Célestin Bedzigui : Injustice d’Etat ou Etat d’injustice

Célestin Bedzigui

Condamnation des peines de prison ferme infligées aux militants de partis politiques en  » goulag  » du Cameroun

Il y a quelques semaines, je relevais le visage de  » goulag  » que prenait le Cameroun, c’est à dire, le maintien en détention arbitraire dans un réseau de centres de détention pour activités politiques banales, de militants de partis politiques. J’exhortais alors le Chef de l’État, évoquant ce je croyais pouvoir le convaincre, l’esprit d’apaisement, qui lui inspirerait, d’ordonner l’arrêt immédiat des poursuites contre ces compatriotes, prisonniers politiques incontestablement, autant pour servir une tradition qui veut que la fin de l’année soit ponctuée par des gestes de clémence des détenteurs de pouvoir temporel, que pour la paix des cœurs au rendez-vous à la grande fête que sera la CAN 2021, offrant ainsi au monde l’illustration d’une nation apaisée.

Malheureusement, les esprits de longanimité et de mansuétude que j’invoquais semblent n’avoir pas pu accéder dans celui tout en acier du destinataire de mon message, puisque le bras judiciaire de son régime dont la seule mission semble désormais être de le maintenir au pouvoir a frappé, fortement comme d’habitude, bêtement comme ne savent le faire que des zélés lubriques, haineusement comme le sont des fauves jaloux de garder le contrôle de leur gibier qui ici est le Cameroun. En condamnant à de lourdes peines d’emprisonnement ferme des personnes accusées de crimes imaginaires qui prétend-t-on, ont été commis en un lieu où ils n’étaient pas présent, ce gouvernement commet une forfaiture innommable, au-delà de l’acceptable et de la décence politique.

Voici le tableau de l’horreur: Des civils, militants de partis politiques, sans armes, sans se livrer à aucune dégradation matérielle, sans aucune atteinte ou trouble à l’ordre public, sont interpellés pour certains à leur domicile, pour d »autres aux lieux prévus pour les marches, traduits et condamnés à 5, 6, 7 ans de prison ferme, par un tribunal militaire, pour avoir marché ou pour avoir compté parmi leurs connaissances des membres d’un parti auquel ils appartiennent… Comme diraient les yankees,  » it is just crazy » »…. Comment certains pensent-ils avoir la licence de détruire ainsi la vie d’autres camerounais ??? Où est-il donc, celui là qui a été porté à la tête de l’État, celui-là à qui mon parti et moi-même avons apporté un soutien remarqué à la dernière élection présidentielle, ce qui légitimement et légalement a conduit à le voir élevé à la dignité de défenseur de la Constitution au bénéfice des citoyens de notre pays? Comment cette Constitution dont il est le défenseur peut ainsi être piétinée par des esprits pour le moins zélés sans que ne soit enregistrée une réaction appropriée.

Je n’ai aucune sympathie personnelle pour les têtes de proue de cet épisode. J’ai toujours pensé qu’ils avaient une insuffisante appréhension de la première des vertus cardinales enseignées aux Chefs: la prudence. Ce faisant, avec force, je prends leur totale défense pour dire: Non!!! Ces verdicts sont inacceptables… Ils résultent d’une législation scélérate qui criminalise, ils sont actés par un organe qui n’est pas compétent, le Tribunal militaire, les condamnés n’étant pas des militaires ou assimilés, la marche qui leur est reprochée ayant été pacifique, sans recours à des armes létales.

Ces compatriotes ne sauraient être traités comme des citoyens de seconde zone. Ce sont des citoyens de plein droit qui doivent jouir de leur droit constitutionnel dont celui de la liberté d’exprimer leur opinion , en écrivant, en marchant, en grevant. L’exercice de ce droit ne peut donc pas, en fait et en droit, leur valoir d’être victimes de représailles, d’être traduits en justice et absolument pas devant une juridiction militaire. Ceux qui ont proposé que cette option soit mise en œuvre dans ce cas ont posé un acte infâme et anti-républicain avéré.

Les anciens grecs disaient: Les dieux rendent fous ceux qu’ils veulent perdre. Face à une telle dissonance cognitive, qui pourra convaincre que le régime en place n’est pas entrain de perdre la raison? Le recours compulsif à des actes de provocation de l’opinion et de meurtrissures de certains compatriotes n’est-il pas une preuve suffisante pour justifier nos craintes? N’y a-t-il pas là un indice sérieux de ce que ce régime glisse irrésistiblement dans une schizophrénie dont le coût très élevé sera porté par les générations futures?

Au moment où la jeunesse de tous les pays africains se donnent un rendez-vous amical en Janvier prochain à l’occasion de la CAN, n’aurait-il pas été préférable que dans les chambres des joueurs se chuchotent la nouvelle de l’élargissement de ces détenus politiques, eux dont certains ont pris part à des marches dans leur pays sans avoir été traduits au tribunal.

Il s’agit de choisir entre l’entrée au Panthéon de l’estime du peuple en libérant ces prisonniers politiques ou le bain dans le marigot putride de la répression à outrance. Le régime en place semble avoir choisi le pire. Et ci tel est le cas, le jugement de l’Histoire sera implacable.

C’est en y pensant et dans l »amour de notre pays qu’une fois de plus, je dis à celui à qui a été confié le devoir de cultiver l’apaisement dans notre pays: Président Biya, ordonnez l’arrêt des poursuites contre ces compatriotes et , pour ceux qui sont déjà sous le coup d »une condamnation, accordez une grâce. Hic et Nunc

Président du PAL – Parti de l’Alliance Libérale

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