Amérique s’étaient enlisés au Vietnam. Ils vont finir par être obligés de laisser notre football à ses vrais acteurs. Ça fait déjà huit ans que nous les empêchons d’installer et de maintenir leurs suppôts à la tête de notre football.

Vous parlez également beaucoup du néocolonialisme de la Fifa et il se trouve qu’on a l’impression aujourd’hui que la Fifa essaye de vassaliser les fédérations africaines et même la Caf. Comment se sort-on d’une telle manœuvre ou alors comment l’évite-t-on?

En faisant preuve d’intelligence et de nationalisme. La tâche ne sera pas facile compte tenu des moyens financiers dont dispose la Fifa et également de la cupidité de certains présidents de fédérations qui ont justement été intronisés par la Fifa à tête de leurs fédérations respectives comme jadis les anciens chefs de comptoirs coloniaux.

A la suite d’une ordonnance du Tas suspendant la décision de la commission d’éthique de la Fifa, la commission de gouvernance de la CAF a demandé que la candidature du président sortant Ahmad Ahmad soit finalement validée en attendant le verdict du Tas au début du mois prochain. Pourtant, réuni à Yaoundé samedi dernier, le Comité exécutif de la Caf qui, il y a encore deux mois, était ultra majoritairement acquis à la cause d’Ahmad, a décidé d’ignorer les recommandations de sa commission de gouvernance et de confier le sort d’Ahmad au bon vouloir de la Fifa. Ne trouvez-vous pas cela surréaliste?

C’est une situation regrettable. Par cette décision, ces membres du Comité exécutif de la Caf laissent croire que la Caf en tant qu’institution n’a rien à dire sur les conditions d’éligibilité de son président. Ils sont en train de dire qu’il appartient à la Fifa de décider qui peut et qui ne peut pas être président de la Caf. C’est absurde, c’est une mentalité de colonisés. L’on voit bien que les dirigeants actuels de la Fifa ne cachent plus leur jeu. Pour revenir au président Ahmad, je vois mal la commission de gouvernance de la Fifa rejeter à nouveau sa candidature alors que cette commission avait motivé son premier rejet par sa suspension temporairement levée par le Tas.

Entretien mené par Christian TCHAPMI

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