Pr Uphie Chinje, recteur de l’université de Ngaoundéré : « Abdoulaye Babalé m’a humiliée en plein Conseil d’administration »

Pr Uphie Chinje

Qu’est-ce qui justifie, selon vous, la sortie épistolaire du contrôleur financier spécialisé auprès de l’université de Ngaoundéré, juste après la tenue de la 47e session ordinaire du conseil d’administration de l’institution universitaire dont vous avez la charge ?

Nous avons tenu un conseil d’administration, mais je ne sais pas pourquoi il y avait un très grand intérêt du Président du Conseil d’administration (PCA). D’abord, au niveau du budget de l’université, qui n’avait pas de sens selon lui, on l’a finalement diminué. Maintenant, il y a certaines subventions comme les additifs de 107 millions que l’Etat devait donner, il a préféré refusé. Il y avait plus de 900 millions de reconduction du budget d’investissement et pour la plupart, ce sont des projets qui sont en cours ; il a insisté qu’on enlève, on n’a rien compris. Et puis, il y avait un montant de l’ENS de Bertoua qu’on a eu l’année dernière, mais le PCA a dit que tant qu’il n’y a pas un papier qui dit qu’on reconduise ce montant, qu’on l’enlève du budget. C’est ce qui a fait qu’on a réduit plus d’un milliard du budget proposé de plus de 11 milliards FCfa, pour se retrouver à plus de 9,3 milliards FCfa qui est le budget adopté par le Conseil d’administration. Pourtant, par exemple pour l’investissement, on a enlevé tout ce qu’on avait reconduit ; pour l’ENS, c’est 500 millions qui ont été supprimés et puis, il y avait une erreur de frappe montrant plus de 300 millions FCfa qu’on a enlevé.

Donc, on n’a même pas touché le budget en tant que tel. Et j’ai dit au contrôleur financier (CF) que s’il est honnête envers le public, qu’il publie exactement ce qu’il a en main et ce qu’on a apporté au conseil d’administration. Ce qu’il a en main, c’est ce qu’on a transmis au Minfi. Comment fait-il pour parler de deux budgets ? J’ai d’ailleurs vu un journal qui a titré qu’il y a deux budgets, un de 9 milliards et l’autre de 11 milliards. Nous avons proposé un budget de 11 milliards FCfa. Le Conseil a demandé qu’on le réduise à 9 milliards, et c’est celui-là qu’on a transmis. Mais le PCA avait demandé que j’enlève mes avantages sur le budget, j’ai dit que je ne peux pas. J’ai écrit à la Présidence et à la Primature pour le signifier, ne comprenant pas qu’on veut que j’enlève mes avantages, les mêmes que tous les huit recteurs des universités d’Etat ont. Je ne sais pas si le PCA s’est même souvenu que je suis une femme. Et donc, si mes homologues recteurs hommes ont des avantages, pourquoi ne devrais-je pas les avoir ? Ce monsieur m’a même humiliée pendant le Conseil, me faisant sortir de la salle. Curieusement, lui-même a dit que ce n’est pas le Conseil qui décide sur les avantages du recteur. Bref, il m’a demandé de sortir de la salle, et il ne m’a jamais demandé de regagner la salle. Nous avons fait un Conseil d’administration de plus de 12 heures, sans trop connaître la raison.

Le Conseil s’est achevé jusqu’à minuit, une session qu’on pouvait finir plus tôt ; le PCA prenait son temps, il calculait combien on allait attribuer à telle rubrique, il a même pris plus de cinq heures à cet effet. Son intérêt, avec le contrôleur financier, c’était qu’on enlève mes avantages. Et si on lit même ce que le contrôleur financier a écrit, il dit que le ministre a demandé qu’on n’augmente pas. Mais est-ce que le ministre a demandé qu’on annule ? En plus, je ne suis pas francophone, mais dans son document, je vois tant des fautes ; je ne sais pour quelle raison il était pressé d’écrire. En plus, le contrôleur financier n’a rien à faire avec le PCA. Il n’y a aucune raison qu’il décide d’écrire une lettre au PCA. Il doit écrire à l’ordonnateur principal ou alors à son ministère, surtout quand ça concerne le budget. De fait, c’est le ministre des Finances qui transmet le budget à la Primature. Donc, pour quelle raison l’a-t-il fait, si ce n’est pas une initiative commandée et avec des mensonges ? University of Ngaoundéré Innovation center of Excellence (Unice), ce n’est pas Unice Coop-Ca. Cette dernière est une association qui a été créée et qui a ses activités.

