Cameroun – Projet de l’immeuble siège: L’ART accuse le ministère des Marchés publics

Beh Mengue

Alors qu’elle aurait dû commencer les travaux de construction de son siège depuis 2011, l’Agence de régulation des télécommunications déclare que le marché d’attribution est bloqué par le Minmap.
C’est désormais la parole de l’Agence de régulations de télécommunications (ART) contre celle du ministère des Marchés publics (Minmap). Le gendarme des télécoms au Cameroun a réagi à la suite d’une enquête du « Quotidien de l’économie, publiée le 30 mars 2016, sur le flou qui entoure le marché d’un immeuble siège d’une valeur de 14 milliards de FCFA. De façon chronologique, l’ART raconte que, dans le cadre de la construction de son immeuble-siège, elle a lancé le processus pour l’attribution dudit projet en 2011. C’est ainsi qu’un appel d’offres international ouvert a été lancé le 10 octobre 2011. L’ouverture des plis a eu lieu le 05 décembre 2011 avec la participation de onze entreprises qui ont déposé leurs offres. « Cependant, indique le régulateur, cette procédure s’est soldée par une annulation du ministre délégué à la présidence chargé des Marchés publics, Abba Sadou, qui a prescrit à l’ART par lettre du 30 août 2012 les recommandations suivantes: déclarer l’appel d’offres suscité infructueux ; améliorer le dossier d’appel d’offres (DAO) en vue de la sélection d’entreprises spécialisées en construction d’immeubles ; lancer un nouvel appel d’offres avec pré-qualification d’entreprises ». Par ailleurs, poursuit le gendarme des télécoms, par courrier du 07 septembre 2012, Abba Sadou a instruit l’ART de compléter l’avant-projet détaillé (APD) produit par le groupement Machia/Tognia, maîtrise d’oeuvre complète du projet, par une étude géotechnique approfondie des fondations de l’immeuble siège. C’est dans ce sens que l’ART a sollicité et obtenu l’autorisation de gré à gré du 30 mai 2013 avec le Labogenie pour l’exécution de ladite étude. Aussi, le groupement Machia/Tognia travaillant en étroite collaboration avec les experts du ministère des Travaux publics (Mintp), du ministère de l’Habitat et du développement urbain (Minhdu), du Bureau Veritas et de l’Agence de régulation des marchés publics (Armp), a transmis à l’ART en juin 2015, le DAO révisé qui tient compte des résultats issus de l’étude faite par le Labogenie. A l’effet de suivre les recommandations du Minmap, le projet de dossier d’appel d’offres International ou vert (Daoio) révisé a été transmis audit ministre Abba Sadou le 11 septembre 2015, pour une consultation ultérieure d’entreprises. L’avis d’appel d’offres y afférent N°175/AOIO/MINMAP/CCPM-BEC/2015 du 10 novembre 2015 a été lancé par le Minmap dans le quotidien « Cameroon Tribune » le 17 novembre 2015. La Commission centrale de passation des marchés des travaux de bâtiments et des équipements collectifs (CCPM-BEC) a procédé, le jeudi 14 janvier 2016, à l’ouverture des plis dudit appel d’offres et il ressort de cette séance que neuf soumissionnaires ont déposé leurs offres. A l’issue de ladite séance, le président de la CCPM-BEC a commis une sous-commission d’analyse pour l’examen desdites offres. Le rapport y afférent a été restitué et examiné lors de la séance du 20 janvier 2016 par la Commission centrale de passation des marchés des travaux de bâtiments et des équipements collectifs. « Depuis cette étape, l’ART est dans l’attente de la suite de la procédure, d’où le courrier du 09 mars 2016 adressé au Minmap, pour solliciter des informations quant à l’attribution de ce projet. Ledit courrier n’a pas encore obtenu de réponse », accuse l’Agence de régulations des télécoms.

Histoire d’un immeuble R+8
C’est en face de l’hôtel Hilton, au niveau du lieudit, Boulevard du 20-Mai que devrait se dresser l’immeuble siège de l’ART. Mais en lieu et place, ce sont plutôt des écoles qui utilisent cet espace pour instruire leurs apprenants. Un côté de l’immeuble non bâti est envahi par la broussaille. Depuis 2011, il est attendu un immeuble-siège de huit niveaux. Montant du marché : 14 milliards. Il avait d’abord été attribué à l’entreprise Bati-service. Seulement, l’entreprise chinoise concurrente, China Shanxi Construction Engeneering, avait dénoncé plusieurs irrégularités. Raison pour laquelle, après enquête de l’Armp, il a été décidé de reprendre le processus d’attribution du marché. Selon l’ART, le Minmap tarde à relancer le projet.

ZONES D’OMBRE: Silences troublants
Tous les regards semblent désormais se tourner vers le ministère en charge des marchés publics, qui a coupé toute communication même avec l’ART pourtant bénéficiaire de l’immeuble-siège attendu depuis six ans. Peut-être que le ministère en charge des Marchés publics suivra l’exemple de l’ART pour plus d’éclairage sur ce projet de construction d’immeublesiège qui coûte annuellement au contribuable, une bagatelle d’environ 250 millions de FCFA. Et dans ce sens, l’opinion se demande pourquoi le Minmap refuse de communiquer même avec l’ART, bénéficiaire du projet. La dernière fois où le ministre Abba Sadou a voulu s’exprimer sur la question c’était le 18 septembre 2014 lorsqu’il a relancé le directeur général de l’ART, Jean Louis Beh Mengue. «Monsieur le directeur général, dans le cadre de la programmation des projets financés par le budget d’investissement public (BIP) exercice 2014, la construction de l’immeuble siège de l’ART pour un montant de 14 milliards de francs CFA a été inscrite dans les plans de passation des marchés et devrait être lancée depuis le 24 mars 2014. Ce délai est largement dépassé, le dossier d’appels d’offres y afférent ne m’étant pas encore parvenu pour saisine de la Commission centrale compétente.» Et d’ajouter : « bien vouloir me faire parvenir dans les meilleurs délais possibles votre projet de DAO, en vue de sa finalisation et du lancement de la procédure de passation du marché y afférente». Sous un autre angle, l’on s’attend à avoir d’amples informations sur la suite réservée à toutes les irrégularités qui ont entaché la passation d’un marché qui commence à devenir un véritable serpent de mer depuis cinq ans maintenant. L’Agence de régulation des marchés publics pour sa part avait alors relevé plusieurs infractions. Notamment la substitution des offres des candidats et le refus de les restituer; l’élaboration sur la base des documents reçus d’un rapport d’analyse en dehors de la sous-commission d’analyse et par des personnes étrangères à celle-ci; la modification unilatérale des offres financières sans confirmation a posteriori des soumissionnaires (DPE, Arab Contractors…), et la validation des erreurs tactiques du détail estimatif du groupement Bati Service/Pictet/CFAO Technologies. Pis, l’entreprise chinoise, China Shanxi Construction Engeneering, ayant postulé comme huit autres, avait saisi l’autorité des marchés publics sur une tentative de perception de commission d’un montant de 1,8 milliard de FCFA.

Sylvain Andzongo

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