Cameroun – Management public : Cumul de fonctions à deux vitesses

Pauline Nalova Lyonga

Occuper plusieurs fonctions à la fois semble être la norme au Cameroun. Mais cette clémence ne semble bénéficier qu’à certains responsables.

Un record. Après son entrée au gouvernement le 4 janvier en qualité de ministre délégué à la présidence de la République en charge des Marchés publics, Ibrahim Talba Malla n’a cumulé cette fonction avec celle de directeur général de la Société nationale de raffinage (Sonara) que pendant dix jours. En effet, lundi 14 janvier, un conseil d’administration extraordinaire a désigné Jean Paul Simo Djonou pour le remplacer.

Mais avant ce conseil d’administration, une note du secrétaire général de la présidence de la République dévoile l’option d’Etoudi de voir un autre manager remplacer Ibrahim Talba Malla dans les brefs délais. Dans cette note portant la mention « très urgent », et datée du 9 janvier, Ferdinand Ngoh Ngoh écrit au nouveau ministre délégué à la présidence de la République chargé des Marchés publics : « Sur très hautes instructions de monsieur le président de la République, j’ai l’honneur de vous demander de bien vouloir prendre à titre exceptionnel, et jusqu’à la nomination d’un nouveau directeur général à la Sonara, les dispositions essentielles nécessaires à la continuité du fonctionnement de cette société. » Cinq jours plus tard, une nouvelle équipe managériale prendra fonction sur les bords de l’océan Atlantique à Limbe. Une décision saluée par l’opinion publique.

Seulement au Cameroun, il s’agit d’une réalité à géométrie variable. Tant certains cumulent pendant de très longues périodes de multiples fonctions, avec tous les avantages qui vont avec. Le cas le plus emblématique reste l’actuel délégué général à la Sûreté nationale (DGSN). Nommé le 11 mars 2010 ambassadeur du Cameroun en Espagne – la même année au cours de laquelle il sera fait DGSN, Martin Mbarga Nguelé continue, sept ans plus tard, d’être à califourchon entre les parapheurs de la police nationale et ceux de l’ambassade. Une qui passe inaperçue, c’est Yao Aïssatou. Directeur général de la Société nationale d’investissement depuis 2009, la fille du lamido du Tcheboa est aussi membre influent de quelques conseils d’administrations. Pour rester sur le gouvernement du 4 janvier, de nombreux autres membres du gouvernement nouvellement promus vont devoir travailler sur deux chaises.

C’est le cas de la maire de Bangangté, Célestine Ketcha Courtès. La nouvelle ministre de l’Habitat et du Développement urbain tombe certes sous le coup de l’article 65 de la loi n°2004/018 du 22 juillet 2008 fixant les règles applicables aux communes et relatives au statut de maire qui stipule que « les fonctions de maires sont incompatibles avec les fonctions de membre du gouvernement et assimilé, député, et sénateur, autorité administrative… », mais certains de ses visiteurs du soir glissent que la ministre ne pourra pas se départir aussitôt de sa mairie, la voie par laquelle elle a frappé aux yeux de Yaoundé.

A l’issue de la formation du gouvernement du 4 janvier 2019, le nouveau ministre délégué auprès du ministre des Transports, Njoya Zakariaou, est toujours préfet du Mayo-Louti, dans la Région du Nord. Le ministre de l’Administration territoriale, Paul Atanga Nji, nommé le 2 mars 2018, occupe toujours ses fonctions de secrétaire permanent du Conseil national de sécurité. Comme lui, le ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative, Joseph Le, continue d’être président du conseil d’administration de la Société de presse et d’édition du Cameroun, poste qu’il occupait déjà du temps où il était directeur adjoint du Cabinet civil. De même, l’actuel directeur du Cabinet civil de la présidence de la République, Samuel Mvondo Ayolo, n’a pas encore été remplacé de son poste d’ambassadeur du Cameroun en France.

En dehors de son poste de ministre des Enseignements secondaires, Pauline Nalova Lyonga Egbe assume également ses fonctions de présidente du conseil d’administration de l’hôpital général de Douala. A leur décharge, la loi n°2017/011 du 12 juillet 2017 portant statut général des établissements publics indique, dans le chapitre III concernant « des mesures restrictives et des incompatibilités », que « les fonctions de président et de membre du Conseil d’administration d’un établissement public sont incompatibles avec celles de parlementaire, de magistrat exerçant auprès d’une juridiction ou de membre du conseil constitutionnel. »

Si au terme de ce texte, la catégorie de ministre ou membre du gouvernement n’est plus frappée par l’incompatibilité avec les fonctions de président du conseil d’administration comme par le passé, il faut tout de même reconnaître que pour la quête de l’efficacité et de la célérité dans l’action publique, le cumul de fonctions à défaut d’être proscrit, devrait constituer une exception dans le mangement public. Mais au Cameroun, la pratique passe quasiment pour une règle.

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