Le 1er octobre 2021 a été une journée de désinformation massive. La rébellion sécessionniste a usé des réseaux sociaux pour la diffusion de fake news afin d’influencer les opinions publiques, les pays étrangers et les organisations internationales.
Premièrement, ce qui convient de rappeler aux uns et aux autres, Camerounais anglophones et francophones, nous avons tous du sang sur les mains. Le sang des membres des forces de défense et de sécurité tombés sur le champ d’honneur pour la défense de notre pays. Le sang de nombreux civils-parmi lesquels des enfants massacrés- pris en otage dans une folie meurtrière. Le sang de jeunes Camerounais, ambaboys, dont le motif de lutte reste bien souvent incertain : le font-il pour des raisons politiques ou par appât du gain ? Car nous savons aujourd’hui qu’ils sont souvent, pour nombreux d’entre eux embrigadés par des entrepreneurs du grand banditisme à des fins mercantiles et de gain facile. On comprend l’attraction des messages sécessionnistes sur une jeunesse misérable, semi-scolarisée à qui l’on offre des profits immédiats du pillage, du kidnapping et d’autres activités économiques illicites.
Deuxièmement, cette crise sécuritaire affecte et pèse sur les dépenses de l’Etat. Le niveau des interventions des ressources publiques hypothèque gravement nos capacités d’investissement dans des secteurs vitaux pour le développement du Cameroun. Le décret du Premier Ministre Chef du Gouvernement, signé le 2 septembre 2019, déclarait les régions de l’Extrême-Nord, du Nord-Ouest et du Sud-Ouest « zones économiquement sinistrées ». Ceci induit des financements colossaux et un effort collectif du peuple camerounais qui paie cash les égarements de quelques activistes aux desseins criminels, vivant confortablement et en toute sécurité au Cameroun et à l’étranger. Les choix politiques faits dans le passé ont peut-etre conduit à cette situation. Mais la main tendue du gouvernement et les efforts du Président Paul Biya, font que les raisons objectives qui ont provoqué cette crise ont perdu de leur consistance. Certes, elle est loin d’être achevée compte tenu des ressentiments et des oppositions sur des questions fondamentales. Mais c’est le peuple camerounais qui paie le coût économique de cette crise. Un véritable gâchis.
Troisièmement, les déplacés internes de la crise anglophone sont disséminés sur l’ensemble du territoire vivant avec la peur au ventre, dans la précarité et une grande désespérance, inquiets pour le futur. Cependant, les tensions qui marquent la diffusion sur les réseaux sociaux des massacres perpétrés par les ambaboys contre les membres de nos forces de défense originaires des communautés qui accueillent de nombreux déplacés, ne peuvent pas être mis entre parenthèse, fut-ce pour un peu de temps. Le « nous accueillons les Anglophones ici » et le « les ambaboys tuent nos enfants » sont des cris de colère qui peuvent se transformer en un rejet comme le redoute opportunément le Premier Ministre Chief Dr. Joseph Dion Ngute. La duplicité de certaines communautés dans les régions anglophones est d’autant plus grande que le sentiment que les criminels ambaboys sont protégés par leurs clans ne cesse de grandir. Dans ce climat qui se tend, des menaces pèsent sur le « vivre ensemble » entre déplacés et communautés d’accueil, avec en toile de fond un rejet. Il y’a tout lieu de s’inquiéter de l’éventualité de réactions violentes ici et là.
Néanmoins, une certitude demeure : le désir le plus profond de nos compatriotes des régions anglophones, victimes de la violence, vivant dans la peur et affrontant la haine de ceux qui ont choisi de vivre en marge des lois de la République, est de voir le retour de la paix. Le moment est venu de savoir où nous allons et ce que nous voulons. Quelle force faut-il éveiller pour mettre un terme à cette boucherie et trouver ensemble une solution durable ? La récente visite du Premier Ministre dans les régions en crise débouchera probablement sur une réflexion d’ensemble sur les sujets et le rythme de leur résolution. Depuis 2016, le gouvernement a pris des mesures commandées par la gravité de la situation, afin de rétablir l’ordre public, protéger les biens et les personnes-ce qui ne va pas sans de réelles difficultés- et sauvegarder l’intégrité territoriale. Lors du grand Dialogue National, la volonté du gouvernement d’asseoir un dialogue franc et sincère y compris avec les groupes armés a été acté. Le choix de la dédiabolisation des sécessionnistes n’aura échappé à personne. La récente sortie malheureuse de Tibor Naguy qui déclare « nous savons tous comment la crise du Southern Cameroon se terminera.
