Biya intime: Cameroon Tribune contre Jeune Afrique

Le quotidien gouvernemental camerounais a réagi hier avec véhémence au dossier publié dans la dernière édition de l’hebdomadaire panafricain.
Le sujet choisi par Jeune Afrique pour la Une du dernier numéro de son édition internationale et Afrique centrale allait forcément intéresser les lecteurs camerounais. 237online.com Ce n°2913 baptisé « Biya intime » paraissait au moment même où le chef de l’Etat camerounais franchissait le cap de sa 34e année à la tête du pays. Surtout, il s’aventurait sur un chemin assez peu exploré, celui de la vie privée de Paul Biya. Ce numéro de Jeune Afrique allait forcément susciter des réactions au pays de l’homme qu’il a choisi de mettre en avant. Mais l’on n’attendait pas forcément celle qui est venue de Cameroon Tribune. Dans son édition d’hier, le quotidien gouvernemental a réagi avec véhémence au dossier de l’hebdomadaire panafricain qualifié de « pamphlet perfide ». L’éditorial signé par Marie Claire Nnana attaque violemment le dossier réalisé par Georges Dougueli. « Ce dossier n’est ni une enquête, ni un portrait, mais un pamphlet perfide et torride d’autant plus mordant qu’il se présente comme une enquête. Sous couvert d’informations recueillies auprès de « proches », il ne nous fait grâce d’aucun préjugé : la fainéantise : ce président est « désespérant d’inactivité » ; le pays en pilotage automatique ; une épouse omnipotente, qui codirige, pour ainsi dire, le Cameroun. L’auteur de cette publication ne craint pas d’inscrire sa production dans le registre du ramassis de ragots : président radin, palais hanté, dédain des réunions de l’Union africaine », écrit la directrice de la publication. Mais qu’a donc pu écrire le journaliste de Jeune Afrique pour susciter une réaction aussi dure de Cameroon Tribune ? Pour l’hebdomadaire, l’idée était de rentrer dans l’intimité d’un homme dont on ne sait pas vraiment grand-chose. « Parfois décrié, le chef de l’Etat n’en demeure pas moins au pouvoir depuis trente-quatre ans. Mais, sur l’homme, rien ne filtre ou presque. JA a voulu percer le secret de ce président aussi discret qu’habile ». C’est ainsi que s’ouvre le dossier de Jeune Afrique. Rien de bien méchant donc. Le déroulé du dossier ne laisse pas non plus paraître une intention manifeste de nuire. Le journaliste a tenté de glaner les informations qu’il a pu sur la vie du chef de l’Etat. Son quotidien, ses hobbies, ses fréquentations, etc. Des informations puisées, dit l’auteur du dossier, sous le couvert de l’anonymat auprès des proches et anciens collaborateurs de Paul Biya. On y découvre effectivement des choses que l’on ne savait pas de Paul Biya dans les différents articles qui constituent le dossier. Mais l’on se rend compte également de la difficulté qu’il y a de parler de l’intimité du personnage. Des encadrés de ce dossier évoquent sa famille (ses enfants, son épouse), sa santé, son rapport à l’argent et aux ordres mystiques. Guerre de réseaux ? Certains de ces points ont parfois été évoqués, d’autres peuvent surprendre et même faire sourire. Suffisant pour qualifier l’initiative de Jeune Afrique de malveillante ? Marie Claire Nnana a-t-elle eu d’autres éléments qui justifient son soupçon ? « A cette allure, seuls les naïfs pourraient désormais croire que l’objet de ce dossier était de montrer aux lecteurs un président qu’ils ne connaissaient pas. En l’occurrence, nous n’avons rien appris que nous ne sachions déjà sur l’homme qui gouverne le pays depuis 34 ans, régulièrement réélu par les Camerounais sur la base de la confiance », écrit-elle. Il est pourtant évident que le journaliste de Jeune Afrique n’a pas inventé les informations contenues dans son dossier. Des proches de Paul Biya se sont forcément ouverts à lui. Il est également évident que la réaction de Cameroon Tribune a été suscitée, pour ne pas dire commandée, par quelque proche du chef de l’Etat. Ce qui ramène à la question des différents réseaux qui, d’après certaines sources, se sont créés autour du chef de l’Etat camerounais. Il y aurait, d’après elles, diverses voies d’accès au « Prince » : Martin Belinga Eboutou, le directeur du cabinet civil ; Chantal Biya, la Première dame ; Ferdinand Ngoh Ngoh, le secrétaire général à la présidence de la République… Et, peut-être de plus en plus Franck Biya, le fils aîné du chef de l’Etat, si l’on s’en tient au dossier de Jeune Afrique. L’opposition entre Cameroon Tribune et Jeune Afrique pourrait donc être vue comme l’opposition de deux réseaux. Lesquels ? Autre mystère autour d’un homme qui n’a cessé d’en cultiver au fil des ans. « Conseiller officieux de son père, il est derrière la nomination d’Alamine Ousmane Mey, ministre des Finances », écrit Georges Dougueli.

Jules Romuald Nkonlak

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