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L'ouverture sur le Cameroun

RentrÃ?©e Scolaire : ClÃ?©s de rÃ?©ussite de lÃ?â??Ã?©cole au Cameroun

La rentrée de cette année met encore en évidence les sempiternelles questions qui agitent le milieu éducatif, parmi lesquels les difficultés à répondre de manière idoine à la demande, les conditions de travail et surtout, la finalité de la formation.La demande des infrastructures scolaires est alimentée par un flot ininterrompu de jeunes enfants que déverse une démographie particulièrement vigoureuse. Avec sa natalité de 2,6%, c??est 500.000 nouveaux enfants qui apparaissent chaque année et requièrent la construction de 10.000 nouvelles salles de classes et le recrutement

de 10.000 enseignants, ne serait-ce que pour maintenir la qualité de l??enseignement. Les données statistiques montrent environ 4 Millions d??élèves à l??enseignement primaire et 1,2 Million dans l??enseignement secondaire. En 1987, au moment où M. Paul Biya accédait au pouvoir, le nombre d??établissements publics était très limité. Yaoundé par exemple ne comptait que trois lycées, le Lycée Leclerc, le Lycée Bilingue et le Lycée technique. Dans les départements, les lycées étaient presque exclusivement l??apanage des chefs-lieux de départements. M. Paul Biya a multiplié les choses comme des petits pains, et, même si les moyens n??ont pas toujours suivi, on ne peut contester le maillage total du territoire en établissements scolaires, du moins dans les papiers. A la vérité, s??il y a quelque chose à mettre nettement au crédit de son régime, au-delà de sa « démocratie avancée », c??est bien le souci réel de fournir l??éducation à toute la population.
Malheureusement, le flot des enfants est si immense que l????tat a fini par accorder un rôle important au secteur privé. Car, il faut le dire, l????tat ne l??a pas fait de gaité de c??ur : dans les années 80, si l??enseignement privé laïc était assez florissant au niveau secondaire, le niveau primaire était essentiellement le fait de l????tat, mais surtout des églises confessionnelles que l????tat appuyait puissamment par des subventions. Mais de graves malentendus avaient éclaté entre l????glise catholique et l??ancien président de la République dont le caractère autoritaire s??accommodait assez mal de l??indépendance des confessions religieuses. Les caisses pleines d??argent de l????tat faisaient alors croire aux pouvoirs publics qu??on pouvait se passer des confessions, signant ainsi l??étiolement d??un ordre d??enseignement particulièrement efficace en termes de rapport qualité/prix.
La crise économique viendra mettre un frein à ces prétentions et obligera l????tat à assouplir considérablement les conditions de création des établissements scolaires. D??où une profusion de structures présentant des niveaux de qualité extrêmement inégale, où des immeubles rutilants de marbre côtoient des masures insalubres. ??videmment, l????tat est obligé de réagir sporadiquement pour ramener à la raison les cas les plus grotesques, mais à la vérité, le problème paraît insoluble. On peut même dire que si l????tat allait jusqu??au bout de sa logique, un grand nombre d??établissements publics entreraient dans le lot des interdictions, car dans maints villages, les écoles publiques laissent à désirer.
Il faut dire qu??un enseignement privé de qualité requiert des infrastructures lourdes et un personnel particulièrement onéreux.
L??activité ne peut être rentable que s??il existe un marché solvable suffisamment important. Or, de tels marchés solvables ne se retrouvent que dans certains quartiers des grandes villes. Les élèves que ne peut absorber le système public et dont les parents n??ont pas les moyens d??inscrire dans les établissements privés de bonne qualité constituent ainsi un marché attractif pour les francs tireurs qui peuvent ainsi le capturer dans leurs installations précaires.
