Tensions dans le Mayo-Banyo : Les leaders fument le calumet de la paix

Mayo-Banyo

Ces leaders se sont engagés samedi dernier à mettre fin au tribalisme et au discours de haine au sein de leurs communautés qui étaient sur le pied de guerre.

C’est au bout de 11 heures de débats et conciliations que les représentants des peuples Tikar, Mambila, Bororos, Kwandja, Peulh, Wawa et Haoussa dans le département du Mayo-Banyo, région de l’Adamaoua ont décidé d’enterrer la hache de guerre. Autour de Kildadi Taguiéké Boukar, le gouverneur de la région de l’Adamaoua et de l’ancien ministre Abba Sadou, les différents leaders des communautés se sont accordés à œuvrer ensemble pour éviter un affrontement inter-ethnique dans ce département. Dans les différentes interventions, tous ont reconnu que la situation sociale est tendue dans le Mayo-Banyo. Ce climat délétère est entretenu par un groupuscule d’individus qui utilise les réseaux sociaux et manipule les esprits faibles pour créer la zizanie. Sans nommer les responsables, le préfet du Mayo-Banyo a déclaré que les auteurs de l’instigation à la violence et la haine ont été identifiés. « J’ai des informateurs au sein de ces associations et partis politiques.

La force doit rester à la loi ou nous ferons parler la force de l’Etat », a lancé Charles Galles, le préfet du Mayo-Banyo. Une option que les différents protagonistes n’ont pas bien accueilli. « Nous sommes ici pour trouver une solution. La haine et le tribalisme doivent cesser dans le Mayo-Banyo. Nous avons toujours vécu en harmonie. Pourquoi depuis quelques mois la situation s’est détériorée et le tribalisme a refait surface. Nous avons toujours vécu sans se demander de quelle ethnie est telle ou telle autre personne. Nous sommes tous des frères et sœurs dans le Mayo-Banyo », tempère Ibrahima Dewa, porte-parole du lamido de Banyo. Selon ce notable et envoyé du lamido de Banyo, il est urgent de mettre en minorité les propagandistes de la haine tribale qui secoue le Mayo-Banyo. « Monsieur le préfet, il faudrait que les populations du Mayo-Banyo sachent qui se cache derrière cette entreprise démoniaque. Nous voulons les noms et les visages de ceux qui veulent mettre à sang et à feu notre département », martèle-t-il. Le gouverneur Kidadi Taguiéké Boukar a invité les uns et les autres à être des mendiants de la paix. « Pour guérir une plaie, on doit percer l’abcès pour vider le pu. Je veux que nous parlions en adulte et sans peur. Evitons que les tristes évènements du Logone et Chari ne s’installent dans le Mayo-Banyo. Le diable est parmi nous. Chassons-le pour éviter le pire », a lancé le gouverneur de l’Adamaoua.

A tour de rôle, Kildadi Taguiéké Boukar a passé la parole aux différents représentants des ethnies qui compose le Mayo-Banyo et les responsables du Rdpc accusés d’entretenir ce climat de tension. Pour le chef de canton de Mayo-djinga, les causes de l’affrontement ayant opposés les populations de cette localité il y a quelques jours sont liées au bradage des terres par certains chefs de communautés. « Les chefs de communautés en complicité avec le préfet du Mayo-Banyo vendent les terrains. Ce problème opposait deux personnes d’ethnies différentes. Les membres des deux communautés ont été incités à la révolte par l’un de mes notables vendeurs de terrain qui est rentré de Banyo avec un arrêté préfectoral. C’est à la base de ce document qu’il vendait les terrains aux étrangers. Je veux vous rassurer que rien de tel ne se répètera dans notre canton. Nous n’avons pas été à la hauteur cette fois-ci. Cela ne va pas se répéter », a rassuré Samuel Sanda, chef du canton de Mayo-Djinga.

Prenant la parole, Abdoul-Karimou Dewa, élite du Mayo-Banyo et par ailleurs directeur général adjoint dElecam a insisté sur le rôle trouble de certaines élites du département qui ont décidé de tribaliser la scène politique pour des intérêts égoïstes. « Monsieur le gouverneur, appelons le chat par son nom. Le tribalisme est arrivé dans le Mayo-Banyo avec l’entrée en scène d’une élite. N’ayons pas peur des mots. Vous avez dit qu’il faut percer l’abcès et faire sortir le pue pour faire guérir la plaie. Il faut que ces ainés arrêtent ce jeu qui risque embraser le Mayo-Banyo. Nous ne connaissions pas le tribalisme dans le Mayo-Banyo auparavant. Cette élite s’est constituée un groupuscule qui veut mettre à mal la cohésion et la paix sociale » a-t-il déclaré. Pour la plupart des intervenants à la rencontre de Ngaoundéré, un doigt accusateur est pointé sur le préfet du Mayo-Banyo qui contribue à entretenir ces acteurs de la révolte. Pour le porte-parole de la communauté Wawa, le préfet du Mayo-Banyo est un pyromane. « Monsieur le préfet, c’est vous qui avez promis l’arrêté de chef de 2ème degré au président de l’association des Wawa. C’est vous qui avez demandé aux Wawa de se trouver un espace pour l’installation d’une chefferie. Aujourd’hui, vous voulez dire que vous allez nous arrêter et envoyer tous les Wawa en prison. Le Cameroun est un Etat de droit », a déclaré Haquilou Garba. Selon ce dernier, le problème actuel a pour origine le bradage des terres appartenant aux Wawa et le conflit entre éleveurs peulhs et agriculteurs Wawa. « Vous avez fait titrer 19 hectares appartenant aux agriculteurs à un individu. Cette situation doit s’arrêter au nom de la paix et du vivre ensemble » a-t-il insisté.

