Pour réduire les délestages, le secteur électrique a besoin de 3700 milliards de francs CFA.
Un besoin en financement de 3700 milliards de francs CFA sur les dix prochaines. Dont 2500 à investir par les producteurs indépendants pour augmenter les capacités installées, 700 pour améliorer le transport de l’énergie. Le tout devant venir compléter les 477 milliards annoncés par Eneo et prioritairement consacrés à la modernisation du réseau de distribution. Objectif : A l’horizon 2025, nous pourrons envisager un taux de desserte de l’ordre de 75% avec une réduction de plus de 85% des interruptions de fourniture d’électricité, a projeté Joël Nana Kontchou, le Directeur Général d’Eneo face aux membres du GICAM ( Groupement Inter patronal du Cameroun) et dans le cadre de l’acte 4 de l’université de la même institution. Et de conclure « En se mobilisant tous, nous passerons du détestable délestage à un statut d’exportateur d’électricité en Afrique centrale.
Eneo est résolument engagée à faire sa part : Les autres acteurs doivent prendre leur part de responsabilité. »
237online.com vous propose l’intégralité de ce discours qui décrit un secteur en pleine réforme, pose le diagnostic et indique la distribution de rôles entre acteurs d’un secteur de moins en moins monopolistique.
Communication du Directeur Général D’ENEO Cameroon S.A. à la 4è assise de l’université du GICAM sur le thème: « L’Entreprise Offensive » DOUALA 26 juin 2015
C’est pour moi un grand honneur et un réel plaisir, de participer à cette université du GICAM sur le thème « L’Entreprise Offensive ».
Je voudrais à ce stade de mon intervention, vous remercier du fond du cœur, M. le Président du GICAM, pour cette invitation et à travers vous, saluer tous les membres de notre auguste institution, pour l’honneur que vous me faites.
Je voudrais aussi souhaiter la bienvenue à l’ensemble des personnalités et Experts ici présents, venus prendre une part active à cet important rendez-vous du partage.
A vous mesdames et messieurs chers invités, je suppose que vous travaillez dans le secteur de l’énergie électrique en Afrique, ou alors que la vie du secteur vous intéresse et vous passionne.
Pour ceux d’entre vous qui auraient un gout prononcé pour des activités risquées
pour ceux d’entre vous qui éprouveraient du plaisir à être au Top des dirigeants les plus critiqués
pour ceux d’entre vous qui accepteraient d’être jugés, évalués chaque jour par 22 millions de personnes, spécialistes reconnus ou experts autoproclamés
Je vous annonce que vous êtes tout à fait qualifié pour le poste de Directeur Général d’Eneo Cameroun
Par ailleurs, si vous avez la conviction que l’Afrique doit prendre son destin en main
Si vous voulez vraiment œuvrer pour l’accès du plus grand nombre à l’énergie électrique en Afrique
Si pour vous, malgré l’ampleur de la tâche et la complexité de l’environnement…il faut toujours donner le meilleur de soi et ne jamais baisser les bras
Alors, je vous invite également à accepter le passionnant poste de Directeur Général d’Eneo Cameroon, si on vous le propose. Pas tout de suite évidemment car je suis encore là !
Mon intervention sera axée sur « Le Cameroun face au défi de l’accès à l’énergie électrique ». Accès à une énergie fiable et de qualité, accès pour tous les ménages – dans les villes et les campagnes, accès pour les industries – des PME aux industries lourdes.
Distingués invités,
Mesdames et messieurs,
Malgré ses ressources considérables en énergie primaire, notamment, hydroélectrique, solaire, biomasse, pétrolière et éolienne, le Cameroun reste assez mal nanti en énergie électrique.
A titre de rappel, notre pays possède le deuxième plus grand potentiel hydroélectrique de l’Afrique centrale, estimé notamment à environ 20 GW.
Le paradoxe ainsi relevé s’illustre également par un taux d’électrification qui ne dépasse pas 50%, alors qu’il atteint 90% en Afrique du Nord.
De même, la consommation annuelle d’énergie électrique par habitant est environ de 165 kWh alors qu’elle s’élève à plus de 1650 kWh en Afrique Australe.
Ce taux d’électrification est encore plus flagrant quand on passe des villes aux campagnes.
Aujourd’hui, l’électricité fournie est peu fiable et les interruptions régulières.
Face à ce défi, que peut faire Eneo ? Que devraient faire les autres acteurs ? (Gouvernement, régulateurs, bailleurs de fonds, investisseurs et populations)
Commençons par ENEO Cameroon : notre plan d’action vise essentiellement à :
1. Contribuer à accélérer la mise en œuvre de la réforme institutionnelle du secteur de l’électricité
2. Faciliter l’accès à l’électricité au plus grand nombre tout en contribuant à l’équilibre entre l’offre et la demande
3. Améliorer la qualité de service et les performances opérationnelles à travers l’exécution d’un programme d’investissement agressif
4. Bâtir une entreprise modèle tant sur le plan technique que sur celui de la responsabilité sociétale grâce à une stratégie des ressources humaines ambitieuse.