Sortir de la trappe
Mais que faire ? Nous sommes ici devant ce qu??on appelle en économie une « trappe » : soit on tente d??améliorer la qualité des établissements scolaires, auquel cas on gonfle exagérément les frais de scolarité, éliminant ainsi les pauvres, soit on veut scolariser tout le monde, auquel cas on est obligé d??accepter ces établissements expédients. L??arbitrage reste difficile et la solution requiert une modification des perspectives.La première démarche consiste à rendre l??activité attractive, non seulement en réprimant les mauvais fondateurs, mais aussi en aidant ceux qui s??installent dans les zones pénalisées. Il s??agirait de créer un système de soutien fonctionnant sur la base d??une sorte de notation fondée sur la qualité des installations, du corps enseignant, de la zone d??implantation et du niveau de frais de scolarité. Pour cette notation, les établissements situés dans le quartier BASTOS seraient désavantagés par rapport à ceux des quartiers périphériques populaires. Ceux qui recrutent un personnel formé seraient avantagés par rapports à ceux qui prennent le tout-venant. L????tat prendrait alors en charge une partie des frais de scolarité en fonction de la note de chacun, créant ainsi des conditions d??attractivité pour des zones pauvres à des prix raisonnables.
Cette démarche ne serait pas, contrairement à ce qu??on peut croire, une distribution d??argent au secteur privé. De fait, c??est l????tat qui devrait s??en occuper, mais comme il ne peut pas le faire partout, il doit aider ceux qui veulent l??aider. Le gain économique obéit au principe dit d??opportunité : l????tat calcule ce que la formation d??un élève lui coûte dans son propre ordre d??enseignement ; lorsqu??il peut obtenir le même résultat par une subvention nettement plus faible, autant subventionner. La seconde démarche consiste à remettre les investissements publics aux Collectivités territoriales décentralisée, comme prévu dans la Constitution. Celle-ci a confié l??éducation de base aux Communes et l??enseignement secondaire aux Régions. Il est étonnant que l????tat continue à maintenir de manière masochiste la très chaude patate des établissements scolaires alors que le simple bon sens lui prescrit de s??en débarrasser au plus vite, et pour le profit de tous. Il faut en effet dire que les réalisations de l????tat coûtent très cher, en raison notamment de son mode de fonctionnement trop institutionnalisé : la construction d??une salle de classe qui vaut officiellement 8 Millions requiert une interminable procédure où s??empilent la conformité au DSCE, les arrimages aux stratégies sectorielles, des chaînes PPBS, des commissions centrales et sectorielles de passation de marchés, des contrôles, de suivi-évaluation, des séances de réception, des sorties de cartons.
Toutes opérations coûteuses et parfaitement inutiles qui entretiennent une bureaucratie oisive et parasitaire, aggravant la porosité du système. Or, une Commune disposant des mêmes moyens ferait des meilleurs choix, serait mieux contrôlée par ses propres habitants et surtout, pourrait faire appel à des contributions communautaires : extraction du sable, main-d????uvre, etc. Une somme de 8 Millions permettrait ainsi la construction de 3 à 4 salles de classe. ??videmment, on pourrait arguer des faiblesses opérationnelles des mairies, mais outre que le transfert des moyens s??accompagnerait également du transfert des expertises, ceux-là mêmes qui contestent les capacités des mairies n??ont prouvé nulle part qu??ils faisaient mieux.
Connivence entre le système productif et le système académique
Le second point sur lequel porte le débat sur l??éducation est son intérêt par rapport au secteur productif. Sans revenir sur les interminables débats sur l??adéquation entre le système éducatif et le système productif, on peut cependant noter que les systèmes éducatifs ont tendance à être universels puisque basés sur la même science et la même technologie. Certes, ils diffèrent dans des approches et peuvent être fortement teintés de particularités culturelles, mais il est évident qu??un bachelier camerounais a appris grosso modo les mêmes choses que son niveau équivalent dans le monde entier. Un médecin sorti de notre CUSS, un journaliste sorti de notre ESSTIC, un ingénieur sorti de notre Polytechnique ou un Commissaire sorti de notre ??cole de Police, tous ces cadres disposent des mêmes aptitudes que leurs analogues du monde entier et peuvent fournir des performances identiques quel que soit le pays où on les amène. Et ils le font d??ailleurs.
