Le récent séjour à Yaoundé de la secrétaire générale de l’Oif est perçu comme un succès de la diplomatie camerounaise.[pagebreak]Dans le microcosme diplomatique de Yaoundé, les avis sont quasi tous unanimes quant à l’idée que l’on se fait des dividendes politiques – notamment sur l’image du Cameroun – relativement à la visite officielle de quatre jours, de la secrétaire générale de l’Organisation internationale de la Francophonie (Oif). Dans ce milieu où la langue de bois et les sous-entendus structurent la communication, on salut clairement « une victoire diplomatique du Cameroun ». Un succès dont le mérite reviendrait avant tout au chef de l’Etat, dont l’action aurait été des plus décisives dans la désignation de la Canadienne pour succéder à l’immense Abdou Diouf. « Paul Biya a non seulement très tôt soutenue la candidature Michaelle Jean au poste de Sg de la Francophonie, mais il a aussi bataillé auprès de certains de ses pairs pour les rallier à sa cause », renseigne une source bien informée, en service dans une chancellerie occidentale accréditée dans la capitale.
Au-delà d’une simple visite officielle – sur invitation du président de la République – l’ex gouverneure générale du Canada, serait donc venue à Yaoundé dire merci à son bienfaiteur. Un homme qui n’est sans doute pas étranger à la nomination de son compatriote, Jean-Louis Atangana Amougou au stratégique poste de chef de cabinet de l’Oif. A ces faits d’armes non négligeables, on peut ajouter au crédit du locataire d’Etoudi depuis 33 ans, d’autres actions diplomatiques tout aussi remarquables. L’appel à la mobilisation internationale contre le terrorisme sous les oripeaux de Boko Haram, lancé le 08 janvier dernier lors des vœux au corps diplomatique accrédité à Yaoundé, a suscité un frémissement. Dans la foulée, de la rencontre des chefs d’Etat africains à Addis-Abeba en fin janvier dernier, la capitale camerounaise a abrité le 16 février 2015, un sommet extraordinaire de la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (Ceeac) dédié à la lutte contre la nébuleuse jihadiste.
A l’actif de Paul Biya dont le style de la diplomatie est la discrétion, il n’est pas superfétatoire de mentionner les libérations du joug d’Aboubakar Shekau ou de ses congénères, de la famille Moulin-Fournier (le 19 avril 2013), du père Georges Vandenbeusch (le 31 décembre 2013), de 27 otages chinois et camerounais (le 11octobre 2014), des deux prêtres italiens Giampaolo Marta et Gianantonio Allegri, ainsi que de la religieuse canadienne, Gilberte Bussier (le 1er juin 2014). Au vu de ces quelques trophées abondamment vantés par la cohorte de thuriféraires et autres « créatures » de Paul Biya, on peut s’étonner des critiques souvent avancées au sujet de l’efficacité de la méthode du prince.
Isolement diplomatique
L’on ne compte plus les articles de presse dénonçant « l’inefficacité » de « la diplomatie moribonde », du président de la République à qui on impute le recul de la présence des Camerounais notamment dans le système des Nations Unies. Et que dire de l’attitude quelque peu dédaigneuse du chef de l’Etat à l’égard des sommets de l’Union africaine ?
En juin 2011, Paul Biya assistait (en Guinée Equatoriale) à cette grand-messe pour la première fois depuis 1996. Date à laquelle le Cameroun a abrité une telle rencontre. Par ailleurs, les détracteurs de « l’homme lion », ne se privent jamais de surfer sur son « isolement diplomatique » par l’Occident, et surtout la France. Le fait que Nicolas Sarkozy qui s’est rendu au Gabon et au Tchad, ait achevé son magistère sans se poser une seule fois au Cameroun, que son successeur – réputé plus avenant au départ – n’ait toujours pas fait au « Nnom Ngnuii » (Chef des chefs, Ndlr), l’honneur d’une visite, ou encore que de Barack Obama l’Africain, est en passe de quitter la Maison blanche sans avoir été l’hôte de Paul Biya, ne donne t-il pas finalement du crédit à cette thèse ?
Quoi qu’il en soit, il semble que cette « diplomatie de discrétion » ou par « embuscade », pour parler comme le socio politiste Claude Abé, correspondrait bien au tempérament du Sphinx de Mvomeka’a, qu’on dit affectionner tout particulièrement la musique classique, les chants Grégoriens, et le Songo’o. Si l’on ne s’en tient donc qu’à ces quelques « succès » diplomatiques du chef de l’Etat énumérés par l’auteur ces lignes, Paul Biya serait-il un vieux baroudeur politique peu à l’aise avec certains usages de la modernité ? ou encore un stratège incompris ? Le tribunal de l’Histoire nous le dira.
Yanick Yemga