Cameroun – Mbam et Inoubou : Des gendarmes arrêtent un journaliste sans mandat

Arrestation faussaires

Armés, ils ont traîné Emmanuel Yimga de Nitoukou à Bafia pour un interrogatoire devant le préfet.

On avait calomnié le journaliste Emmanuel Yimga auprès du préfet du Mbam et Inoubou, Absolom Woloa Monono. Quelques publications malveillantes faites sur les réseaux sociaux ont été attribuées à ce journaliste qui est le directeur de publication du journal L’Ouragan Indépendant. Informée, l’autorité administrative a usé de son pouvoir pour le faire présenter à lui manu militari.

Dans l’après-midi du 4 août 2021, des gendarmes sont arrivés au domicile d’Emmanuel Yimga à Nitoukou, l’une des communes du département du Mbam et Kim. « J’étais au village Nikoung. Des gendarmes, tous armés, m’ont trouvé sur la véranda en compagnie des membres de ma famille. Sans se présenter, ils ont dit avoir reçu l’ordre de me conduire à la brigade de gendarmerie de Nitoukou », raconte l’infortuné. Le refus d’obtempérer est immédiat et catégorique car, cette interpellation ne s’appuie sur aucun document. Pas de convocation portant le cachet d’une unité de police ou de gendarmerie ; pas de mandat d’amener ou de mandat d’arrêt décerné par la Justice.

Emmanuel Yimga est d’autant surpris qu’il a été notifié d’aucune plainte ou citation directe contre lui. Au Cameroun, en cas d’infraction commise par voie de presse, le Code de procédure pénale prévoit que l’action publique peut être mise en mouvement d’office par le ministère public à son initiative ou à la suite de la plainte de la victime. Par ailleurs, l’action publique peut également découler de la citation directe de la victime.
A l’évidence, l’action des gendarmes ne repose sur aucune base légale. Ces soldats ont brandi la menace de la violence physique pour dissuader le journaliste dans sa tentative de résistance. Plusieurs jours après ces évènements, Emmanuel Yimga les relate encore avec stupéfaction : « Ils ont menacé de me brutaliser, m’ont menotté et conduit à la brigade de gendarmerie territoriale de Nitoukou où j’ai passé moins de 5 minutes. Ici, le commandant m’a dit qu’il a reçu instruction de m’interpeler et de me conduire à la compagnie de gendarmerie de Bafia. » Une fois à la compagnie, cette arrestation kafkaïenne est pourtant loin du dénouement. Il faut maintenant aller rencontrer le préfet Absolom Woloa Monono.

Depuis son départ du village Nikoung, le trajet jusqu’au préfet n’a pas été de tout repos, eu égard aux moyens de transport utilisés. L’escorte du journaliste s’est faite à bord des mototaxis. Après l’escale à la brigade de gendarmerie de Nitoukou, cap a été mis sur Ndikiniméki. Ensuite, le voyage s’est poursuivi dans une voiture de transport en commun jusqu’à Bafia. Puis, il a fallu encore solliciter des mototaxis pour rallier les services du préfet. Ne trouvant pas le maître des lieux sur place, l’escorte s’est déportée à sa résidence. Mais l’autorité administrative a préféré ramener le journaliste dans ses services.

Abandonné à Bafia

C’est donc à la préfecture que l’interrogatoire du journaliste a lieu, en présence du préfet, du deuxième adjoint préfectoral, de deux gendarmes et d’autres personnes. « Une fois dans son bureau, le préfet m’a informé qu’il lui a été rapporté que je l’insulte sur les réseaux sociaux. Il m’a montré des publications dont je serais l’auteur. J’ai clamé mon innocence », se souvient Emmanuel Yimga. Mais l’affaire ne s’est pas arrêtée. L’interrogatoire a continué sur l’origine des documents publiés dans le journal L’Ouragan Indépendant. Des documents qui mettent en cause la mairesse de Nitoukou, Angéline Osianembom Lyne Epse Enanga. Emmanuel Yimga invoque le secret des sources : « J’ai rappelé au préfet qu’il me demande expressément de violer la loi sur la protection des sources. Alors j’ai posé comme condition qu’il assume cette demande. Son refus a trouvé mon refus de violer la loi. » Au cours de l’échange, le journaliste apprend qu’il fait l’objet d’une plainte de la mairesse de Nitoukou. L’échange s’étire jusqu’à 18h. Emmanuel Yimga est finalement informé qu’il est de nouveau libre de ses mouvements ; lui qui a été enlevé de son village pour Bafia, 83 km plus loin. Il a dû se débrouiller pour rentrer chez lui.

Le préfet a refusé de s’exprimer sur les évènements vécus par le journaliste Emmanuel Yimga le 4 août dernier, entre 14h et 18h. Joint sur son téléphone, l’autorité administrative a déclaré : « Je n’ai rien à dire ». Absolom Woloa Monono a raccroché et n’a plus pris les appels suivants.
Le 11 août, Emmanuel Yimga a finalement reçu une convocation de la compagnie de gendarmerie à la suite d’une plainte de la mairesse de Nitoukou pour diffamation. Avant même que l’action publique ne soit déclenchée dans cette affaire, le journaliste a déjà été victime d’un enlèvement et d’un abus d’autorité du préfet alors qu’il est protégé par plusieurs instruments internationaux ratifiés par le Cameroun. Il s’agit notamment de l’article 19 de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme et de l’article 19 du Pacte international sur les droits civiques et politiques. Ces deux textes prescrivent le droit de tout individu à la liberté d’opinion et d’expression, le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions, enfin le droit de rechercher, de recevoir et de répandre sans considération de frontières, les informations, les idées par quelques moyens d’expression que ce soit.

Assongmo Necdem (Jade)

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