Lutte contre Boko Haram: Que peut le Tchad pour le Cameroun?

La proposition d’aide du président Idriss Deby pourrait se concretiser par la mise en place d’un Etat-major commun, un appui aérien le cas échéant et une meilleure sécurisation du Lac Tchad.[pagebreak]La venue de soldats tchadiens en territoire camerounais n’est pas à l’ordre du jour. Pour l’instant, le Cameroun envisage autrement la proposition d’aide faite par le Tchad contre Boko Haram. Toujours est-il qu’il faut encore concrétiser la main tendue du président Idriss Déby Itno qui recevait ce 14 janvier 2015 le ministre camerounais de la Défense, Edgard Alain Mebe Ngo’o, envoyé par le président Paul Biya.
Des pistes de coopération sont étudiées, indique une source au sein du commandement militaire dans l’Extrême-Nord. « Le Tchad et le Cameroun mettront probablement en place un état-major commun qui sera basé dans la ville camerounaise de Maroua et sera commandé par un officier camerounais », confie la source. Elle explique que Camerounais et Tchadiens travailleront ensemble au sein de l’état-major, notamment dans le domaine du renseignement.
De cette alliance, il est attendu que le Tchad sécurise davantage les alentours du lac Tchad, du moins la partie qu’il lui revient de contrôler. Si les soldats tchadiens se battront chez eux, le Cameroun a admis le principe d’une intervention de l’aviation tchadienne le cas échéant. Celle-ci est réputée bien fournie en aéronefs et en pilotes de chasse. « Il n’est pas exclu que des avions tchadiens viennent à notre soutien pour des opérations spécifiques », précise un officier camerounais.

Financements
L’une des questions qui se posent à tout appui logistique et humain est bien celle de la facture à payer. Il est peu probable que le Tchad supporte quelques frais que ce soit s’il doit envoyer de l’aide au Cameroun. Le pays d’Idriss Déby Itno n’en a pas ncore fini avec ses soucis budgétaires, lui qui doit en même temps veiller sur ses frontières avec la République centrafricaine et celles avec le Soudan où des groupes rebelles continuent de mettre la pression sur le régime de N’Djamena. La note de la guerre risque donc de s’alourdir pour le Cameroun qui, chaque jour, doit débourser 50 millions F.Cfa pour la nutrition des troupes.
Une fois négociés les enjeux de souveraineté nationale, l’aide tchadienne ne saurait être malvenue, surtout que l’engagement a été fait officiellement et en toute solennité, communiqué à l’appui. « Le gouvernement tchadien exprime sa solidarité avec le Cameroun et est disposé à lui apporter un soutien actif dans la riposte courageuse et déterminée de ses forces armées aux actes criminels et terroristes de Boko Haram », a déclaré le porte-parole du gouvernement tchadien, Hassan Sylla.

Riposte tchadienne
Cette proposition sonne comme une réponse à l’appel lancé par le président du Cameroun le 8 janvier lorsqu’il recevait les vœux de nouvel an du corps diplomatique accrédité à Yaoundé. Paul Biya appelait à une mobilisation des pays voisins, de la communauté africaine et de la communauté internationale pour combattre Boko Haram. Quelques jours plus tôt, une vidéo avait été publiée sur Internet, vidéo dans laquelle le chef de la secte terroriste, Aboubacar Shekau, menace le Cameroun et son président. A la suite de quoi, Boko Haram a attaqué une position de l’armée camerounaise
dans la ville de Kolofata. Ce 12 janvier, c’était le symbole même d’une guerre d’usure, puisque c’est ici que le 27 juillet 2013, les assaillants avaient tué et enlevé des otages, dont l’épouse du vice-Premier ministre, Amadou Ali, et le lamido local.
La proposition tchadienne arrive aussi alors que ce pays voisin est plus que jamais exposé aux attaques de Boko Haram.
En effet, les terroristes sont carrément aux portes du Tchad et du Cameroun depuis qu’ils ont pris le contrôle de la localité nigériane de Baga. C’était le 3 janvier et ils avaient délogé une base militaire multinationale qui devait accueillir une force fournie par le Nigéria, le Cameroun, le Tchad et le Niger. Au lendemain de ce coup de force, le Tchad a renforcé la surveillance de ses frontières.
La proposition d’aide d’Idriss Deby au Cameroun traduit bien sa volonté de protéger son territoire. « Face à cette situation qui menace dangereusement la sécurité et la stabilité du Tchad et porte atteinte à ses intérêts vitaux, le gouvernement tchadien ne saurait rester les bras croisés », lit-on dans le communiqué de la présidence. Et le texte se poursuit par cette autre déclaration : « Le Tchad appelle, en outre, tous les Etats de la sous-région – en particulier les Etats membres de la CEEAC (Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale) – à soutenir les Camerounais en vue de faire échec aux incursions déstabilisantes de cette secte ». Peut être la guerre va-t-elle cesser d’être celle du Cameroun, seul
contre Boko Haram. En tout cas, la proposition d’aide du Tchad reste à se matérialiser.
Pour l’instant, il ne s’agit, ni plus ni moins, qu’une proposition d’aide. Les déclarations de bonnes intentions, il y en a déjà eu depuis le début de cette guerre qui se veut longue.

Assongmo Necdem

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