Cameroun – Tensions: Le SDF va-t-il imploser ?

Nfru Ndi et Oshi

Après la déculotté de Joshua Osih à la présidentielle du 7 octobre dernier, les divisions ont resurgi au sein du parti et compromettent son avenir.

Le Social democratic front (SDF) survivra-t-il à la crise qui couve en son sein depuis la piètre performance de Joshua Osih qui défendait les couleurs du parti lors de la dernière élection électorale ? « Notre parti a l’habitude des épreuves. Le SDF est né dans les difficultés et y a évolué au point de devenir la première force politique du pays en 1992 ». répond un membre du National executive comitee (Nec) contacté ce weekend.

Mais ce triomphalisme tranche avec l’ambiance qualifiée de « délétère » qui a cours actuellement au sein du parti. La preuve, immédiatement après la publication des résultats de la présidentielle du 7 octobre dernier par le Conseil constitutionnel, le maire SDF de Loum, Guy Mesmin Kuate Wambo a, dans un document abondamment relayé dans les médias sociaux, brisé la loi de l’Omerta pour exiger la radiation de son camarade Joshua Osih des registres du SDF pour mauvaise performance. Jean Michel Nitcheu, député SDF et par ailleurs responsable du parti dans le Littoral a tenté d’organiser une marche le 21 octobre dernier à Douala pour dénoncer les fraudes enregistrées lors du scrutin. Une marche qui n’avait reçu ni l’autorisation du SDF, ni l’onction de Joshua Osih qui le représentait dans cette élection. Les signes de la tension étaient déjà visibles lorsque Joshua Osih, dans un communiqué reconnaissait la victoire du candidat du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC). Le geste de fairplay du candidat malheureux a vite été interprété d’une part comme une allégeance, et, d’autre, part comme une preuve des accords secrets entre le tandem Fru Ndi- Joshua Osih et Paul Biya.

Sur ces entrefaites, une réunion du Nec a été organisée à Yaoundé. Quelque temps avant, parlant du maire de Loum qui demandait sa démission, l’honorable Joshua Osih disait dans un tweet : « Il sera donc libre d’exprimer dans ce forum tous ses récriminations ». Réuni le 3 novembre dernier au domicile privé de Ni John Fru Ndi au lieu du Nkolfoulou banlieue de Yaoundé, le Nec a soigneusement évité les questions qui fâchent. Après avoir défendu Joshua Osih que certains cadres du parti présentent comme son « poulain », Fru Ndi s’est évertué à entretenir cette image de sérénité à l’intérieur. Sur la sortie de Joshua Osih portant reconnaissance de la victoire de Paul Biya, Fru Ndi déclarera que « c’est le candidat à l’élection présidentielle. Nous avons remis toutes les responsabilités entre ses mains. Je ne suis pas venu ici pour le blâmer. C’est lui qui était dans la course et il a vu ce qu’il a vu. Cela dit, qu’il félicite Paul Biya ou pas, le fait que M. Biya est là ». Lorsqu’il est interrogé sur l’absence de certains ténors du parti lors de la campagne électorale, Ni John Fru Ndi déclare: « s’il vous plait, certains d’entre eux que vous n’avez pas vus pendant la campagne électorale étaient malade. C’est le cas de l’honorable Mbah Ndam, ou de la sénatrice Emilia Nkeze qui se sont malgré tout mobilisés ».

Les dissensions actuelles remontent au moins à la désignation de Joshua Osih comme candidat du SDF à la présidentielle du 7 octobre dernier. Le Nec réuni à l’effet de choisir le candidat devant faire rêver le peuple et obtenir ses faveurs dans l’isoloir avait duré trois jours. De l’inédit dans l’histoire du parti. Plus inédites encore, les tractations ayant eu lieu à Bamenda, ville hôte des membres de la plus haute instance du parti. Alors que Mbah Ndam faisait office de favori au regard de son ancienneté, des ses états de services politiques au sein du parti et à l’Assemblée nationale, c’est Joshua Osih qui sera retenu comme candidat du SDF. La puissance de l’argent aura eu raison des capacités politiques des militants de la première heure, lâchaient certains cadres du parti au sortir du conclave de Bamenda. Dans tous les cas, le candidat Joshua Osih a fait pire que Ni John Fru Ndi. Il a réussi le moins enviable exploit de faire perdre au parti son titre de première force de l’opposition en obtenant à peine 3% des suffrage valablement exprimés lors du scrutin du 7 octobre dernier. Le SDF sous la conduite de M. Osih s’est laissé laminer par le Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MCR) de Maurice Kamto et le parti Univers ayant investi le candidat Cabral Libii, arrivés respectivement deuxième et troisième.

« Où va le SDF ? »… « à la dérive »

L’histoire du SDF est effectivement une succession de frictions. Depuis sa création le 26 mai 1990 à Bamenda, le SDF a connu plusieurs crises internes. Le pic est atteint en 2005- 2006 lorsqu’une lettre de 14 pages non signée est adressée aux membres de la Cellule des conseillers du parti. Elle commence par cette question : « Où va le SDF ? » et assortie d’une réponse cinglante : « à la dérive ». La suite des évènements est connue. Lors d’une conférence de presse organisée le 27 septembre 2005 à Yaoundé le Secrétaire général du SDF, Tazoacha Asonganyi fustige publiquement les « liaisons dangereuses » entre certains cadres de son parti et Paul Biya. Quelques jours après, Tazoacha Asonganyi est exclu du parti. En février 2006,
les querelles intestines au SDF débouchent sur l’assassinat de Grégoire Diboulé, cadre du parti dans le Centre. L’infortuné, proche du dissident Bernard Muna a été retrouvé mort à côté du siège du SDF à Yaoundé. Bernard Muna sera lui aussi exclu du parti, victime du fameux article 8 alinéa 2 qui sanctionne t ceux qui contreviennent à la discipline du parti. Edith Kah Wallah, Serges Siméon Noumba, Pierre Kwemo, etc., subiront le même sort.

Aujourd’hui, le SDF est dans une situation inconfortable, avec à peine un groupe parlementaire à l’Assemblée nationale. La crise dans les régions anglophones, fief du parti a fortement entamé sa représentativité. Oser appliquer le 8.2 contre le maire frondeur de Loum ou l’honorable Nitcheu reviendrait à affaiblir davantage une formation politique dejà affaiblie en le privant d’un maire et d’un député. Les laisser s’opposer ostentatoirement à la direction du parti c’est donner l’impression que le SDF est un parti anarchique.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *