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L'ouverture sur le Cameroun

Plaidoyer d’Albert LĂ©opold Ebene pour la libĂ©ration du terroriste Ayaba Cho au Cameroun

Albert LĂ©opold Ebene

Dans un acte aussi controversĂ© que provocateur, l’ancien commissaire de police Albert LĂ©opold Ebene vient d’adresser un plaidoyer sans Ă©quivoque au Premier ministre norvĂ©gien Jonas Gahr Støre. Ce document, obtenu en exclusivitĂ© par notre rĂ©daction, demande la libĂ©ration immĂ©diate d’Ayaba Cho, leader sĂ©paratiste considĂ©rĂ© comme terroriste par les autoritĂ©s camerounaises, dĂ©tenu en Norvège depuis le 25 septembre 2024 sous des accusations d’incitation au crime contre l’humanitĂ©.

Le plaidoyer d’Ebene : Un cri d’alarme pour la cause anglophone

« Face aux injustices et aux humiliations, aux traumatismes causĂ©s par les sĂ©vices subis sous une dictature cruelle de 43 ans, il est inĂ©vitable que les enfants dociles de la RĂ©publique se transforment en rebelles. » C’est par ces mots percutants qu’Albert LĂ©opold Ebene, rĂ©fugiĂ© politique camerounais en France et ancien commissaire aux Renseignements GĂ©nĂ©raux, ouvre son plaidoyer en faveur d’Ayaba Cho.

Dans cette lettre datĂ©e du 24 fĂ©vrier 2025, dont 237online.com a obtenu copie, Ebene prĂ©sente Ayaba Cho non pas comme un terroriste, mais comme « une victime » d’un système rĂ©pressif. « Fils du Cameroun anglophone, il fait partie des millions de jeunes compatriotes qui ont fui la misère et, pour beaucoup, la rĂ©pression d’un rĂ©gime autoritaire et sanguinaire« , Ă©crit-il, dressant le portrait d’un homme contraint Ă  l’exil « afin d’Ă©chapper Ă  un pouvoir oppressif qui confisque les richesses du Cameroun et prive la jeunesse de toute opportunitĂ©. »

Ce plaidoyer intervient alors que la dĂ©tention d’Ayaba Cho, citoyen allemand d’origine camerounaise, se prolonge depuis près de cinq mois sur le sol norvĂ©gien. Pour les dĂ©fenseurs de la cause anglophone que nous avons contactĂ©s, cette arrestation reprĂ©sente un dangereux prĂ©cĂ©dent qui pourrait fragiliser davantage les efforts de mĂ©diation dans la crise qui dĂ©chire les rĂ©gions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest depuis 2016. Selon les donnĂ©es recueillies, ce conflit aurait dĂ©jĂ  causĂ© la mort de plus de 6000 personnes et le dĂ©placement de près d’un million d’autres.

Les accusations d’Ebene contre le rĂ©gime Biya dans son plaidoyer

L’ancien commissaire de police ne mâche pas ses mots dans sa lettre au Premier ministre norvĂ©gien. Il y dresse un rĂ©quisitoire sans concession contre le pouvoir de YaoundĂ©, qu’il accuse explicitement d’avoir orchestrĂ© l’arrestation d’Ayaba Cho Ă  travers ses rĂ©seaux internationaux.

« C’est dans cette mĂŞme lancĂ©e que le pouvoir de YaoundĂ© en dĂ©placement Ă  Paris, a intensifiĂ© ses pressions internationales via ses amis et rĂ©seaux afin de neutraliser ses opposants, parmi lesquels figure M. Ayaba Cho », affirme Ebene, faisant rĂ©fĂ©rence Ă  la visite officielle de Paul Biya en France Ă  l’occasion des Jeux Olympiques de juillet 2024.

Plus troublant encore, le plaidoyer d’Ebene rĂ©vèle que cette visite aurait servi de paravent Ă  des nĂ©gociations moins avouables : « il en a profitĂ© non seulement pour solliciter le soutien massif de ses amis françafricains au dauphin, mais aussi et surtout sa candidature Ă  un Ă©nième mandat aux fins de parachever le grĂ© Ă  grĂ©, ceci contre la promesse des contrats mirobolants sur les gisements pĂ©troliers et gaziers de Yolanda et Yoyo nouvellement dĂ©couverts Ă  la frontière Cameroun-GuinĂ©e Equatoriale. »

Ces allĂ©gations, si elles Ă©taient confirmĂ©es, viendraient corroborer les craintes exprimĂ©es par de nombreux observateurs quant Ă  la volontĂ© du prĂ©sident camerounais, au pouvoir depuis 1982, de briguer un nouveau mandat ou d’organiser sa succession dans un cadre verrouillĂ©.

« Le plaidoyer d’Ebene est d’autant plus controversĂ© qu’il Ă©mane d’un ancien haut fonctionnaire qui connaĂ®t les rouages du système », nous confie un analyste politique basĂ© Ă  YaoundĂ©, qui prĂ©fère garder l’anonymat. « DĂ©fendre un homme que beaucoup considèrent comme responsable d’actes terroristes soulève des questions Ă©thiques importantes, mĂŞme si les critiques contre le rĂ©gime peuvent par ailleurs ĂŞtre fondĂ©es. »

Un Cameroun « en ruine » selon le plaidoyer : Le contexte d’une crise profonde

Le plaidoyer d’Albert LĂ©opold Ebene ne se limite pas au cas d’Ayaba Cho. Il dresse Ă©galement un tableau apocalyptique de la situation actuelle du Cameroun, qualifiĂ© sans dĂ©tour de « pays en ruine » et mĂŞme de « pandĂ©monium » (capitale de l’enfer).