Les Anglophones gagneront leur droit soit dans une véritable fédération soit dans un état séparatiste. Qu’il s’agisse de semaines, de mois, d’années ou de décennies » J’aurais été tenté d’ajouter avec des milliers de morts. On ne peut pas demander à une girouette de faire mieux que Tibor Naguy. Si nous ne pouvons pas nous fier à ses propos et aux diverses positions contradictoires auquel ce fonctionnaire américain-en poste à Yaoundé dans les années 1990-, nous a habitué sur la crise anglophone, force est de constater que M. Naguy fait preuve d’un cynisme et d’une méconnaissance abyssale de l’histoire du Cameroun. Ses propos sont d’un mépris et d’une condescendance inacceptables vis-à-vis de tous ceux qui œuvrent pour la paix. Il serait souhaitable que Tibor Naguy prenne des conseils plus avisés auprès d’amis de longue date qu’il a au Cameroun, pour éclairer sa vision partisane et dramatiquement biaisée de la crise du Noso. En lui rappelant au passage que la perception des Anglophones sur ce sujet n’est pas aussi uniforme qu’il semble le croire.
Quoi qu’il en soit, il appartient aux Camerounais de régler les affaires qui les concernent. Malgré les divergences, un dialogue avec les acteurs politiques de l’intérieur du pays et de la diaspora est nécessaire et possible. Aucun pays étranger ne peut se substituer au peuple camerounais pour la résolution. Les difficultés de la médiation suisse l’ont montré à suffisance. Le dialogue suppose cependant le renoncement préalable à la violence sans aucune condition. Vouloir placer sur la balance l’armée républicaine et une nébuleuse de groupes armés dont on sait aujourd’hui qu’ils sont à la solde de bandits qui n’ont rien à voir avec une quelconque revendication politique est inadmissible. Le mode opératoire des groupes armés dans les régions du Noso rappelle celui des FARC en Colombie, contrôlés durant des décennies par des narcotrafiquants. Il n’y a aucune contradiction entre être ouvert au dialogue politique mais favorable à une action publique musclée et impitoyable dans la lutte contre la grande criminalité. Après quatre ans d’effroi et d’angoisse, le drapeau camerounais éclaboussé du sang des innocents que tuent les groupes armés sous couvert de la sécession, flotte en pleurant ses morts. Face aux tueries qui persistent, seul le dialogue nous permettra d’échapper au piège mortifère de la terreur, de la haine et du chaos, où tente de nous conduire une minorité d’activistes criminels.
Mais la paix peut-elle naitre d’actions militaires redoutées et imposées ? Une conviction cependant persiste : la paix doit naitre et se construire à l’intérieur des communautés, à travers des rencontres et concertations avec l’ensemble du corps social. Mais il sera difficile voire impossible de dialoguer si nous nous accrochons avec arrogance à l’idée que nos capacités militaires, technologiques, logistiques et humaines de l’armée camerounaise sont supérieures à celles de la rébellion. Le caractère asymétrique de ce conflit nous appelle à plus de réserve et de prudence au-delà du professionnalisme que l’on reconnait à notre armée. Les graves incidents survenus lors de la tournée du Premier Ministre Chief Dr.Joseph Dion Ngute dans la région du Nord-Ouest après une étape plutôt paisible dans le Sud-Ouest révèlent le grave malaise au sein de la communauté anglophone de l’ancien Cameroun méridional. On observe depuis le début de la crise des régions anglophones la montée des antagonismes et un clivage ethnique sans cesse grandissant entre populations du Nord-Ouest et les SAWA du Sud-Ouest. L’exacerbation de la haine tribale ne s’explique pas seulement du fait des différences culturelles et sociales mais porte sur les solutions à apporter à la crise actuelle. Des oppositions fortes subsistent dans la perception et l’approche des questions fondamentales.
Souvenons-nous de l’accueil glacial et hostile réservé à la communication du Chairman John FRU NDI, lors du grand Dialogue National par la quasi-totalité des délégués venus du Sud-Ouest. « The All Anglophone Conference » est une étape incontournable sur la route du retour de la paix. La prise en compte et la reconnaissance de la pertinence de certaines réformes demandées par une partie de la classe politique anglophone et même francophone n’est pas synonyme de l’acceptation de la remise en cause de l’unité du Cameroun. La fin du terrorisme ne peut être garantie par les seuls acteurs politiques qui ne contrôlent pas souvent ni toujours les opérations terroristes, qu’ils sont nombreux à condamner. Le dialogue doit se construire autour de la table avec l’ensemble des protagonistes de la crise du NOSO. Il y’a certes un risque à heurter une opinion publique dominante profondément attachée à l’unité du pays, partisane d’une solution militante quoi qu’il en coute. Mais rappelons-nous que le Cameroun sans nos compatriotes de Nkambe, Kumbo, Jakiri, Mamfe, Limbe, Tiko n’est pas le Cameroun. Cependant, une occupation systématique des territoires par nos forces de défense accompagnée de la pacification nécessaire est une contrainte pour réussir la reconstruction du NOSO. Une démarche permanente afin d’examiner la question de façon réaliste voire audacieuse est un palier indispensable pour la paix. Ecouter et discuter n’est pas adhérer mais élargir le champ de l’information susceptible de contribuer à l’édification de la paix. Abdiquer notre responsabilité morale et nous abriter derrière nos certitudes peut s’avérer une grave erreur pour le Cameroun tout entier, Anglophones et Francophones.