Cameroun – vin de palme et fruits tropicaux: Lucas Atangana Ateba, le décolonisateur alimentaire

Le nutri-therapeute a réussi l’exploit de mettre en place un processus de conservation du vin de palme et fruits tropicaux pour une période de plus de 12 mois.

Ce mercredi 18 septembre 2019, Lucas Atangana Ateba fait partie des premiers habitants à se pointer au lieudit ancien péage situé au centre de Mbankomo. Non pas par oisiveté mais pour scruter les chemins des cueilleurs de vin de palme à qui il a passé la commande la veille. Vêtu d’une chemisette, d’un pantacourt et des chaussures en cuir, il monte et descend, l’œil aux aguets. « Je me suis couché à 2h du matin pour me lever à 4h. Ici au centre, je viens réceptionner mon vin. Aujourd’hui, c’est Mme Ahanda qui m’a fourni 35l et j’attends encore 35 autres. Comme c’est le vin de bonne qualité, on peut couper et remplir avec un vin frelaté. C’est pour ça que je viens moi-même réceptionner», relate-t-il.
Le chimiste est très exigent sur les contenants. « Il faut que les contenants soient biodégradables, parce que les bidons accélèrent l’activité des levures, l’activité de la fermentation. Il y a des gens qui vous disent que le vin des hommes doit être fort ; qu’on ne peut pas bloquer le vin, pare que ça produit les explosions. Il faut que les gens comprennent que le vin doit se conserver. Surtout que le vin vient de loin : il y a l’oxydation qui entre en jeu», enseigne-t-il.

Après avoir réceptionné le vin, il faut l’envoyer immédiatement à l’unité de production, la Claie des tropiques, où commence alors l’alchimie. Le premier travail est de stabiliser le vin. Si l’homme se réserve de dévoiler le secret de son processus de stabilisation, il indique néanmoins que « quand une femme veut stabiliser sa sauce, elle n’utilise pas les produits chimiques ; elle réchauffe la sauce. Mais les cueilleurs mettent les écorces « essok » dans le vin. C’est un bactériostatique. Ça frêne juste l’activité des levures pour un temps. A midi, ce n’est plus le même vin, parce que l’effet de l’écorce diminue».

Le gouvernement attendu

Puis vient l’étape du conditionnement qui consiste à mettre le vin dans les bouteilles. Le sertissage consiste à fermer hermétiquement les bouteilles avec une sertisseuse, qui se fait encore manuellement. Ensuite, l’étape de la pasteurisation qui reste encore un secret. Après, on passe au refroidissement à l’aide des ventilateurs. Mais lorsque le courant est indisponible, il y a des techniques pour éviter les chocs thermiques. On passe alors à l’étape du filtrage – pour ne pas laisser passer les débris d’écorces -, du remplissage, de l’étiquetage des bouteilles et du paquetage pour la commercialisation. Le contrôler se situe sur toute la chaine. En dehors des élèves, qui sont des temporaires, Lucas Atangana Ateba emploie quatre personnes permanentes.

Depuis 20 ans, Lucas Atangana Ateba a réussi l’exploit de domestiquer le vin de palme longtemps saboté et considéré comme une drogue. « Je suis parti des ancêtres. C’est avec la sève du palmier qu’on nourrissait le bébé quand la mère mourait. Je me suis donc interrogé sur ce que le vin peut apporter à la croissance du nourrisson. Le cœur du palmier est sucré, il a la vitamine A, la vitamine C, tout ce qu’il faut pour la croissance. Mais les gens prennent la sève, y ajoutent des écorces, mais est-ce qu’on retrouve encore l’éthanol qu’on recherche ? Donc, le vin de palme c’est un aliment, un médicament », certifie-t-il.

Lucas Atangana Ateba voudrait moderniser et agrandir son usine et former des Camerounais, puisqu’il fait également dans la conservation des fruits tropicaux tels que le corossol, l’ananas, le gingembre, la goyave, etc., pour une durée de six mois. Mais abandonné à lui seul, il ne peut satisfaire la demande nationale et vulgariser sa science. Avec l’innovation qu’apporte le ministre des Arts et de la culture Bidoung Mkpatt, il espère qu’enfin, l’Etat du Cameroun valorisera ses produits locaux selon le slogan de « consommons camerounais ».

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