Réunion secrète à Baham: Un milliard pour boycotter les élections de février 2020

Le film de la réunion secrète du 7 novembre 2019 à la résidence du Pr Luc Sindjoun à Baham.

Etaient présents Jean Nkuete, Emmanuel Nganou Djoumessi, Sylvestre Ngouichingue, Claude Le Parisien Feutheu, Albert Kouinche et autres.

Maurice Kamto a décidé de boycotter les municipales et les législatives de février 2020. Simple posture tactique d’un candidat malheureux de la dernière présidentielle d’octobre 2018 qui continue inlassablement de revendiquer sa « victoire volée » et dont l’échec, prévisible, aux prochaines municipales et législatives ne serait que l’aveu cinglant de son imposture politique ? Jeu de dupes pour sceller un marchandage secret? Certains y voient plutôt d’emblée une haine viscérale contre la démocratie. Alors que d’autres, juste un poker menteur, tant la part de bluff et de mauvaise foi y est prépondérante. Mieux nos sources exclusives parlent d’une concertation secrète sur fond de transactions financières exorbitantes. Le film comme si vous y étiez.

Il avait ostensiblement admis la pertinente réalité, sous les youyous et les vivats des militants et sympathisants du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (Mrc), le 30 octobre 2019 : « La politique du boycott en matière électorale n’a jamais payé nulle part (…) Nous allons aux élections pour nous donner une chance d’être en position de régler la crise du Noso ». A peine six semaines après, ce discours chaudement applaudi par ces militants exaltés du Mrc, a de but en blanc varié devant le même auditoire. Pourtant c’est ce discours galvanisateur qui aura permis à de nombreux cadres du parti de Maurice Kamto de se donner tant de peine pour constituer dès l’annonce du corps électoral, les différents dossiers pour pouvoir rivaliser avec les candidats des autres partis politiques aux prochaines échéances électorales de février 2020. Ceci en bravant toutes les difficultés pour obtenir les pièces exigées par le code électoral. Des difficultés d’ailleurs éprouvées par tous les candidats, tant ceux des partis de l’opposition que ceux du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc), le parti au pouvoir.

En décidant aujourd’hui que le Mrc ne participera plus au double scrutin du 9 février 2020, qu’est-ce qui a bien pu motiver Maurice Kamto pour qu’il change carrément de discours ? Comment comprendre que ce soit le dernier jour que le président du Mrc se rende compte que le code électoral n’est pas jusque-là modifié et que subsiste toujours la crise sécuritaire dans les deux régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest ? Pourtant dans sa « circulaire N°001/Mrc/Pn/2019 du 19 novembre 2019 portant création, organisation et fonctionnement de la commission en charge des investitures pour le double scrutin du 9 février 2020 », signée de Maurice Kamto lui-même, rien ne prévoyait cette curieuse et inattendue volte-face d’aujourd’hui…

Eviter le ridicule et le déshonneur

Maurice Kamto le sait mieux que quiconque : la politique n’est pas l’art de faire rêver de milliers de militants et de sympathisants résolument accrochés à ses basques, fût-elle la meute de dévots fanatisés et prêts à tout du Mrc ; mais bien l’art de rendre possible un rêve. Le rêve que Maurice Kamto veut rendre possible quand, le 30 octobre dernier, il prend un engagement solennel d’aller aux élections municipales et législatives de février 2020, c’est d’être « en position de régler la crise du Noso ».

Mais face aux nombreuses difficultés qu’éprouvent, dans les délais impartis, les candidats à ces élections pour constituer leurs dossiers, le président du Mrc et ses vicieux stratèges commencent à envisager les choses autrement. Faut-il encore souligner à grands traits que ces difficultés ne sont pas du seul apanage des candidats du Mrc ? Puisque même dans le Rdpc (l’exemple de la Lékié) les voix s’élèvent avec véhémence pour dénoncer les indélicatesses du chef de centre divisionnaire des impôts qui lambine dans la délivrance des attestations de non redevance.

De même, dénonce-t-on les petites obstructions de l’ancien maire de Monatélé dans la signature des extraits d’actes de naissance. Tout comme des voix se font entendre à la Trésorerie paierie générale de Yaoundé où le paiement des cautions est conditionné. Ce n’est pas Cabral Libii qui le démentirait aujourd’hui, contraint à exiger à Elécam 15 jours supplémentaires pour le dépôt des candidats de son parti… Plus grave, Maurice Kamto se rend davantage compte de l’incapacité de son parti à présenter des listes partout, sur toute l’étendue du territoire national. Ne disposant pas d’une assise nationale, il se rend à l’évidence que la base de son parti est essentiellement « tribale ». Et que celle-ci semble être circonscrite dans les régions de l’Ouest, du Littoral et certaines circonscriptions de la ville de Yaoundé où sont concentrés les enthousiastes ressortissants de l’Ouest bamiléké.