5. Proposer des actions pour une meilleure maitrise de l’évolution des tarifs
I. La contribution d’Eneo à la mise en œuvre de la réforme institutionnelle du secteur :
La réforme majeure du secteur a commencé avec la loi No 98/022 du 24 décembre 1998 régissant le secteur de l’électricité. Cette loi a été complétée par un décret d’application du 30 juin 2000
Cette réforme avait plusieurs objectifs :
Libéraliser et moderniser le secteur
Inciter à l’arrivée de producteurs indépendants.
Améliorer la qualité du service
Accroître la desserte (il y avait environ 450 000 abonnés en 2001 contre 976000 aujourd’hui)
Attirer les investissements privés dans le secteur.
La loi de 2011 tout en conservant les mêmes objectifs a ajouté deux éléments majeurs qui sont :
La production d’électricité par des acteurs industriels ;
La promotion des énergies renouvelables.
Dans ce cadre, un fait majeur interviendra cette année :
le transfert à l’Etat des barrages réservoirs et des ouvrages du réseau de transport. Notre principal souci à Eneo sera de limiter les risques de rupture de fourniture d’électricité pendant le processus.
Pour les barrages réservoirs, le transfert devrait s’effectuer au troisième trimestre 2015
L’arrivée des producteurs indépendants sur le marché nécessite la création d’une entité indépendante pour gérer le transport et les flux d’énergie. Le Cameroun a choisi l’accès des tiers au réseau comme modèle d’organisation de notre secteur. L’accès des tiers au réseau qui est un principe de régulation des réseaux consistant en la garantie à un accès équitable et transparent au réseau pour les producteurs et les grands comptes (distributeurs, consommateurs ayant au moins un MW de puissance souscrite).
Une feuille de route a été élaborée par le Gouvernement avec l’appui de la Banque Mondiale pour apporter des solutions appropriées aux problèmes techniques et organisationnels. Ce processus mérite d’être accompagné d’une régulation attentive et efficiente pour éviter de créer d’autres types de discriminations.
Dans ce processus, Eneo a pour objectif d’assurer une transition efficace en vue d’un transfert harmonieux et maîtrisé des activités tel que:
L’exploitation et la maintenance de l’infrastructure de transport
La gestion des mouvements d’énergie
La planification du système production/transport
Le stockage et la gestion de l’eau
Une fois ces reformes implémentées, le marché de l’électricité sera plus fluide et nous espérons que beaucoup d’investisseurs choisiront le chemin du Cameroun.
II. La facilitation de l’accès à l’électricité au plus grand nombre
Le développement des énergies renouvelables et le progrès technologique offrent de nouvelles possibilités pour l’électrification rurale.
En particulier, la mise en place de solutions de production hybrides et le développement progressif de mini-réseaux locaux pourrait s’avérer plus adaptée aux contraintes économiques et sociodémographiques locales. C’est avec cet objectif que ENEO a créé en sein une unité en charge des énergies renouvelables et a mis en place une politique de décentralisation qui lui permet d’être plus présent dans la vie des populations.
Le système électrique au Cameroun fonctionne sans une réserve de puissance suffisante. Par conséquent, l’indisponibilité de tout ou partie d’une usine de production provoque un déséquilibre offre/demande et se traduit très souvent par une non fourniture de l’énergie électrique.
L’absence de réserve est préjudiciable au bon fonctionnement de notre système électrique.
Par conséquent, Eneo ayant pratiquement atteint la franchise de production accordée dans le cadre de sa concession, il devient urgent de renforcer la production par la mise en service de nouveaux ouvrages, la réhabilitation de certains ouvrages existants, l’achat d’énergie auprès de producteurs indépendants et éventuellement la location d’équipements pour faire face aux situations d’urgence.
Dans ce contexte, Eneo est tenue de rechercher les solutions les plus économiques, en procédant à des appels d’offres de capacité, auprès de producteurs indépendants.
L’énergie produite ou achetée pèse aujourd’hui environ 70 % dans le prix de vente de l’électricité. On peut envisager de fixer le coût d’achat de l’énergie en respectant le « principe du moindre coût », autrement dit, en étant tenu d’acheter l’électricité au plus bas coût proposé.
En même temps, ENEO se doit de renforcer les capacités de ses ouvrages pour prolonger leur durée de vie et assurer une exploitation à plein régime. Quelques pistes d’action sont en cours :
Le programme complet de réhabilitation du barrage de Song Loulou évalué à 72 milliards de francs CFA a vocation à prolonger sa durée de vie de 50 ans.