L’ancien commissaire y dĂ©taille une sĂ©rie de revers Ă©conomiques et diplomatiques qui tĂ©moigneraient, selon lui, de l’isolement croissant du rĂ©gime sur la scène internationale :

  • « La Chine et ses investisseurs se sont retirĂ©s en raison de l’instabilitĂ© et des pratiques de racket »
  • « Les États-Unis ont suspendu leur aide bilatĂ©rale »
  • « Les institutions financières internationales (Banque mondiale, FMI, etc.) refusent dĂ©sormais d’accorder des crĂ©dits Ă  un État en faillite »

Face à cette situation, le gouvernement aurait recours à des mesures désespérées, comme « augmenter les taxes et impôts, étranglant davantage une population déjà éprouvée » ou contraindre « les entreprises privées, comme Orange et MTN Cameroun » à « financer les salaires des fonctionnaires ».

Cette description corrobore les récentes analyses économiques publiées par plusieurs organisations internationales. Un rapport de la Banque Mondiale daté de janvier 2025, que notre rédaction a pu consulter, évoque effectivement une « détérioration préoccupante des indicateurs macro-économiques » et une « crise de confiance des investisseurs » au Cameroun.

Sur le plan des droits humains, le plaidoyer d’Ebene est tout aussi alarmant, dĂ©crivant « un État maffieux oĂą les exĂ©cutions sommaires des journalistes, des personnalitĂ©s contestatrices sont opĂ©rĂ©es de mains de maitres par les agents de services de SĂ©curitĂ©. » Il dĂ©nonce Ă©galement « l’instrumentalisation du tribalisme par les officines de l’Etat aux fins de masquer le bilan anorexique et crĂ©er la diversion » qui « nourrit davantage les haines tribales ».

« C’est un secret de polichinelle que de dire du Cameroun qu’il a cessĂ© d’ĂŞtre un pays de droit depuis belles lurettes », Ă©crit-il avec amertume, pointant du doigt un système judiciaire aux ordres oĂą mĂŞme « les dĂ©cisions prises par les hautes juridictions » seraient foulĂ©es « au pied« .

Pour les spécialistes de la région que nous avons consultés, ces accusations, bien que formulées par un opposant au régime, rejoignent les préoccupations exprimées par de nombreuses organisations de défense des droits humains ces dernières années.

« Le plaidoyer d’Ebene pour Ayaba Cho s’inscrit dans un contexte plus large de dĂ©litement de l’État de droit au Cameroun », analyse un chercheur de l’UniversitĂ© de YaoundĂ© I, qui requiert l’anonymat. « Toutefois, dĂ©fendre un homme accusĂ© d’actes terroristes complique considĂ©rablement la rĂ©ception de ce message, quelle que soit sa pertinence par ailleurs. »

Dans sa conclusion, l’ancien commissaire est sans Ă©quivoque : « Le dĂ©part de Paul Biya est donc la seule garantie d’un renouveau politique et d’une paix durable. » Il exhorte les autoritĂ©s norvĂ©giennes Ă  « recueillir toutes les informations utiles sur le Cameroun et ses dirigeants actuels », affirmant que ces informations permettront « indubitablement » d’identifier Ayaba Cho « d’abord comme une victime ».

Ce plaidoyer, adressĂ© Ă©galement en copie Ă  plusieurs instances internationales dont le « Doyen du corps diplomatique au Cameroun », les « Chefs des missions diplomatiques » ou encore la « Banque mondiale » et le « Fond MonĂ©taire International« , tĂ©moigne d’une volontĂ© d’internationaliser davantage la crise camerounaise.

Pour de nombreux observateurs, l’arrestation d’Ayaba Cho et le plaidoyer d’Ebene pourraient marquer un tournant dans la perception internationale du conflit anglophone, longtemps relĂ©guĂ© au second plan de l’actualitĂ© mondiale malgrĂ© son bilan humain considĂ©rable.

« Ce qui se joue ici, c’est la capacitĂ© de la communautĂ© internationale Ă  distinguer entre lutte lĂ©gitime et mĂ©thodes terroristes », nous confie un diplomate occidental en poste dans la sous-rĂ©gion. « Le plaidoyer d’Ebene pose la question cruciale des limites de la rĂ©sistance face Ă  un pouvoir autoritaire, mais dĂ©fendre un homme accusĂ© d’incitation Ă  la violence risque de dĂ©crĂ©dibiliser son message. »

En attendant une Ă©ventuelle rĂ©action des autoritĂ©s norvĂ©giennes Ă  ce plaidoyer, le sort d’Ayaba Cho reste incertain. Tout comme celui des milliers de Camerounais emprisonnĂ©s pour leurs opinions politiques ou leur appartenance aux rĂ©gions anglophones. Son cas vient rappeler, s’il en Ă©tait besoin, l’urgence d’une solution politique inclusive Ă  une crise qui a dĂ©jĂ  fait trop de victimes.

Par Laurent Diby pour 237online.com

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