L’éducation au Cameroun est en plein déclin.
De nombreux dysfonctionnements et irrégularités sont observés à plusieurs niveaux, et la conséquence logique c’est la baisse inquiétante du niveau scolaire (comme l’attestent les pourcentages de réussite aux différents examens officiels qui dépassent rarement les 50%) et le nombre sans cesse croissant des chômeurs, sans-emplois et autres chercheurs d’emploi sans qualification.
Il existe pourtant des textes de loi qui, s’ils étaient respectés par le gouvernement, permettraient sans doute, si ce n’est de remonter la pente, tout au moins de limiter les dégâts. Nous avons sélectionné cinq parmi de ces articles que nous analysons dans ce billet.
Sur la mission de l’éducation
Loi n°98/004 du 4 avril 1998 d’orientation de l’éducation au Cameroun
Article 4 : L’éducation a pour mission générale la formation de l’enfant en vue de son épanouissement intellectuel, physique, civique et moral et de son insertion harmonieuse dans la société, en prenant en compte les facteurs économiques, socio-culturels, politiques et moraux
Le système éducatif Camerounais ne facilite en aucun cas l’insertion harmonieuse des jeunes dans la société, pour la simple raison qu’il ne prend pas en compte le contexte socioéconomique dans lequel ces derniers évoluent. En conséquence, il n’y a aucune adéquation entre la formation que les apprenants reçoivent et les opportunités ou possibilités d’emploi dans leur environnement. Pire, à la fin de leur « formation » la grande majorité des apprenants ne sont pas opérationnels car n’ayant appris aucun métier.
Le contexte socioéconomique et culturel dans lequel ils évoluent force parfois les apprenants à quitter les bancs après le lycée, parfois même après la classe de 3ème. À cause de la pauvreté de la formation qui leur est donnée, ces derniers se retrouvent dans l’incapacité de créer ou de trouver de l’emploi, ce qui rend difficile, voire impossible leur insertion dans la société.
Il est impératif de revoir les contenus d’enseignement, de les adapter au contexte pour que les jeunes formés puissent enfin s’insérer socioéconomiquement tel que formulé dans cet article.
Sur la formation du personnel enseignant
Loi n°98/004 du 4 avril 1998 d’orientation de l’éducation au Cameroun
Article 37 : (1) L’enseignant est le principal garant de la qualité de l’éducation. À ce titre, il a droit, dans la limite des moyens disponibles, à des conditions de vie convenables, ainsi qu’à une formation initiale et continue appropriée
Cet article soulève deux problèmes cruciaux auxquels font face les enseignants au Cameroun : les conditions de vie et travail des enseignants, et la qualité de la formation qui leur est donnée.
En effet, un grand nombre d’établissements scolaires sont situés dans des zones enclavées, difficiles d’accès à cause de l’état des routes et où les conditions de vie sont à la limite du supportable du fait de l’absence d’infrastructures de base telles que les centres de santé, des marchés, d’eau potable etc. En plus de cela, certains parmi ces fonctionnaires sont encore en cours d’intégration (ECI), et donc n’ont pas de salaire pour assurer leur subsistance.
Le deuxième aspect que soulève cet article c’est celui de la formation continue des enseignants. S’il est vrai que chaque année des séminaires sont organisés pour renforcer les capacités des enseignants sur toute l’étendue du territoire, la réalité demeure que tous les enseignants n’y ont pas droit, notamment ceux qui travaillent dans les zones enclavées et qui parfois mettent des jours à rejoindre la ville.
Que faire ? Respecter la loi, améliorer les conditions de travail du personnel enseignant en créant les infrastructures de base autour des établissements scolaires et en traitant les dossiers de prise en charge avec plus de diligence. Ceci leur permettra de participer aux séminaires et de se maintenir à jour en ce qui concerne la formation.
Loi n°004-022 du 22 juillet 2004 fixant les règles relatives à l’organisation et au fonctionnement de l’enseignement privé au Cameroun
Article 16 : (1) Le personnel enseignant des établissements scolaires ou de formation privés est recruté parmi les titulaires de diplômes professionnels ou académiques requis. (2) Il doit, selon le cas, être autorisé par l’État
Les établissements privés ont parfois un sérieux problème de personnel. La plupart du temps les enseignants vacataires n’ont pas la formation adéquate pour enseigner. Si, depuis des décennies cette situation perdure, c’est simplement parce que l’état ne respecte pas cet article de loi qui veut que, pour le personnel non formé, l’autorisation d’enseigner soit donnée par l’État.
Ce texte, s’il était appliqué, permettrait à l’État de contrôler le niveau des formateurs employés dans le privé, et lui permettrait de recycler ou de former ce personnel plus aisément. Ce serait d’ailleurs intéressant d’instituer des « licences » ou « autorisations d’enseigner » obtenues à l’issue d’une courte formation en pédagogie et renouvelable tous les ans par exemple, qui serait délivrées aux enseignants vacataires, sans lequel ces derniers ne pourront pas exercer.
Article 17 : (1) L’enseignant d’un établissement scolaire ou de formation privé est responsable de la qualité de son enseignement. (2) Il a droit à la formation continue, à un salaire régulier, ainsi qu’à une couverture sociale telle que prévue par la réglementation en vigueur
Cet article rejoint l’article 37 alinéa 1 de la loi d’orientation de l’éducation. Il pose le problème de la formation continue du personnel enseignant des établissements privés et, point important, la question de la rémunération et la couverture sociale.
Ceux qui connaissent les prix pratiqués sur le terrain (en moyenne 1.000 l’heure de cours dans les grandes villes et 500 francs dans les zones reculées) savent que dans la majorité des cas, il est impossible pour un enseignant vacataire de joindre les deux bouts en n’ayant aucune autre source de revenus. L’application de cet article permettrait de fixer une grille salariale pour une meilleure prise en charge de ce personnel, ce qui associé à la formation dont nous avons parlé plus haut, aura sans doute un impact positif sur le niveau des apprenants.
Sur la pertinence des contenus
Loi n°98/004 du 4 avril 1998 d’orientation de l’éducation au Cameroun
Article 31 : (1) L’État encourage et soutient les activités de recherche en éducation. (2) Les activités de recherche en éducation sont conduites par les organes dont la création, l’organisation et le fonctionnement sont fixés par voie réglementaire.
Cet article rejoint l’article 4 dont nous avons parlé au début de ce billet, et qui instruit que la formation doit être adaptée au contexte. Des recherches sont-elles faites en éducation au Cameroun ? Sans doute. Mais les résultats de ces recherches sont-ils publiés et/ou exploités par l’État pour améliorer la qualité de l’éducation au Cameroun ? C’est moins sûr. Les différentes initiatives prises récemment montrent soit une impréparation flagrante, soit une mauvaise appréciation du contexte et des conditions d’apprentissage.
C’est le cas de l’enseignement des langues nationales au secondaire qui depuis près d’une décennie n’évolue pas ; pareil avec le Programme d’Éducation Bilingue Spécial (PEBS), instauré il y a bientôt 10 ans également, et qui semble évoluer vers un cul-de-sac. Prenons également le cas de l’Approche par les Compétences avec Entrées par les Situations de Vie (APC-ESV), cette nouvelle approche pédagogique qui est en train d’être implémentée dans un contexte qui n’est parfois pas propice à cause de l’absence de mesures d’accompagnement adéquates.