Gouvernance: Pourquoi Paul Biya nomme des personnes en indélicatesse avec la justice

Elles sont nombreuses qui, bien qu’elles soient mis en causes, sont portées à de hautes fonctions ou maintenues sous le feu des projecteurs.

Il ne fait l’objet d’aucun doute que dans cette République, les casseroles traînées ne constituent en rien un motif de mise à l’écart. Pourquoi le Président de la république aime-t-il tant intégrer dans ses troupes des personnes qui ont maille à partir avec la justice ? Il y a quelques mois, Ibrahim Talba Mala a été porté à la tête du ministère des marchés publics, alors que plusieurs sources l’annoncent en indélicatesse avec le Tribunal criminel spécial (Tcs) où il serait mis en examen depuis quelques années.

Dans la même veine, le gendarme de la Douala Stock Exchange, la bourse des valeurs mobilières du Cameroun, Jean Claude Ngbwa, fait face à une enquête judiciaire ouverte contre lui depuis mars 2013 pour faux en écriture publique et authentique et dénonciation calomnieuse. Ceci sur la base d’une plainte avec constitution de partie civile déposée par un certain Roger Kamdem, Dg de Samiris SA en date du 14 mars 2013. Jean Claude Mgbwa a comparu pour la première fois en janvier 2014. Il est inculpé pour avoir « contrefait » ou « altéré dans la substance » un acte du président de la Commission Nationale Anti-corruption (Conac) notamment en utilisant l’entête, la signature, et le cachet d’une lettre dans laquelle il a introduit un contenu différent.

L’inculpé est également accusé des faits identiques auprès d’une autorité publique, d’une dénonciation fausse susceptible d’entraîner des sanctions soit pénales, soit disciplinaires. Dieudonné Massi Gams , Président de la Conac , avait saisi le Délégué Général à la Sureté nationale pour indiquer que la dénonciation (appel à la vigilance) en date du 25 mars 2012 envoyée par la Cima, n’émane pas de la Conac. Il précise que ladite reçue de la Cima est fausse.

Toutes ces accusations sont suffisamment graves pour pousser à un sursis de nomination. Or, Jean Claude Ngwba a été désigné par Paul Biya le 29 juin 2016 comme nouveau président de la commission des marchés financiers. On pourrait croire que c’est un cas isolé, que non ! On se souvient que le 02 octobre 2015, la nomination d’un certain secrétaire d’Etat avait fait jaser.

En février 2013, il avait été constitué de la somme de prés de 92 millions Fcfa envers l’université de Douala par le Conseil de discipline budgétaire et financière. Une amende de 2 millions lui avait été infligée. Est-ce que cela a empêché qu’il fasse partie intégrante du dispositif gouvernemental. De nombreux faits ont été souvent reprochés à de nombreux membres du gouvernement pour des cas d’indélicatesse avec les fonds publics sans que cela ne déteigne sur leur nomination.

Le Programme de reconversion économique de la filière Banane Plantain (Prebab) en est un exemple. On peut aussi citer le cas de l’acquisition des avions chinois. Ici, les fonds publics ont si souffert de la présence de certains ministres dans le processus d’acquisition qu’on se serait normalement attendu à ce que ces ministres ne soient plus en fonctions.

A la vérité, c’est parce que Paul Biya a une gouvernance qui échappe à toute logique de compréhension. Sous d’autres cieux, des hautes personnalités sont écartées du sérail au moindre impair. Jerôme Cahuzac, qui, au début du quinquennat de Hollande, disait n’avoir aucun compte à l’étranger, a été poussé à la démission lorsque ses propos se sont avérés faux. Avant lui, Eric Woerth, accusé de conflit d’intérêt dans l’affaire Liliane Betencourt sous le mandat de Sarkosy a été mis à la porte du gouvernement. L’affaire Bygmalion, du nom qui a révélé comment Nicolas Sarkosy avait maquillé ses dépenses pendant la campagne électorale en 2007, a emporté l’ex-chef l’Ump (Aujourd’hui les Républicains), Jean François Copé.

Voilà ce qui se passe ailleurs quand on est rattrapé par un ou des scandales. Chez nous, ceux qui sont en porte-à-faux avec la fortune publique ou qui s’illustrent négativement sont ceux-là qu’on promeut ou maintient sous le feu des projecteurs, alors qu’on devrait les dissimiler, les faire oublier. On a ainsi été surpris de voir il y a quelques années bekolo Ebe , l’ancien recteur de l’université de Douala ,présider les ateliers lors de la conférence économique internationale « Investir au Cameroun : terre d’attractivité » organisée par Paul Biya . Un tel individu, épinglé par le Consupe n’était pas crédible. Il en est de même de Jean Tabi Manga, ancien recteur de l’université de Yaoundé II, accusé par le Consupe de mauvaise gestion, qui a été pendant longtemps Président de la commission nationale d’agrément du livre scolaire.

Dans un tel contexte, on peut s’interroger sur les ambitions réelles de l’opération d’assainissement des mœurs publiques. Pourquoi les uns et pas les autres ? Mais à la réalité, peut-on en vouloir à Paul Biya de garder sous sa férule des hommes dont il devrait se débarrasser ? Après tout, tous ces gens qui sont nommés lui sont proposés. On peut supposer que des enquêtes de moralité sont menées, et que le président de la République dispose d’une fiche de renseignement sur chacun des individus qui s’apprête à mettre au firmament. Sauf que, sachant comment ce pays fonctionne, il n’est pas exclu que le Président soit manipulé.

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