L’achat d’énergie auprès des projets de barrages de Mekin, de Me’mvelé et de Nachtigal, ainsi qu’auprès de l’extension de la Centrale à gaz de Kribi,
Les apports du barrage de retenue de Lom Pangar qui devraient accroître le productible à Edéa et à Songloulou
Un programme solaire à développer au Nord et Est du pays
III. La qualité du service et l’investissement dans les réseaux
Eneo investira environ 477 milliards sur les 10 prochaines années. Environ 65% de cette somme sera consacré aux réseaux et au service commercial. Avec l’ambition de plus que doubler le nombre d’abonnés en 10 ans pour dépasser la barre de 2.000.000 de clients en 2024. Nous visons aussi de :
Réduire de 70% sur 5 ans la durée moyenne annuelle de la non fourniture d’énergie au client de 105 à 35h
Remplacer ou réparer 400.000 poteaux bois au cours des 5 prochaines années
Créer de 4 à 5000 nouveaux postes de distribution basse tension dans le cadre de la lutte contre les baisses de tension et de réduction des pertes techniques
Assouplir fortement les modalités de branchements et de paiement de nos prestations
Multiplier les moyens de Paiement électroniques afin de réduire les files d’attente dans les agences commerciales
Instaurer un système de télé-lecture des compteurs
IV. Stratégie des ressources humaines
Deux axes: la diversité et le rajeunissement
Diversité dans le genre : avec une plus large place accordée aux femmes dans le management de compagnie : en neuf mois nous sommes passés de 3 cadres dirigeants femmes à 11
Rajeunissement du Management : nous sommes passés en 9 mois de 13 à 20 cadres dirigeants de moins de 50 ans
Rajeunissement de la main d’œuvre opérationnelle: Nous avons également embauché en 9 mois, plus de 300 jeunes camerounais ingénieurs et techniciens dont l’âge moyen tourne autour de 28 ans contre une moyenne de l’entreprise qui stagne à 44 ans.
Cinq piliers :
Bonne gouvernance : avec la création des sous-comités de travail qui assistent le Conseil d’Administration et la mise sur pied du nouveau code d’éthique et des affaires de la société qui est le socle de notre engagement à agir conformément aux standards éthiques les plus élevés
Equité et méritocratie
Promotions des carrières techniques
Responsabilisation et formation en management
Implication plus importante des salariés dans la vie de l’entreprise. ENEO permet à ses employés d’acquérir 5% d’actions de la société.
V. Proposition des actions pour la maîtrise de l’évolution des tarifs d’électricité
Les tarifs sont déduits de la structure des revenus autorisés d’Eneo. Pour la période 2015-2024, l’analyse de cette structure des revenus montre que ses principales composantes sont :
Le coût d’achat de l’énergie (37 %)
Les charges fixes d’exploitation (27 %)
Les charges de combustible, environ 12 %
Les amortissements et la rémunération sur la base tarifaire, environ 24 %.
Les facteurs sur lesquels il est possible d’agir facilement pour stabiliser le prix du kWh en termes réels sur 10 ans sont notamment:
La facturation de l’énergie des ouvrages de Me’mvelé et Mekin au kWh avec un taux de rémunération du capital réduit;
La réduction du taux d’imposition des bénéfices de toutes les entreprises du secteur.
Et maintenant que peuvent faire les autres acteurs:
Gouvernement-législateur :
Implémenter la réforme du secteur de l’électricité
Mettre en place un cadre institutionnel attractif et incitatif pour les investisseurs
Planifier le secteur avec le souci de la solution à moindre coût
Définir une politique tarifaire appropriée
Mettre en place un cadre permanent de concertation entre les différents acteurs de l’industrie
Poursuivre les investissements dans les grosses infrastructures dans le cadre d’un partenariat public privé
Régulateur
Veiller à l’équilibre financier du secteur
Veiller à la stricte application des dispositions contractuelles (obligations et droits)
Veiller à l’accès libre et concurrentiel au réseau
Protéger les intérêts des consommateurs
Investisseurs privés
S’engager pour le développement du secteur et exécuter les projets dans les délais prévus
Soutenir des projets de production locale qui ont souvent un impact direct plus élevé sur les populations ciblées, dans les zones rurales reculées
Parier sur le long terme
Bâtir les entreprises citoyennes
Bailleurs de fonds
Mettre en place de financements adaptés
Supporter et faciliter l’implémentation des projets
Faciliter l’accès au financement et aligner leur modèle aux spécificités du secteur et du pays
Mettre en place des mécanismes de garanties souples pour l’obtention des prêts
Explorer des mécanismes alternatifs de financement.
Conclusion :
Le Cameroun regorge d’un grand potentiel hydroélectrique, gazier et de ressources humaines exceptionnelles.
Une fois la reforme de secteur implémentée, nous aurons un marché fluide et attractif
A l’horizon 2025, nous pourrons envisager un taux de desserte de l’ordre de 75% avec une réduction de plus de 85% des interruptions de fourniture d’électricité
Pour ce faire, les investissements à consentir seront importants :
– 2500 milliards d’investissement dans la production pour un objectif de puissance installée d’au moins 3000MW à horizon 2025
– Le transport nécessite des investissements de l’ordre de 700 Milliards.
– Ces sommes viendront s’ajouter aux 477 milliards d’Eneo.
Au total nous parlons d’investissement de l’ordre de 3700 milliards de francs CFA sur 10 ans.
En se mobilisant tous, nous passerons du détestable délestage à un statut d’exportateur d’électricité en Afrique centrale.
Eneo est résolument engagée à faire sa part : Les autres acteurs doivent prendre leur part de responsabilité.
Je vous remercie de votre aimable attention !