Ils ont, depuis le siège du parti du flambeau, dressé des pratiques qui ont conduit aux tripatouillages et à la grogne généralisée.
Doter le parti de responsables jouissant d’une légitimité renouvelée ou renforcée, une formation qui a besoin d’hommes de femmes et de jeunes loyaux, fidèles, convaincus, voués avec abnégation à son service dans l’intérêt de la nation, de responsables aptes à porter et à promouvoir la nouvelle dynamique impulsée au 3ème congrès ordinaire. Tel était l’esprit et le lettre de la circulaire du 27 juillet du président national du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc), en rapport avec les opérations de renouvellement des bureaux des organes de base du parti au pouvoir. Dans cette optique, Paul Biya avait engagé le secrétaire général du Comité central, ainsi que les militants, à prendre en compte les exigences sociales, morales et politiques prenant en compte le renforcement de l’intégration nationale, la promotion des femmes, des jeunes et des minorités.
Comme mû par une prémonition, Paul Biya mettait en garde contre «toute forme de trafic d’influence et d’envahissement de la tricherie», exigeait la connaissance et la maîtrise des options et du fonctionnement du parti, l’exemplarité, le respect de la moralité publique, la discipline, la prise en compte des services rendus, l’ancienneté, l’expérience dans l’encadrement des structures de base ou encore la capacité à convaincre, à mobiliser et à rassembler.
Ces instructions ne sont censées souffrir d’aucune interprétation subjective. Mieux, les prescriptions du président national sont de nature à remettre le Rdpc sur le chemin de la vertu, de la transparence et de la justice sociale. Sur le papier seulement, car la réalité du terrain a largement dépassé la fiction. Et le parti du flambeau semble sortir de ces opérations plus que désorienté, donnant l’exemple d’une maison hantée, d’une machine d’exclusion au service de lobbies occultes destinés à tout mettre en œuvre pour saboter les efforts du sommet.
Au départ de ce véritable mélodrame, se trouve la phase déterminante de désignation des délégués en charge de l’animation des équipes de terrain. C’est le lieu où se cristallisent les convoitises, l’endroit des marchandages, l’antre des magouilles les plus abjectes, le royaume de la mafia. Ici, c’est chaque légume qui tient à conduire les opérations dans une circonscription politique. Selon des sources introduites, des personnalités d’un niveau inimaginable s’adonnent aux enchères de toutes sortes, proposant des sommes astronomiques.
Éminence crise
«C’est la pagaille ! Je ne peux pas compter le nombre de messes de minuits auxquelles j’ai assisté, les liasses d’argent qui changeaient subrepticement de main, l’intérêt des uns et des autres étant tout, sauf le triomphe de la démocratie», raconte, désabusé, un haut cadre du Rdpc, sous le sceau de l’anonymat. Et de s’étonner que la hiérarchie de la formation aux affaires soit restée «bizarrement aphone, face au péril qui demain pourrait coûter cher lors des consultations électorales à caractère local ou national»…
«(…) les équipes chargées de conduire les opérations de renouvellement sur le terrain devront faire preuve d’un sens élevé de responsabilité, par le respect scrupuleux des dispositions de la circulaire du président national et de la présente note d’application dont ils devront s’assurer de la bonne compréhension afin d’éviter toute interprétation inadéquate et/ou erronée», énonçait la note de Jean Nkuété en accompagnement de la circulaire présidentielle. Et de poursuivre : «Le succès des présentes opérations électorales internes qui marquent une nouvelle étape dans l’amélioration, la modernisation et la démocratisation du fonctionnement du Rassemblement démocratique du peuple camerounais dépendra donc, en premier lieu, de la qualité du travail des commissions désignées au siège du parti et sur le terrain qui devra être conduit en bonne intelligence politique et dans l’intérêt supérieur du parti. Aussi, les responsables et les membres desdites commissions auront-ils toujours à cœur de préserver le statut du Rdpc, premier parti républicain et parti de référence sur l’échiquier politique national, qui doit demeurer exemplaire en toute circonstance. En tout état de cause, le renouvellement des bureaux des organes de base doit contribuer d’une part, à la mise en place d’équipes d’hommes et de femmes solidaires dans les ambitions et l’action pour une gestion efficace du parti, et d’autre part, à la remobilisation de la base militante autour d’objectifs communs dans l’entente et la sérénité.»
Au cœur de la manœuvre, indique la même source, on a une fois de plus retrouvé l’éminence grise et conseiller plus que spécial du secrétaire général du comité central, Jean Fabien Monkam Nitcheu. C’est lui, dit-on, le tireur de ficelles, celui-là qui s’est chargé de dresser les très sensibles listes des délégués de terrain, ces femmes et hommes à qui le président national a pourtant prescrit la plus grande neutralité dans les opérations.
Les dés étant ainsi pipés dès le départ, l’on ne pouvait assister qu’à la mascarade que décrient aujourd’hui plusieurs militants convaincus et convaincants. Ici et là, on a dénoncé les charters d’électeurs – parfois des élèves ayant tombé la tenue pour les besoins de la cause –, des opérations de vote et de dépouillement baroques, un tribalisme arrogant, une corruption qui ne se donnait même plus la peine d’être discrète. Les forces de l’argent ont encore sévi. Et les plaintes proviennent de partout, du Nord au Sud et de l’Est à l’Ouest du pays, menaçant de conduire le Rdpc vers les abîmes. Il est évident que le parti de Paul Biya est sorti de ces échéances divisé, traumatisé, livré entre les mains de l’opposition. En d’autres mots, le sommier en est sorti disloqué, et dans cette ambiance mortifère, rares sont les circonscriptions où la transparence et la démocratie ont triomphé.
Dans le département de la Mefou et Akono par exemple (en dehors de l’arrondissement d’Akono), à peine les opérations ouvertes, des artificiers de bas étage se sont lancés dans de manœuvres de tout genre visant la conquête de différents postes dans les bureaux des organes de base. Tout y est passé, avec en prime la violation de la circulaire du président national. Sur le terrain, l’on a déploré la vente sélective des cartes d’adhésion dans le but de s’assurer le contrôle de l’électorat, quand ce n’était pas l’infiltration de faux militants détenteurs de carte d’adhésion, lors des votes. Selon des témoignages, les candidats étaient plus préoccupés par les postes à pourvoir au sein du parti, qu’à promouvoir son idéologie. Même Bernard Messengue Avom, le président de la commission de supervision des opérations de renouvellement des bureaux des organes de base du Rdpc dans cette circonscription administrative, n’a fait qu’amplifier la mascarade. Lui qui aura brillé par son absence durant des semaines qu’a duré la campagne électorale.
Depuis lors, aucune réaction du Sg/Cc Jean Nkuété. Pourtant, c’est l’intérêt supérieur du Rdpc, qui s’est ainsi mué en tartufferie générale. Il semble, plus que jamais, le moment venu, pour le président national, de tirer toutes les conséquences de ce qui s’apparente à un sabotage en règle des fondations et fondements de son parti.
Nadine Bella