Cameroun: Que deviennent les déplacés de la crise anglophone ?

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Dans la ville de Yaoundé, une partie de ces jeunes traumatisés par la guerre, sombrent dans la violence ou la délinquance.

Alors que la plupart des enfants sont à l’école, en cette mi-journée, le petit Célestin, quinze ans, reste à la maison surveiller le nouveau-né de sa tante absente. Arrivé il y a deux ans à Yaoundé, Célestin avait à peine entamé le collège au village d’Issou, en zone anglophone, quand la guerre a éclaté il y a plus de trois ans. « À cette époque, les Ambaboys ont brûlé notre maison. Nous ne pouvions rien faire », se plaint-il. Non loin de là, dans un bâtiment d’une demi-douzaine de chambres, les bruits de robinets témoignent de la présence d’autres déplacés internes. La jeune Trefina, 23 ans venait en septembre 2017 de passer avec succès le Gce Advanced Level, qui est le nom du baccalauréat dans le Cameroun anglophone.

Mais pour elle, tout s’est arrêté là, avant la rentrée universitaire. « J’étais scolarisée mais à cause de la crise, je n’ai pas pu poursuive mes études parce que les classes ont fermé. Je suis venue ici chercher de l’argent pour retourner à l’école, mais je constate que ce n’est pas une chose facile. A cause de la crise, je ne suis plus allée à l’école. J’essaie tout simplement de survivre en faisant du petit business », explique-t-elle. La jeune Trefina fait la plonge au marché de Mokolo à Yaoundé. « Quand je suis arrivée, il fallait survivre. Je marchais à la recherche du travail, je suis tombée sur une femme qui vend la nourriture au marché Mokolo, elle m’a recruté comme plongeuse. Je lave les plats dans son restaurant, je sers les clients et je mets la propreté avant et après les clients. Mon travail commence à 06heures du matin. Je travaille de lundi à samedi pour un salaire de 30 000Fcfa par mois », raconte-elle. Celle-ci était étudiante à l’Ecole normale d’instituteurs de Bamenda, au début de la guerre. Elle n’est plus capable désormais de poursuivre sa formation, à plus de 300 kilomètres de sa ville d’origine. Elle vivait en concubinage avec son amie, dans un logement d’une seule pièce dans le Nord-ouest. « Il y avait beaucoup de tirs de fusils. Les gens étaient kidnappés. Les écoles fermaient. En fait, l’économie avait chuté. Rien ne pouvait plus marcher. Alors c’est cela qui m’a fait quitter le Nord-Ouest pour venir ici », affirme-t-elle. Par contre, en dehors de la débrouillardise comme mode de survie, certains déplacés internes de la crise anglophone n’ont que la délinquance comme moyen de survie.

Violence et délinquance

À Yaoundé, comme dans plusieurs autres établissements scolaires de la ville aux sept collines, ceux qui ont pu malgré tout trouver leur place dans le système éducatif en zone francophone souffrent souvent de troubles post-traumatiques liés à la guerre. Ceux-ci s’illustrent alors parfois par des com-
portements violents ou des actes de délinquance. « Depuis trois ans que la crise anglophone a débuté, nous avons vu nos effectifs d’élèves croître
d’année en année. Aujourd’hui, nous avons un effectif de déplacés de la crise anglophone, c’est-à-dire des élèves venant du Nord-Ouest et du Sud-
Ouest, d’environ 250 personnes. Mais on constate que ces enfants sont de plus en plus violents en milieu scolaire. C’est pourquoi nous nous évertuons à faire en sorte que la discipline règne »,
explique David Mbékou, préfet des études au collège le pigeon. Certains ne sont pas en mesure d’aller à l’école parce que les parents se battent pour les nourrir, pour louer un logement et même trouver un emploi. « Tout ce que je leur demande, c’est de trouver quelque chose à faire pour envoyer les enfants à l’école », a-t-il ajouté. À Yaoundé, les jours sont de plus en plus difficiles pour les déplacés internes. On enregistre chaque jour l’arrivée de nouveaux élèves et étudiants qui fuient les zones anglophones. Certains ont tout perdu dans la guerre. Ce phénomène de déplacés internes fuyant la guerre, allié à une déscolarisation des enfants, représente une bombe à retardement.

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