Cameroun – Train de vie de l’État : le gaspillage à outrance

Voiture de luxes

Des milliards de Fcfa sont engloutis chaque mois pour permettre à l’État de fonctionner et de payer ministres, gouverneurs, députés, sénateurs et leurs très nombreux collaborateurs.

Pour le Trésor public, la facture est insoutenable. Certains politiques et des membres de la société civile aimeraient mettre les institutions au régime sec.

Les institutions coûtent-elles trop cher ?

S’il est un pays où la question mérite d’être posée, c’est bien le Cameroun, tant l’appareil d’État paraît budgétivore. Et pour cause : le gouvernement compte plus de 65 ministres et assimilés, qui disposent chacun de leur cabinet, 180 députés, 100 sénateurs, 11 membres du Conseil constitutionnel. Mais le Cameroun, c’est aussi 10 régions, et donc autant de gouverneurs, 58 préfets et 360 sous-préfets… Chaque mois, l’État engloutit donc plusieurs milliards de F pour assurer son propre fonctionnement. Tenez par exemple, En 2021 les achats de carburants avaient subi une réduction de plus 6 milliards de F tandis que la masse salariale diminuait de plus de 30 milliards de F. Mais pour 2022, le traitement des personnels relevant du statut général de la fonction publique, passe à plus de 1 075 milliards de F contre 866 milliards de F il y a deux ans. Les charges salariales globales se situent autour de 1 138,498 milliards de F en 2022. En 2021, les salaires étaient de 1069,8 milliards de F.

Les frais de carburant et lubrifiants, de missions et autres réceptions ainsi que de cérémonies s’élevaient à 105 milliards de F en 2021, soit une augmentation de 16 milliards de F par rapport à 2020 où cette enveloppe était de 89 milliards de F. De manière détaillée, les frais de carburant et lubrifiants sont passés de 31 milliards de F en 2020 à 35 milliards de F, soit une hausse de 4 milliards de Fcfa. L’enveloppe réservée à la représentation, aux missions et les cérémonies affiche de 70 milliards de F, contre 58 milliards de F pour le précédent exercice, soit une augmentation de 12 milliards de F. Les postes sécurité et maintenance retrouvent également leur aplomb. Des chiffres qui donnent le tournis et qui sont sans rapport avec les maigres recettes collectées par le Trésor public camerounais.

Effort de rationalisation

Raison pour laquelle de nombreux acteurs de la société civile demandent au gouvernement de réduire le train de vie des institutions alors que le ministre des Finances, Louis Paul Motaze a procédé à Garoua le 5 janvier, au lancement solennel du budget de l’État et des autres entités publiques au titre de l’exercice 2022. « La réduction du train de vie des institutions est un impératif », abonde l’analyste économique Germain Nanga. « Cela suppose un renoncement de la classe politique aux privilèges qu’elle s’est indûment octroyée. La classe politique doit cesser de considérer les fonds du Trésor comme son argent de poche. Et l’exemple doit venir du président de la République et des ministres », poursuit-il.

Pourtant, assure le ministre des Finances, « en ce qui concerne les dépenses, l’effort de rationalisation se traduit par la poursuite de l’application de la stratégie « zéro valeur » qui consiste à geler la croissance des dépenses de fonctionnement (hors salaires) de toutes les administrations d’une année à l’autre, et à effectuer les arbitrages sur l’espace budgétaire disponible en fonction des défis prioritaires de la période. Ainsi, sous la contrainte d’un objectif de déficit de 2% du PIB, le niveau des dépenses totales de l’État (hors service de la dette), sera ramené à 15,3% du PIB en 2022, contre 15,6% du PIB en 2021 ; soit une économie budgétaire 0,3% du PIB réalisée en 2022 par rapport 2021, et correspondant à un montant d’environ 79,6 milliards de F ».

Inefficacité de l’État

En 2021, les dépenses prévues dans le budget général s’élevaient à 4 670 milliards de F. Et les dépenses courantes qui représentent la somme d’argent destinée au fonctionnement de l’État et de ses démembrements (salaires, achats de biens et services, transferts et subventions), étaient de 2 335,6 milliards de F. Les dépenses d’investissement qui servent à la réalisation des infrastructures et à l’acquisition des équipements de longue durée pour améliorer les conditions de vie des populations (approvisionnement en eau, électricité, construction des routes, ponts, hôpitaux et des écoles, etc.), sont évaluées à 1 352 milliards de F. Ceux qui souhaitent mettre l’État camerounais à la diète soulignent que le non-respect des procédures d’exécution des dépenses publiques, qui se traduit par des dépassements systématiques, est désormais devenu la norme… notamment à la présidence de la République. Pour Germain Nanga, « les faiblesses de la situation budgétaire de notre pays expliquent largement l’inefficacité de l’État et son incapacité à mettre le Cameroun sur l’orbite de développement. » « Le président de la République a le pouvoir de réduire notamment la taille du gouvernement central pour montrer qu’il veut concrétiser ce projet de réduction du train de vie des institutions politiques », insiste pour sa part un député du Rdpc, le parti au pouvoir.

Dans la ligne de mire des critiques de nos institutions jugées « budgétivores », l’Assemblée nationale dont le budget s’élève à plus de 28 milliards de F soit 18 milliards de F pour son fonctionnement et 9,7 milliards pour l’investissement. L’administration moribonde du Conseil économique et social s’en tire avec un budget de 3,2 milliards de F pour son fonctionnement. 4,2 milliards ont été affectés au Conseil constitutionnel, 3,4 milliards de F fonctionner avec près de 3 milliards de F tandis que la Commission des droits de l’homme et des libertés bénéficiera de 3,2 milliards de F ou encore Elections Cameroon qui bénéficie de plus de 11 milliards de F en année blanche. Plus spécifiquement, toutes les institutions de souveraineté, Sénat et Assemblée nationale compris, vont engloutir en termes de fonctionnement pas moins de 68,992 milliards de F en 2022.

D’autres pointent également la présidence de la République comme institution budgétivore et la taille de son personnel, où émargent plus de 1 000 personnes par an. Ils demandent au chef de l’État d’engager un dialogue avec les élus afin de réduire leurs émoluments et de fixer des seuils de rémunération pour les mandataires qui officient dans les entreprises publiques. À les en croire, la réduction du train de vie des institutions pourrait permettre à l’État camerounais d’économiser plusieurs milliards de F. Et de mettre enfin en œuvre la gratuité « effective » de l’enseignement de base, la prise en charge de la santé maternelle, néonatale et infantile, ou des investissements dans le secteur de l’agriculture… Des promesses souvent faites, mais rarement tenues.

Ahmed MBALA / 237online.com

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