Par ailleurs, contrairement au Rdpc et à d’autres partis de l’opposition comme le Social democratic front (Sdf), l’Union nationale pour la démocratie et le progrès (Undp) ou l’Union des populations du Cameroun (Upc), il découvre aussi qu’en dehors de la bruyante gesticulation essentiellement politicienne, le Mrc ne dispose pas d’une organisation connue, avec des organes fonctionnels qui auraient pu opérer des castings efficaces, afin de présenter des compétences locales pour une élection locale où les candidats doivent bien maitriser les problèmes de développement spécifiques et inhérents à chaque milieu. Au contraire de l’élection présidentielle où la seule notoriété du président-candidat d’un parti peut suffire à influencer le choix des électeurs. En allant dans ces conditions aux élections de février 2020, le Mrc étalerait, pour sûr, au grand jour l’imposture de son président qui n’a pas arrêté de se présenter comme le « président élu » du Cameroun.

Quelques jours avant l’annonce publique du boycott de Maurice Kamto, le journaliste Denis Nkwebo, dans l’émission 7 Hebdo d’une chaine de télévision de la place, ira jusqu’à prédire cette incapacité du Mrc à présenter les candidats partout. Ceci en sommant le représentant de ce parti à cette émission de dire la vérité du terrain aux Camerounais. Pour lui, c’était clair : la réalité avait rattrapé le Mrc qui n’aurait même pas, selon ses prévisions, 90 listes des candidats aux municipales sur les 360 communes que compte le Cameroun. D’autres sources sont même précises à ce sujet en estimant que le Mrc n’a pu constituer véritablement que 36 listes de candidatures aux municipales. Et 17 candidats aux législatives sur les 180 sièges que compte l’Assemblée nationale…Alors question : qu’entrevoit dans son for intérieur Maurice Kamto face à ce constat d’échec probable et certain ?

La concertation sécrète de Baham

Sans doute peu convaincu par la capacité de son parti à présenter de bons candidats aux municipales et législatives du 9 février 2020, comme nous venons de le voir, Maurice Kamto entreprend, secrètement dans un premier temps, des démarches auprès de certaines élites des départements de la Mifi et du Koung-Ki au rang desquelles Sylvestre Ngouchingue. Le président du Mrc subitement réaliste et moins arrogant, ne passe pas par quatre chemins pour leur demander de lui laisser ces deux départements pour les prochaines municipales et législatives. Pour l’agrégé de droit, c’est une question de survie politique, tente-t-il de convaincre ces interlocuteurs. Malheureusement, le tribun prolixe présenté par ses féaux comme « le messie attendu pour sauver le Cameroun » ne trouve curieusement pas de mots justes pour rallier ses « frères » à sa cause. Au contraire : tous le trouvent un peu aérien. Comme ce « messie » qui a les pieds sur un nuage…

C’est ainsi que selon nos sources exclusives et suffisamment introduites, le 7 novembre 2019, après son one-man-show de Bafoussam, Maurice Kamto, en compagnie de son chauffeur et de son secrétaire particulier, décide cette fois de se rendre secrètement en soirée à Baham, chez le Pr. Luc Sindjoun, un frère Baham. Là-bas, attendent déjà depuis plus d’un quart d’heure Jean Nkuete, le Sg du Comité central du Rdpc, Emmanuel Nganou Djoumessi, ministre des Travaux publics, et d’importants opérateurs économiques comme Sylvestre Ngouchingue, le Pdg de Congelcam (à accréditer d’avoir joué un rôle actif pour la tenue de cette concertation sécrète), Claude Feutheu, de son petit nom Claude le Parisien, et Albert Kouinche, le promoteur d’Express Union. Ne sont pas associées à dessein Célestine Courtès Ketcha, ministre de l’Habitat et du Développement urbain et Madeleine Tchuente (Minresi).

Tout simplement parce qu’on les trouve trop bavardes et très peu disposées à garder un secret. Prenant alors la parole, en politologue de haut vol, le Pr. Luc Sindjoun entreprend au débotté de démontrer à son aîné et collègue du Mrc son incapacité patente à gagner les élections municipales et législatives 2020 à l’Ouest, sa région d’origine. Et à l’assistance de lui demander dans la foulée d’être enfin réaliste et de cesser de ternir surtout l’image de marque de l’Ouest bamiléké, devenue à cause de son folklore puéril, la risée de tous les Camerounais.

C’est alors que Maurice Kamto, abattu et pratiquement sans voix, va passer carrément à table en posant ses conditions. A savoir : la remise d’une somme d’un milliard de Fcfa et sa nomination au poste de vice-Premier ministre lors du prochain remaniement ministériel. Les opérateurs économiques présents ce soir à la résidence du Pr. Luc Sindjoun vont alors lui dire qu’il recevra cette somme exigée en deux temps. D’abord le 23 novembre 2019. Ensuite le 26 novembre. Quant au poste sollicité, des engagements fermes sont pris, séance tenante, pour en informer le président de la République. Ceci, avec un avis très favorable.

