Le Redhac, une Ong africaine, dénonce les méthodes utilisées par les forces de défense camerounaises pour extorquer des informations.[pagebreak]Vendredi 13 mars dernier, Issa Tchiroma Bakary, ministre de la Communication (Mincom) convoquait un point de presse dans les locaux de son ministère, à Yaoundé. Les nombreux hommes de médias présents à cette rencontre ont pris connaissance de l’ordre du jour après trois heures d’attente. Pour Issa Tchiroma, il était essentiellement question de démentir l’opinion publique nationale et internationale sur « les allégations de torture et d’exécution sommaire proférées par l’Organisation non gouvernementale (Ong) dénommée Réseau des défenseurs des droits humains en Afrique centrale (Redhac), à l’encontre des forces de défense et de sécurité camerounaises dans le cadre de la lutte contre Boko haram.» En effet, dans un communiqué rendu public le 15 janvier dernier, cette Ong dont le siège est à Douala, « s’inquiète de la dégradation de la situation des droits de l’homme dans la région de l’Extrême –nord du Cameroun, suite aux attaques des éléments de la secte Boko Haram depuis le mois de février 2013 ». Dans sa lettre adressée au gouvernement camerounais ainsi qu’au Conseil des droits de l’Homme des nations unies, le Redhac dénonce la torture par asphyxie d’une cinquantaine de personnes dans la partie septentrionale du pays. Ce réseau dénonce nommément M. Ze Onguene, commandant de la légion de gendarmerie de l’Extrême-Nord « qui, de source digne de foi, intime ses éléments à utiliser toutes sortes de méthodes pour extorquer les informations ». Asphyxie La déclaration du Redhac mentionne : « par exemple, lors des bouclages des villages Magdema et Guidivig par ses éléments, plusieurs personnes auraient été arrêtées et conduites à la légion de gendarmerie de l’Extrême-Nord. Parmi les personnes arrêtées, une cinquantaine de personnes s’est retrouvée morte asphyxiée dans les cellules de ladite légion et ensuite enterrée dans une fosse commune en brousse selon les sources dignes de foi.» Autant d’accusations auxquelles le gouvernement camerounais réagit deux mois après qu’elles ont été proférées. Portant la voix de l’État camerounais, Issa Tchiroma relate que dans la nuit du 26 au 27 décembre 2014, afin de parer à une attaque planifiée des membres de Boko Haram, une opération de ratissage a été organisée dans les villages de Magdeme et de Doublé. Ce bouclage a permis de procéder à l’interpellation de 70 suspects qui ont été transférés à la légion de gendarmerie de Maroua pour des besoins d’enquête approfondie. Le Mincom assure que « 14 des personnes interpellées ont été conduites dans les cellules de la brigade territoriale de Maroua alors que les autres, soit 56, ont été gardées à vue dans un local aménagé pour la circonstance à la légion de gendarmerie. Ce, en raison du fait que toutes les cellules ainsi que les locaux de la prison centrale de Maroua étaient saturés. ». Le Mincom informe qu’au lendemain de cette arrestation, en ouvrant le local où étaient enfermés les 56 suspects du lot, l’on a constaté que « 25 de ces 56 suspects avaient perdu la vie ». Issa Tchiroma insiste pour dire que des autopsies ont été effectuées sur les corps avant l’ordre d’inhumation. Le Mincom martèle par ailleurs que « deux officiers supérieurs des services centraux de gendarmeries dont un magistrat, ont été dépêchés sur le terrain pour mener des investigations approfondies et faire la lumière sur cette situation ». Dans sa longue communication, Issa Tchiroma n’a pas caché son aversion pour l’Ong Redhac qui, d’après lui, a pour but manifeste « de jeter l’opprobre sur nos vaillantes forces de défense et de sécurité et sur notre pays, de façon à priver le Cameroun du soutien de la communauté internationale dans la guerre salutaire qu’il mène contre les hordes barbares de Boko Haram. » Vendredi dernier, le Mincom déclarait : « je peux toutefois, d’ores et déjà affirmer qu’en l’état actuel des investigations, aucun élément n’a permis de confirmer que ces personnes avaient été tuées de façon délibérée ». Mettant de l’eau dans son vin, il disait hier sur les antennes de Radio France internationale (Rfi) que « si jamais c’est arrivé, c’est déplorable ». Le Redhac existe depuis 2007 et couvre 8 pays d’Afrique centrale dont le Cameroun, le Tchad et le Gabon.
Monique Ngo Mayag