Même si notre système éducatif présente des carences, essentiellement liées à des problèmes de moyens, le problème de l??efficacité de nos cadres ne relève pas à proprement parler du système éducatif. Il faut plutôt le voir comme intrinsèque au système productif lui-même. Du fait de notre mauvaise insertion dans l??économie internationale, le Cameroun n??est pas capable de développer certains segments productifs, notamment le secteur secondaire. Les ingénieurs camerounais sont capables de produire des ordinateurs, mais au regard d??un environnement concurrentiel complètement dégradé par la brocante européenne et la pacotille chinoise, de tels ordinateurs ne seraient pas viables et une telle industrie ne pourrait pas prospérer. Cette impossibilité de développer un secteur secondaire autonome empêche ainsi nos ingénieurs d??être opérationnels et les oblige à se recycler à l??enseignement, à l??administration ou à émigrer.
Ainsi, alors que le Cameroun actuel dispose incontestablement d??une population plus grande et d??un nombre plus élevé d??ingénieurs que la Grande Bretagne des années 50, il n??arrive pas à produire, ni les véhicules d??aujourd??hui, ni ceux de 1975, ni ceux de 1950, ni même ceux de 1900, au début de cette industrie. On peut en dire autant des téléviseurs ou des avions, voire de l??outillage que les anciens camerounais fabriquaient autrefois ! Même si, de toute évidence, n??importe quelle locomotive des années 60, n??importe quelle charrue des années 50 pourrait lui être utile compte tenu de ses immenses besoins, le pays restera indéfiniment à la remorque des autres, confiné à des aspects tout à fait périphériques de la technologie tels que l??utilisation des machines importées ou des opérations de maintenance. C??est cette impossibilité du Cameroun à produire les biens actuels, les biens dépassés à technologie plus fruste et les produits artisanaux dont il était auparavant capable qui constitue spécifiquement la technoparalysie. Quand un pays est frappé de technoparalysie, ses cadres techniques ne présentent plus aucune utilité fonctionnelle. Par exemple, lors de la mise en place du pipeline, un grand nombre de Camerounais s??est plaint de l??absence des chaudronniers. Mais à supposer qu??il en existait, comment allaient-ils vivre avant le pipeline et comment vivraient-ils maintenant que les travaux du pipeline sont achevés ? A la vérité, il existe une causalité circulaire entre le système éducatif et le système productif. Un système productif bloqué comme le nôtre n??offre pas des occasions à ses techniciens de s??exprimer et décourage la formation technique. En outre, il ne fournit pas les moyens suffisants pour entretenir un système éducatif efficace. Pour avoir un capital technique important et bien formé, il faut impérativement offrir aux jeunes diplômés des emplois décents qui, à leur tour, les rendent plus aptes à l??exercice pour l??intérêt du système productif. Du moins, entretenir le sentiment que la formation est utile, non pas dans les discours, mais dans les faits. Si l??ENAM attire les Camerounais et si les Grandes ??coles techniques ne les attirent plus, c??est simplement parce que les diplômés de l??ENAM disposent d??une bourse d??études, sont nommés et vivent bien, alors que les Ingénieurs sont souvent obligés de se recycler précipitamment à l????cole Normale pour avoir un matricule.
Il en découle que le problème posé sur les finalités de l????ducation au Cameroun ne relève pas, malgré les apparences, du système éducatif, mais de la Macroéconomie. Et c??est à l??analyse économique de trouver des solutions pour éliminer la technoparalysie du système productif et donner aux ingénieurs camerounais la possibilité d??exercer leurs talents, comme ils le font dans les pays étrangers.

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