Tout le déroulement de la concertation est secrètement filmé pour que les clichés et photos soient transmis à qui de droit… Lors de nos investigations, nous n’avons pas pu malheureusement les voir. Mais nos sources sont formelles : le film et les photos de cette réunion secrète existent bel et bien. A bon entendeur… Pour fêter l’événement, le taro est abondamment servi et le bon vin coule à flots. Il est d’ailleurs bu à gorges déployées.

Aux environs de 2 heures du matin, Maurice Kamto, repu, confiant et satisfait, va se retirer. Comme conclu, le 23 novembre, le président du Mrc perçoit secrètement 500 millions de Fcfa. Le 25 novembre 2019, devant les militants ahuris, Maurice Kamto déclare que le Mrc n’ira pas aux élections municipales et législatives 2020. Raison évoquée ? Imperfection du code électoral actuel et la crise sécuritaire dans les deux régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Des prétextes facilement excipés pour justifier plutôt un boycott dicté par son égoïsme légendaire et sa cupidité gargantuesque.

Le 26 novembre dernier, il était prévu que le président du Mrc perçoive le reste des 500 millions de Fcfa à lui promis au cours de la réunion secrète du 7 novembre 2019. Dans la tête du bon Baham qu’il est, ce boycott des élections municipales et législatives de février 2020 est un sacré coup de génie qui devrait lui permettre d’empocher gracieusement un milliard de Fcfa, d’espérer un retour par la grande porte dans le gouvernement au poste de vice-Premier ministre et de lui offrir une occasion idéale pour continuer à démontrer sa capacité de nuisance dans son optique de paralyser le pouvoir et de pouvoir ainsi mener d’autres négociations sécrètes plus juteuses. Toujours des calculs à n’en pas finir… Avec pour seul objectif : tromper les autres.

Le bluff politique habituel

Une thèse qui fait florès dans l’entourage de Maurice Kamto, c’est qu’il est indéfiniment demeuré embrigadé dans la logique des modèles successifs de la Côte d’Ivoire pour accéder au pouvoir. D’abord en usant du slogan d’une « victoire volée » qui avait permis en son temps à Laurent Gbagbo de chasser avec l’aide du peuple ivoirien le général Robert Guei qui s’était déclaré vainqueur de l’élection présidentielle. Voilà pourquoi chacun dans le Mrc s’imagine prendre le pouvoir à Etoudi rien qu’en mettant en branle les mêmes délires coutumiers d’une paranoïa anti-Biya ; les mêmes slogans hystériques d’une vacuité politique n’émerge que la haine et l’expression tribale ; et les mêmes turlutaines abondamment ressassées pour démontrer que Maurice Kamto est le « président élu » et Paul Biya un usurpateur.

Ensuite, Maurice Kamto se réfère toujours à l’exemple d’Alassane Dramane Ouattara qui accéda à la présidence grâce au soutien militaire et diplomatique de la France de Nicolas Sarkozy. En appelant donc au boycott des prochaines municipales et législatives de février 2020, après avoir excipé ces pseudo motifs de mauvais code électoral et de la crise dans les régions anglophones, Maurice Kamto a plutôt en esprit l’éventualité d’une intervention américaine qui, pour certains, planerait sur le Cameroun, avec en toile de fond une sorte d’agenda caché du fait des ambitions des sécessionnistes anglophones. Malheureusement, il ne sait pas que l’inconvénient d’une telle éventualité, est que les Etats-Unis n’ont véritablement aucun point d’ancrage au Cameroun.

Qu’à cela ne tienne, il veut quand même assouvir ses ambitions égoïstes et pouvoiristes en faisant feu de tout bois pour s’attirer la sympathie des Américains. Ce n’est nullement le fait d’un pur hasard si les partisans du Mrc ne se lassent pas de clamer dans les médias que d’ici février 2020, les Etats-Unis feront partir le président Paul Biya par tous les moyens. Franklyn Nyamsi en est le principal clairon. Pour ces va-t-en-guerre dévergondés, le dernier rapport de Human Right Watch qui parle des morts imaginaires dans le Noso, serait entrain de baliser déjà le terrain. Aucun hasard donc si Maurice Kamto choisit d’annoncer sa non-participation aux élections municipales et législatives, six jours avant que les Etats-Unis n’accèdent à la présidence du Conseil de sécurité de l’Onu. Même s’il est sans ignorer que seuls, les Etats-Unis ne peuvent pas mener au bout du nez les autres membres du Conseil de sécurité que sont la Russie, la Chine ou la France capables de brandir à tout moment, leur droit de veto, en bon opportuniste, le président du Mrc n’hésite pas à leur faire des appels de pied.

Ayant fondé sa stratégie sur la provocation, la diabolisation, la manipulation, la victimisation et l’insurrection, Kamto sait surtout que pour mieux marquer les esprits, l’annonce de son boycott aurait beaucoup d’effets à la veille de l’arrivée à Yaoundé de Louise Mushikiwabo, secrétaire général de la francophonie de Patricia Scotland et de Moussa Mahamat, en séjour au Cameroun en vue de contribuer aux efforts de paix dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest.

Jacques Blaise Mvié in LA NOUVELLE N° 516 du lundi 2 décembre 2019

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