Pour Abba Sadou, il y a l’urgence d’une grande concertation entre les forces vives et élites du département. « Engageons-nous pour une paix durable. Nous sommes des Camerounais et frères et sœurs avant tout. Le conflit entre agriculteurs et éleveurs existe et pour le résoudre il faut que l’autorité administrative joue son rôle. L’administration a les moyens pour résoudre le conflit agro-pastoral. Il faut créer une zone de pâturage et nous savons tous que les agriculteurs paient le lourd tribut de ce conflit », a conseillé l’ancien ministre Abba Sadou. Argument soutenu par Ngah 2 Ibrahim, le chef supérieur de Bankim qui s’est engagé à continuer à lutter contre les auteurs du discours haineux et les propagandistes du tribalisme. « À Bankim nous sommes un peuple. Nous vivons dans l’harmonie et la paix. Il n’y a pas de places pour les tribalistes dans notre arrondissement. Tikar, Mambila, Kwandja, peulhs, Yamba, Banso, Haoussa et Bamiléké vivent en harmonie et dans la paix.

Tout contrevenant à cette cohésion nous trouvera sur son chemin », a averti le chef supérieur de Bankim. Des mises en garde ont été adressés à l’ancien député Amassoumou, son fils Telessam Amassoumou et au président de la section Rdpc Mayo-Banyo Sud, Jean Ngnissoungou par le gouverneur de la région de l’Adamaoua.

Le patron de la région de l’Adamaoua a insisté sur la préservation de la paix dans le Mayo-Banyo. « La situation est certes critique mais œuvrons pour que le discours de haine, le tribalisme cessent dans le Mayo-Banyo. L’engagement que doit prendre chacun ici est de mettre fin au tribalisme. Personne ne sait quand commence une guerre et comment elle finit. Travaillons ensemble pour mettre en minorité les auteurs des discours haineux et tribal. L’Etat jouera son rôle, celui de protéger ses fils et filles », a rassuré le gouverneur. Il a instruit au préfet du Mayo-Banyo la convocation des responsables des associations à caractère tribal et communautaire pour une sensibilisation à la préservation de la paix ; et il s’est réjoui de la résolution prise par les différents participants à la rencontre de Ngaoundéré.

Kildadi Taguiéké Boukar, le gouverneur de l’Adamaoua : « Il est temps d’apporter des solutions durables »

A l’issue de cette rencontre, des engagements ont été pris. D’autres rencontres auront lieu dans les différentes unités administratives du Mayo-Banyo et les auteurs des discours de haine et de tribalisme feront face à la rigueur de la loi. Nous avons engagé les différents acteurs politiques, l’élite et les chefs traditionnels à œuvrer pour la paix et le vivre ensemble. La situation est certes tendue et délétère. Vous avez écouté les différents protagonistes. Ils ont parlé avec le cœur. Nous avons percé l’abcès, maintenant il est question de traduire dans les faits le discours d’aujourdhui sur le terrain. Les autorités administratives du Mayo-Banyo doivent maintenant travailler pour rassurer les populations et apporter des solutions au conflit agro-pastoral. Ils ont en mains des outils pour apporter des solutions durables afin d’éviter un débordement sur ces affrontements latents entre agriculteurs et éleveurs. Les résolutions prises ici vont être appliquées sur le terrain. Le gouvernement travaillera pour le développement du Mayo-Banyo avec les forces vives et l’élite responsables. La question de l’emploi jeune et la promotion des jeunes de ce département a été posée. Nous allons transmettre à qui de droit les doléances des populations.

Ngah 2 Ibrahim, chef supérieur de Bankim : « L’unité nationale et la paix sont essentielles »

Notre présence à cette rencontre de Ngaoundéré a deux objectifs. La première c’est pour rassurer le gouverneur, les autorités administratives et le gouvernement de la République que la population de Bankim n’a pas de problème. Elle vit en paix et en union parfaite. Ceux qui brandissent le tribalisme sont une minorité. Ils peuvent le faire sur les réseaux sociaux et dans leurs maisons. Personne à Bankim n’acceptera aller en guerre contre son frère. Avec le sous-préfet, nous travaillons chaque jour en sensibilisant les populations. Les fauteurs de troubles, les tribalistes et autres vendeurs d’illusion nous trouveront sur leur chemin. L’unité nationale et la paix sont essentielles. Notre travail au quotidien c’est le développement de notre localité. Nous demandons à ceux qui aiment Bankim, qui veulent le développement de nous rejoindre. C’est le défi de chaque jour des populations et des différentes communautés qui vivent à Bankim.

Adolarc Lamissia

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