Unice que tout le monde connait continue de fonctionner comme une entité de l’université de Ngaoundéré. Mais dans sa lettre, le contrôleur financier parle de Unice Coop-Ca. Il a donc dérouté l’opinion publique en disant qu’on a mis Unice Coop-Ca dans le budget de l’université. Pour ce qui est de la CAN, c’est le Dcou qui a fait la proposition de ce qu’il voulait qu’on mette pour cette compétition et c’est même dans le budget que le CF a. Il parle par ailleurs des dettes, pourtant tout le monde, y compris lui et le PCA, sait que les dettes ont augmenté à l’université de Ngaoundéré depuis 2019 que le Minfi n’a pas versé la quatrième tranche. L’incidence financière à l’université de Ngaoundéré étant de plus d’un milliard FCfa ; on avait écrit et on essaie d’économiser dans le budget. Mais le contrôleur financier dit qu’on devait payer les dettes. Il y a donc une malhonnêteté que j’ai de la peine à comprendre. En tout cas, j’ai écrit un message au contrôleur financier pour lui dire que je ne suis pas parmi les manipulateurs de l’opinion et de la presse ; que ce que je retiens, c’est que c’est Dieu seul qui nous juger.

A vous entendre parler, il y a une forte tension entre vous, le PCA et le CF à l’université de Ngaoundéré, à la suite d’un Conseil d’administration le 15 décembre 2021 très électrique…

L’atmosphère n’est pas du tout saine. Et de ce que j’ai appris, il y avait des tensions à l’université de Maroua, quand Abdoulaye Babalé y était PCA. Maintenant qu’on l’a envoyé à Ngaoundéré, ça montre que son attitude est acariâtre. Et quand je revois bien, en venant au Conseil du 15 décembre 2021, il avait déjà préparé le communiqué. Est-ce que c’est lui qui est habilité à faire le communiqué du Conseil ? Le secrétariat du Conseil d’administration est géré par le recteur, pas par le PCA. Et en venant, il avait mis une chose du genre : on n’avait pas faire de conférence budgétaire. Devant lui, on a démontré que c’est faux. Car avant ça, il y a deux vice-recteurs qui ont tenu certaines de ces réunions avec tous ceux qui préparaient le budget. Et le CF n’était à aucune de ces réunions. Je ne comprends donc pas ces manipulations, seuls le PCA et le CF en connaissent les raisons. Je suis simplement là pour diriger l’université de Ngaoundéré et c’est le chef de l’Etat qui m’a nommée.

Et il m’a envoyée pour faire avancer l’Université de Ngaoundéré. S’ils ont leurs intentions, qu’ils les mettent à côté. Et ces intentions ne sont pas positives. On avait un Memorandum of Undestanding (MOU) qu’on devait signer avec les Canadiens dont j’avais fait une présentation au conseil d’administration du 30 septembre. Le CF avait donné l’accord pour qu’on l’étudie et subitement, je vois comment on le retire. Je ne comprends rien. Quel est le problème qu’Abdoulaye Babalé a contre moi ? C’est Dieu seul qui sait. Je n’ai rien à faire avec le budget. Il n’est pas le premier PCA que je connaisse à l’université de Ngaoundéré, il est le troisième. Je me demande comment les deux premiers n’ont jamais vu tous ces types de fautes. Pourquoi donc, seulement à son deuxième Conseil, on passe de problème en problème ? Je ne suis pas un jeune gestionnaire de ce pays et nouvel ordonnateur principal. Plus de 20 ans après ma première nomination, c’est là que j’apprends à faire un budget ou comment on multiplie un budget ?

Le ministre d’Etat, ministre de l’Enseignement supérieur, avait déjà intervenu pour instruire un retour à la sérénité notamment entre vous, recteur, et le contrôleur financier…

Je ne me rappelle pas très bien de ce que vous dites, parce qu’il y a trop de manipulations. Tout ce que je sais, c’est qu’on a un contrôleur financier qui a ses intérêts pas seulement avec l’ordonnateur principal, mais aussi avec les ordonnateurs délégués. Voilà ce qu’on dit à l’université de Ngaoundéré. Mais je n’ai pas tenu compte de cela. Je sais que le Minfi est informé de ce qui se passe à Ngaoundéré. On a eu certains retards parce que les dossiers arrivent et le CF ne signe pas ou il rejette. Et tous mes dossiers passent par le CF pour qu’il vise, et il y en a qu’il ne vise pas.

Que peut-on espérer pour l’université de Ngaoundéré dans un tel climat?

Il y a beaucoup d’espoirs. On ne juge pas l’université de Ngaoundéré avec des gens qui veulent qu’un recteur travaille sans salaire, mais on nous juge plutôt sur l’aspect académique, la recherche et aussi l’appui au développement. On avait validé notre plan stratégique de développement. On devait parler de projets de performance, mais ils ne parlent que du budget. Nous avons fait pas mal de choses pour adapter notre budget au SND30. Nous sommes en train d’avancer, y compris la construction de grandes infrastructures. Nous sommes en train de chercher des financements pour la recherche. Tout récemment, nous avons signé des conventions avec 13 Ipes, dont 9 nouvelles et 4 anciennes. L’université de Ngaoundéré est en train de grandir et toutes ces mauvaises intentions ne peuvent pas empêcher l’atteinte de nos objectifs. Les enseignants sont en poste, même si je sais qu’il y a des petits problèmes financiers à gauche et à droite ; mais ils sont engagés et nous sommes en train d’avancer.

Interview réalisée par B.A / 237online.com

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