Les erreurs stratégiques des présidents africains, l’exemple de Paul BIYA

Paul BIYA a Olembe

Les pays africains dans leur ensemble se comportent envers la Chine comme le leur a conseillé leurs maitres européens : avec beaucoup de méfiance. Et en échange, la Chine ne leur donne que des miettes.

Si on demande aujourd’hui à un pays africain : qu’offres-tu à la Chine en échange des capitaux que tu attends, la majorité répondrait : la Chine a besoin de nos matières premières.

Une telle réponse est très naïve. C’est comme si vous demandez une faveur à une personne et pensez que son profit c’est de devenir votre client. Être client n’est pas une faveur.

Résultat des courses, la Chine n’investit pas en Afrique autant qu’elle le fait en Asie ou en Amérique du Sud.

Prenons l’exemple du Chili, pays producteur du cuivre et donc du Lithium pour les batteries destinées aux futures voitures électriques.

Le Chili concentre près de 30% de la production mondiale de cuivre et possède 54% des réserves mondiales de lithium. Donc, une bonne source de matière première pour la Chine.

La Chine a décidé en 2019 d’y investir dans le secteur du lithium la somme de 250 milliards de dollars.

Un pays africain aurait conclu que c’est normal puisque c’est la Chine qui a besoin du cuivre et du lithium chilien. Et donc que c’est cela ce que la Chine est venue chercher.

Au contraire, pour arriver à ce chiffre de 250 milliards de dollars, le Chili a bataillé dur, pendant 14 ans.

L’histoire commence en 2005

Cette année-là, la Chine et le Chili signent le Free Trade Agreement (FTA), premier accord du genre entre Pékin et un pays d’Amérique du Sud.

En 2015, c’est la signature du traité réciproque de non taxation (DTA), et la mise à jour 10 ans après du FTA offrant à la Chine toutes les garanties possible sur ses investissements au Chili. Par exemple, selon la note officielle : « le FTA permet aux produits chinois à faible valeur ajoutée de bénéficier de conditions d’importation simplifiées au Chili, alors que le Chili peut exporter à moindre coût ses produits agricoles vers la Chine sans droit de douane.

En 2016, Xi Jinping effectue une visite d’Etat au Chili sur invitation du président chilien pour valider les bonnes relations entre les deux pays.

En 2019 : annonce de cet investissement sur 10 ans au Chili de 250 milliards de dollars seulement pour développer la filière du lithium.

Lorsqu’on regarde la liste des investissements chinois en Afrique dont parlait les 3 chercheurs de Allianz au début de cette leçon, on constate qu’il n’y a aucun pays d’Afrique dite francophone.
Avec moins de 10 milliards de dollars investis au Cameroun la Chine contrôle la moitié des dettes du pays.

Le problème est celui décrit dans le rapport de Allianz : l’essentiel de la dette camerounaise avec la Chine est en souffrance. Cela veut dire que la partie camerounaise n’arrive pas à respecter les engagements de remboursements promis à la partie chinoise.

Ceci est principalement dû au fait que la partie camerounaise se trompe par un déficit de Pensée Globale. On a comme l’impression que la partie camerounaise va vers la Chine comme quelqu’un qui va au supermarché et lui demande : donne-moi les centrales électriques, donne-moi les routes, donne-moi les hôpitaux.

En procédant de la sorte, il est évident que puisque la centrale électrique n’est reliée à aucun projet productif de revenu et donc de richesses, c’est une centrale qui ne sera jamais rentable au point de permettre de rembourser les coûts de sa construction.

Le problème est que les investissements chinois se font par paliers successifs.

Ils commencent par financer un projet anodin qui ne coûte rien du tout, pour observer la capacité de la partie adverse à respecter les engagements de remboursement.

Au Cameroun, on se félicite régulièrement de l’annonce par la Chine de l’annulation des dettes passées. Mais ce que la partie camerounaise ne sait pas est qu’avec la Chine, ce n’est jamais une bonne chose se faire annuler sa dette, car avec ce geste on ferme définitivement la porte des vrais investissements qui peuvent changer un pays.

Si les entreprises privées occidentales pouvaient permettre de gagner beaucoup d’argent de l’exploitation minière, le Cameroun serait comme le Qatar ou l’Arabie Saoudite. Mais tel n’est pas le cas et continuer à persévérer dans la même route, prise avec les mêmes partenaires depuis 60 ans, en espérant un résultat différent est tout simplement une erreur historique majeure.

Encore une fois, la Chine nous montre la route qu’on aurait dû suivre avec l’exemple de Keda et la SNH.

Le Cameroun aurait dû s‘endetter même lourdement avec la Chine, non pas pour construire les hôpitaux et les routes, mais pour créer des gazoducs depuis Kribi, vers les frontières avec le Nigeria, le Gabon et le Congo et à la frontière entre le Tchad et la Centrafrique où installer des centrales électriques à gaz, d’où vendre l’électricité produites à ces 5 pays voisins.

Et c’est l’argent produit en permanence par ces centrales électriques à gaz qui devrait ensuite financer les travaux de dotation du pays des infrastructures.

Par ailleurs, le Cameroun a fait une demande à la partie chinoise d’une restructuration de 70% de sa dette avec la Chine. Cela montre une grande souffrance de la partie camerounaise à respecter ses engagements. Ce qui est bizarre est qu’en situation normale, lorsqu’on n’arrive pas à rembourser un créancier, on cherche à le ménager pour espérer une plus grande clémence. Au lieu de cela, après la construction du port de Kribi, la partie camerounaise a imposé à la partie chinoise, le groupe français Bolloré sans que la partie chinoise comprenne ce qu’elle avait à voir à ce niveau d’une infrastructure qu’il faut rentabiliser pour rembourser la dette chinoise.

Les Camerounais auraient dû profiter de la main tendue de la Chine, pour se libérer d’un système de spoliation qui dure depuis 1960 et qui fait que malgré le pétrole du Cameroun, les caisses de l’Etat camerounais ne sont pas semblables à celles du Qatar ou du Bahreïn. Au lieu de cela, c’est la partie camerounaise qui exclut Bolloré de la gestion du port de Douala pour le remettre en scelle au nouveau port de Kribi. Ce comportement répond à quelle logique économique et stratégique ?

A ce rythme, et avec un tel comportement déraisonnable sur le plan de l’intelligence économique, pas sûr que la partie chinoise sera disponible à mettre encore 10 milliards de dollars supplémentaires au Cameroun. Et pourtant, c’est le minimum dont le pays a besoin pour débuter ses investissements productifs de masse.

Et c’est à ce niveau que le rapport de Allianz espère que la Chine va rejoindre le Club de Paris dont les membres ont toujours refusé pendant 34 ans de financer la construction de ce port de Kribi, parce que justement ils étaient certains que les comportements anti-économiques de la partie camerounaise n’auraient jamais consenti de rembourser la dette contractée.

Et c’est comme cela qu’on arrive à la première exigence des prêteurs occidentaux dénoncée par Paul Biya à Washington :
« La mise en gage de certaines ressources naturelles africaines, sollicitées par certains investisseurs (occidentaux) ».

Comment est-ce que ça se passe avec les Occidentaux ?
Dans la prochaine leçon, je vais vous expliquer comment l’Egypte a été piégée et spoliée par la France et le Royaume Uni dans la construction du Canal de Suez avec ce qu’ils ont appelé : « la dette perpétuelle ».

Jean-Paul Pougala

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